Page images
PDF
EPUB

champ pour Versailles, tant pour y arrêter l'effervescence aristocratique, que pour y protéger les jours des dignes députés qui y sont en danger. Délibéré au Palais-Royal, ce 30 août.

Des cris d'indignation ont interrompu le morne silence avec lequel cet écrit a été entendu. Un membre s'est écrié qu'il fallait faire imprimer la liste de ces prétendus mauvais citoyens pour les justifier. Mais ce n'était pas tout : on a donné lecture d'une lettre anonyme écrite à M. le président, et qu'il venait de recevoir.

<«< L'assemblée patriotique du Palais-Royal a l'honneur de vous faire part que si le parti de l'aristocratie, formée par une partie du clergé, par une partie de la noblesse, et cent vingt membres des communes ignorants ou corrompus, continuent de troubler l'harmonie, et veulent encore la sanction absolue, quinze mille hommes sont prêts d'éclairer leurs châteaux et leurs maisons, et les vôtres particulièrement, monsieur. >>

Autre lettre à MM. les secrétaires.

« Vous n'ignorez pas l'influence de l'assemblée patriotique, et ce qu'elle peut contre le pouvoir aristocratique.

« Nous venons d'instruire M. le président sur son désir particulier de faire adopter le veto absolu, que nous regardons comme destructeur de la liberté.

<< Il est à craindre qu'il ne passe, et nous en accusons la cabale du clergé et de la noblesse, formée contre le bien public, cent vingt membres des coinmunes qui se sont laissé corrompre. Deux mille lettres sont prêtes à partir dans les provinces afin de les instruire de la conduite de leurs députés : vos maisons répondront de votre opinion, et nous espérons que les anciennes leçons recommenceront. Songez-y et sauvez-vous. »

M. de Clermont-Tonnerre. Ou nous réussirons en faisant le bien, ou nous mourrons en voulant le faire. Mon avis, à moi, est que la liste des citoyens menacés soit imprimée, pour que le blâme des méchants serve de gloire aux honnêtes gens.

Je pense qu'il faut que la justice reprenne son cours ordinaire, et informe contre les hommes tels que ceux qui figurent dans les papiers qui nous ont été envoyés.

En conséquence je propose l'arrêté suivant :

« L'assemblée nationale arrête que M. le maire de la ville de Paris et le commandant de la milice nationale de Paris seront invités à venir prendre leur place pour déclarer s'ils peuvent répondre

TOME II.

3

de la tranquillité de Paris, et, dans les cas où ils ne répondraient pas de la tranquillité de Paris, par suite de la liberté des délibérations de l'assemblée nationale, l'assemblée nationale se transportera dans un autre lieu.

«< Arrête, en outre, que le nom des personnes désignées par les factieux, comme mauvais citoyens, sera honorablement inscrit sur le procès-verbal; que les tribunaux informeront contre les auteurs d'un pareil attentat, et qu'il sera sursis à l'exécution des chefs, s'il y échoit, jusqu'au rapport du comité des douze. »>

Un membre demande la question préalable.

M. Goupil de Préfeln. Catilina est aux portes de Rome. Catilina menace d'égorger les sénateurs; et l'on demande la futile et frivole question Y a-t-il lieu à délibérer? Certes, quand nous sera-t-il permis de délibérer, si ce n'est dans ce moment?

M. le duc de Liancourt propose de ne rien délibérer que M. de Lafayette n'ait été entendu.

M. Duport. Nous n'avons pas été envoyés par nos provinces pour être intimidés par les menaces des factieux.

Nous avons délibéré au milieu de trente mille hommes armés, commandés par un chef expérimenté, et nous pourrions craindre quinze ou vingt mille hommes sans aucun projet, érigés en république, sans lois, sans constitution, au milieu même de leur faction. C'est ici que nous devons sauver l'État, même aux dépens de nos jours; c'est ici que nous devons délibérer au milieu de l'effroi au moins soyons un éternel exemple de la fidélité avec laquelle on doit servir la patrie.

[ocr errors]

Un membre demande que chaque député soit autorisé à envoyer sur-le-champ un courrier dans sa province, pour prévenir les menaces des factieux du Palais-Royal.

