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veaux religieux, le P. Faure s'appliquait, en même temps et avec un zèle égal, à inculquer aux uns et à entretenir dans les autres l'esprit canonique. Le ciel bénissait d'aussi constants efforts. A Sainte-Geneviève comme à Saint-Vincent, on se pénétrait profondément de la sainteté de la vocation et de la grandeur du devoir.

Le cardinal avait jeté les bases de la congrégation générale à établir entre les chanoines de l'ordre de Saint-Augustin. Une ordonnance, en date du 23 décembre 1624, vint en prononcer l'érection.

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Adressée aux différents monastères précédemment désignés, l'ordonnance (1), à la suite de considérants historiques sur l'état de la sainte entreprise, portait : « Avons << tous lesdits monastères mis et réduits ensemble, et d'iceux composé et érigé, composons et érigeons par ces présentes une congrégation sous le nom de province de Paris, voulons et ordonnons que lesdites abbayes de Sainte« Geneviève au mont de Paris et de S.-Vincent de Senlis « soient les maisons appelées noviciats, et qu'en tous les « monastères de ladite congrégation lesdits articles généraux « contenant l'essence des trois vœux de religion, les << articles particuliers pour l'ordre de Saint-Augustin, le << règlement par nous fait pour la réception à l'habit et à la << profession (2), ensemble les lettres patentes de sadite Majesté,... confirmatives d'iceux, soient lus, publiés, enregistrés aux chapitres desdits monastères pour y être « gardés et observés à l'avenir (3). ›

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Sous peine d'excommunication encourue ipso facto et de nullité de la profession religieuse, défense était faite de

(1) L'ordonnance se lit, même ms. 213, p. 231-240.

(2) Le cardinal fait ici allusion à deux ordonnances, qu'il avait portées pour les quatre ordres ensemble, c'est-à-dire pour les ordres de SaintBenoit, de Cluny, de Citeaux aussi bien que pour celui de Saint-Augustin. Elles avaient la date, l'une du 11 mars, l'autre du 12 octobre 1623. Nous y reviendrons.

(3) Même ms., p. 238-239.

recevoir des novices ailleurs qu'à Sainte-Geneviève et à Saint-Vincent. Défense aussi, sous les peines portées par le bref (1), aux prieurs, sous-prieurs et religieux qui ne s'étaient pas encore soumis à l'observance régulière, de faire opposition ou de créer des embarras à ceux qui l'avaient embrassée ou seraient dans la résolution de l'embrasser. Et pour que personne ne put prétexter l'ignorance, l'ordonnance renfermait cette clause finale: « Nous man<< dons à tous notaires apostoliques et royaux, appariteurs, << huissiers et sergents faire pour cet effet toutes publica«tions, significations et actes requis et nécessaires (2). »

Dans les conditions où elle était appelée à se constituer, la congrégation ne pouvait être que l'œuvre du temps, car, après Dieu, il est la plus grande puissance pour triompher des cœurs comme pour vaincre les difficultés.

Le mouvement réformateur s'étendait déjà au delà des limites fixées par le cardinal. Les monastères de Toussaint d'Angers, de Saint-Lô de Rouen, de Sainte-Barbe-en-Auge, de Saint-Jacques de Montfort et Saint-Pierre de Rillé en Bretagne, de Château-Landon demandaient des chanoines réformés ou manifestaient l'intention de le faire. On songeait même à ces chanoines pour La Couronne près Angoulème (3). L'exemple allait être suivi ou l'influence se faire sentir à Saint-Martin de Nevers, à Sainte-Catherine et à Saint-Lazare de Paris, à Chancelade en Périgord, au Montaux-Malades près Rouen, à Notre-Dame de Beaulieu près Le Mans, à Notre-Dame de Châtillon-sur-Seine, à NotreDame de Fontenelles au diocèse de Luçon, à Notre-Dame de La Roé en Anjou, etc. (4).

On voit par là, lisons-nous dans nos Mémoires, « combien << la moisson était ample et l'abondance des bénédictions.

(1) ... Inobedientes, disait le bref, ac contradictores quoslibet et rebelles per sententias, censuras et pænas ecclesiasticas...

(2) Même ms., p. 239-240.

(3) Ibid., p.p. 269, 327, 341 et suiv.

(4) Ibid., passim, et ms. suiv., H. 214, in-fol., passim.