M. Mounier. J'appuie la motion de M. le comte de Clermont, en y faisant cependant un amendement.

C'est ici que le comité des douze doit agir; j'ajouterai encore qu'il faut accorder une récompense de 500,000 livres à celui qui viendra dénoncer les auteurs et les instigateurs de ces faits. L'assemblée ne doit pas quitter Versailles; elle doit braver les périls, et s'il faut qu'elle périsse, les bons citoyens de Paris et des provinces la vengeront.

M. Muguet de Nanthou. J'applaudis au zèle de M. le comte de Clermont; mais n'est-il pas en contradiction avec lui-même! Lorsque les citoyens du Palais-Royal ont été arracher des prisons quelques soldats des gardes françaises, M. le comte de Clermont a dit qu'il n'y avait lieu à délibérer, que l'assemblée devait laisser gronder

l'orage autour d'elle, et être impassible sur ses siéges. Je pense donc qu'il en est de même aujourd'hui et qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

M. de Clermont-Tonnerre. La conduite du Palais-Royal à cette époque n'était qu'un scandale, et aujourd'hui elle est un attentat à la liberté française. Si, lorsque trente mille hommes armés voulurent nous réduire à l'esclavage, on eût dit qu'il n'y avait lieu à délibérer, qu'auriez-vous pensé? Mais vous avez délibéré, et vous avez, par votre vertu, mis cette armée en fuite. Vous n'avez pas voulu obéir au despotisme armé, obéirez-vous à l'effervescence populaire ? L'un commandait des bassesses; l'autre vous commandera des crimes. Vous ne pouvez pas délibérer au milieu de quinze mille hommes armés, dont les projets sont inconnus, et qui sont perdus de réputation. (On applaudit. )

M. Chasset. Voici une lettre que m'a adressée un ecclésiastique, qui n'est, certes, ni modéré ni désintéressé; en un mot, qui déshonore son ordre, et que je dois mépriser.

« Associé à l'horrible conspiration formée contre le roi et la monarchie, vil scélérat, tu m'as dépouillé de tous mes biens. J'avais des pensions, des canonicats, des abbayes; tu m'as privé de tout; je n'ai plus rien qu'un désespoir contre toi. Ne pense pas qu'à mon âge je mourrai de faim sans venger Dieu, les lois, les pauvres, et trois cent mille hommes réduits comme moi à la mendicité.

« Je suis anonyme; tu me connaîtras au moment de la vengeance. >>

J'observe que, s'il est question de faire une liste de proscrits, mon sort est étrange. Si l'on me porte dans celle des proscrits par le Palais-Royal, je reste toujours exposé aux fureurs des ecclésiastiques; si, au contraire, on me met dans celle de l'ecclésiastique, je cesse d'être en butte aux présomptions du Palais-Royal; mais je n'en suis pas moins exposé au courroux du bénéficier dépouillé.

Un membre de la noblesse expose que c'est faire trop d'honneur à de pareilles menaces, que de délibérer sur un semblable objet; que l'on ne doit pas craindre des lettres anonymes, symbole de la crainte de ceux qui veulent en inspirer, et des factieux que le hasard rassemble.

M. Target observe qu'il n'y a pas lieu à délibérer, puisque la dernière lettre annonce que tout est calme.

Enfin il est décidé qu'il n'y a lieu à délibérer.

M. le président annonce qu'on va discuter la question de la sanction royale, après que M. Mounier aura fait le rapport des travaux du comité de constitution.

Paris, 51 août. On rapportait, au Palais-Royal, que la ville avait dit qu'il fallait s'adresser aux districts. « Messieurs, dit un citoyen, tous les partis que j'entends proposer me paraissent déraisonnables ou violents... Il y a, dit-on, plus de quatre cents députés aristocrates; eh bien! messieurs, donnez aux provinces le grand exemple de les punir par une révocation. Mais ce n'est pas au Palais-Royal que vous pouvez énoncer légalement votre opinion sur le veto et examiner si vos députés sont infidèles à leurs mandats : c'est dans les districts. J'entends dire qu'il est difficile d'obtenir une assemblée générale extraordinaire des districts; je crois, messieurs, que si vous vous adressiez à l'assemblée des représentants, pour la prier d'indiquer une assemblée générale de districts, vous l'obtiendriez. Alors vos délibérations seraient très-simples; la commune veut-elle ou ne veut-elle pas accorder au roi le veto, pour la part qu'elle a dans le pouvoir législatif? Quelle plainte a-t-elle à former contre ses députés ? etc. »>-Ce discours fut vivement applaudi.— A la ville! à la ville! pour l'assemblée générale des districts, criait-on, point de veto, à bas les aristocrates, à bas les tyrans! — Messieurs, que tous ceux qui sont d'avis d'aller à la ville dans ce but, dit un citoyen, lèvent les mains; et tout le monde leva les mains. On choisit donc une députation qui se rendit auprès de l'assemblée des représentants.