« que Dieu répandait visiblement sur cette congrégation << naissante qui croissait de jour en jour ». Le vrai ne s'accuse pas moins dans les lignes suivantes : « Le défaut d'ou«vriers pour la recueillir a été cause qu'on n'a goûté les << fruits que longtemps après, et qu'une partie même a été «< perdue pour n'avoir pas été prise dans une saison com<< mode et au temps de sa maturité (1). »

En attendant la nomination d'un supérieur général, le P. Faure en remplissait déjà presque les fonctions. Nommé capitulairement, quand il était sous-prieur de Saint-Vincent de Senlis, supérieur des religieux de cette abbaye résidant dans d'autres monastères, il se voyait maintenu dans cette dernière charge en août 1628, alors qu'il gouvernait Sainte-Geneviève de Paris (2).

Les pouvoirs du cardinal comme commissaire apostolique allaient expirer. A Rome, on estima nécessaire de les lui continuer pour trois années, en les limitant toutefois à l'ordre de Saint-Augustin, ce qui se renouvela encore à l'expiration de ce terme. Le premier bref est du mois de février 1628 (3), le second du mois de décembre 1631 (4). Le cardinal pouvait donc poursuivre son œuvre.

Il voulut consacrer et même étendre l'autorité de l'excellent religieux qui le secondait si bien. Il nomma lui-même le P. Faure supérieur et visiteur de la congrégation : « L'a«vons commis et commettons par ces présentes pour avoir << la direction desdits monastères qui ont reçu ladite obser« vance et des religieux résidant en iceux, avec pouvoir « d'y faire visite une fois par an et plus souvent, si besoin <«<est... » L'ordonnance, qui est du 4 mai 1629, exceptait

(1) Ms. fr., H. 213, p. 344-345.

(2) Ibid., p.p. 174 et 323.

(3) B. S. G., ms. fr. H. 229, tom. IX, du Recueil général de pièces, in-fol., p. 285-299, où le bref est transcrit. Les lettres patentes sont de Paris, le 3 avril suivant (Ibid., p. 311-350.)

(4) Ibid., ms. fr. H. 2210, tom. X, du même Recueil, fol. 368-378, où le bref est transcrit. Les lettres patentes sont de Saint-Germain, 17 mars 1632 (Ibid., fol. 392-398).

l'abbaye de Sainte-Geneviève sur laquelle le cardinal se réservait pleine et entière juridiction (1).

cela

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Cependant le P. Faure il était en position pour comprenait mieux que personne la nécessité d'un supérieur général qui fût élu capitulairement selon les constitutions. Il rédigea donc dans ce sens un mémoire pour le cardinal. L'année 1632 était commencée et la congrégation ne cessait de se développer. Le cardinal, entrant complètement dans les vues du P. supérieur, ordonna, après avis de quelques religieux de Sainte-Geneviève, pour le 15 mai suivant, une assemblée générale des monastères ayant adopté la réformation. Ces monastères étaient : Sainte-Geneviève, Saint-Vincent de Senlis, Sainte-Catherine de Paris (2),

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(1) Ms. 213, p. 365-368. Les pouvoirs du visiteur étaient, à la fois, très étendus et parfaitement délimités. Il lui appartenait de « pourvoir à l'en«tretien de ladicte observance, recevoir ceux qui s'y présenteront pour y << prendre l'habit, avec l'advis de trois ou quatre des plus anciens reli«gieux, si tant y en a, et à la profession ceux qui seront jugez capables « d'icelle par l'advis et consentement du chapitre et à la pluralité des « suffrages, licencier ceux qu'il jugera n'estre pas propres pour la religion, « avec le même conseil que pour la réception de l'habit, envoyer d'un «desdicts monastères en un autre les religieux selon la nécessité de ladicte « congrégation ou des personnes en particulier, pouvoir entendre, exami«ner et clore avec l'assistance de quelques anciens religieux les comptes « de la recette et dépense du revenu de chacun desdicts monastères.... « commettre aux offices de souprieur, prieur, père maître et autres, telles « personnes qu'il jugera à propos avec l'advis de deux ou trois reli« gieux... >>

(2) L'origine de ce prieuré se rattachait à la mémorable victoire de Bouvines. Au fort de l'action, l'ardeur de Philippe-Auguste lui faisait courir les plus grands dangers. Les sergents d'armes on les eût nommés plus tard les gardes du corps, ne pouvant délivrer le roi, demandèrent au ciel de suppléer à leur impuissance et prirent l'engagement, s'ils étaient exaucés, de construire une église en l'honneur de sainte Catherine. Le roi fut sauvé et le vœu allait s'accomplir.

Nous suivons la version la plus accréditée. Le P. Nicolas Quesnel, de la Congrégation de France au xvne siècle, raconte le fait un peu différemment dans son Histoire du prieuré de Sainte-Catherine, histoire demeurée inédite à la Bibliothèque Sainte-Geneviève, sous la cote H. fr. 27, in-ful. Il écrit à la page 1re : « Ils (les sergents d'armes) firent vou, si la victoire « demeuroit de leur côté, de faire bastir une église à l'honneur de sainete « Catherine... >>

Les fondateurs du Val des Écoliers, désirant posséder une maison à

Saint-Jean-en-Vallée (1), Saint-Chéron (2), Saint-Martin de

Paris, avaient été gratifiés du terrain nécessaire, en dehors des murs de la cité, près la porte Baudeer ou Baudez, qui fermait la rue Saint-Antoine. Il restait à édifier. Les sergents d'armes estimèrent la circonstance favorable à l'exécution du væu et se chargèrent de la construction de l'église qui s'acheva en 1229. Saint Louis se montra généreux. Plusieurs de ses successeurs sur le trône de France l'imitèrent. Ce monastère était destiné à servir de collège à l'ordre du Val.

Ce prieuré était aussi désigné sous le nom de Sainte-Catherine de la Culture, à cause de sa situation première en dehors des murs de la ville, au milieu des champs cultivés.

Le 25 avril 1629, huit religieux de Sainte-Geneviève avaient pris possession du monastère.

(Gal. christ., tom. VII, col. 851 et suiv.; Felibien, Hist. de la vil. de Paris, tom. I, p. 280-282; N. Quesnel, Histoire manuscrite citée; B. S. G., ms. fr. H. 213, p.p. 345 et suiv., 356 et suiv.)

(1) A l'origine de ce monastère, vers 1038, nous trouvons un prêtre, du nom de Tealdus, qui le dota largement. A la fin du même siècle (1099), saint Yves, le grand évêque de Chartres, lui conféra le titre d'abbaye et y plaça des chanoines réguliers qu'il tira de Saint-Quentin-lez-Beauvais. Dans le cours des âges, Saint-Jean-en-Vallée, situé aux portes de Chartres, fut désastreusement éprouvé, et par l'incendie (1215), et par les inondations (1432), et surtout à l'époque des guerres civiles du siècle sui

vant.

Dès le 18 mars 1624, des religieux de Saint-Vincent de Senlis étaient constitués « maitres de la maison ». Cette installation précéda donc de quelques jours celle-là même qui eût lieu à Sainte-Geneviève.

Violemment chassés en 1628, les chanoines réformés rentrèrent à SaintJean quelques temps après pour ne plus en sortir.

(Gal. christ., tom. VIII, col. 1310; même ms. 213, p.p. 179 et suiv., 335 et suiv.)

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Pour éviter toute confusion, il nous parait utile de bien déterminer chronologiquement-ce qui, du reste, résulte des explications données dans le premier volume le sens du mot régulier opposé à séculier et en tant qu'appliqué à chanoine. Avant la grande réforme canonique du XIe siècle, le mot régulier doit s'entendre dans le sens de vivant en commun. Après cette époque, il prend et conserve sa signification ordinaire ou plus rigoureuse, c'est à-dire celle de lié par les vœux monastiques. C'est du moins à cette double acception que le lecteur doit se reporter dans notre récit. (2) Egalement sous les murs de Chartres, mais plus ancien que SaintJean, Saint-Chéron (Sanctus Ceraunus), s'il n'a pas eu l'évêque saint Papolus pour fondateur et ne compte pas le roi Clotaire parmi ses bienfaiteurs, se présente incontestablement aux yeux de l'historien, dès le IXe siècle, avec le titre d'abbaye. Alors monastère de moines, il passa. dans le xe siècle, en perdant son titre, aux mains de chanoines séculiers qui, en 1149, cédèrent la place à des chanoines réguliers. Avec ces nouveaux hôtes, Saint-Chéron redevint abbaye.

L'exemple de Saint-Jean fut salutaire à Saint-Chéron. En juillet 1625,

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