Extrait du procès-verbal des représentants de la commune, du «M. de Lafayette s'est présenté et a proposé de rece

31 août.

voir une députation de citoyens du Palais-Royal.

L'assemblée, prenant cette demande en considération, a d'abord agité la question de savoir si cette députation serait admise; les circonstances l'ont emporté sur les principes: en conséquence les députés ont été admis.

Ces messieurs étant entrés, l'un d'eux a lu une sorte d'adresse conçue en ces termes :

« Nous sommes chargés de la part des citoyens assemblés au Palais-Royal, de demander une assemblée générale des districts pour ce soir à cinq heures, et qu'à cet effet il soit envoyé sur-lechamp l'ordre dans chaque district de battre la caisse pour l'indication de cette assemblée.

« A l'effet de délibérer dans chacun des districts sur les questions suivantes :

<< 1o L'opinion de la commune assemblée par individus est-elle que le roi doit avoir le veto, c'est-à-dire le droit de refuser ou d'adopter les opérations du corps législatif, et la commune le lui

accorde-t-elle ou le refuse-t-elle, pour la portion qui lui appartient dans le pouvoir législatif?

«< 2o La commune est-elle satisfaite de ses députés à l'assemblée nationale? Les confirme-t-elle?

« 3o Si elle en révoqué quelques-uns, qui nomme-t-elle électeurs pour nommer d'autres députés ?

« 4° Ne convient-il pas de donner à ces nouveaux députés, on d'accorder aux anciens un mandat exprès pour refuser le veto au roi, et laisser à la nation l'entier exercice du pouvoir législatif?

«< 5° Enfin d'arrêter que l'assemblée nationale suspendra sa délibération sur le veto, jusqu'à ce que les districts, ainsi que les provinces, aient prononcé. »>

L'assemblée, après avoir entendu ces propositions, a prié les députés de vouloir bien donner leurs noms. Ils ont dit se nommer Loustalot, avocat; Vaquier de Moutier, Poinsot, Bentabole, avocat; Baillot, homme de lettres; Peyrard, géomètre; Lescot, Collard, négociant.

Ces particuliers s'étant retirés, l'assemblée a délibéré. Chacun des opinants a marqué d'abord son étonnement d'une pareille démarche. Chacun s'est plus ou moins étendu sur la nécessité de ne pas permettre ces assemblées tumultueuses, présidées par l'esprit de discorde. On a répété à cet égard ce qui avait été déjà dit, que les districts étant ouverts aux citoyens pour y aller faire leurs motions, y communiquer leurs idées, y développer leurs sentiments sur la chose publique, c'était intervertir toute espèce d'ordre, que de se porter en foule dans ce jardin où toutes les classes de citoyens se trouvant réunies, les factieux avaient souvent le privilége funeste d'en imposer par leurs demi-connaissances, par leur enthousiasme forcené, à la classe crédule et peu instruite du peuple. Plusieurs membres prétendaient qu'il fallait répondre aux soi-disant députés, qu'il n'y avait pas lieu à délibérer; d'autres que l'assemblée, sur la question importante du veto, s'en rapportait à la sagesse de l'assemblée nationale. Enfin, les avis partagés se sont réunis pour l'arrêté suivant, qui a été prononcé par M. le président à MM. les soi-disant députés, après que l'assemblée les a fait rentrer.

«Messieurs, l'assemblée avait annoncé l'invariable résolution de ne recevoir aucune députation que d'un corps légalement constitué; elle ne vous a reçus que parce qu'on lui avait annoncé, comme de votre part, que vous vouliez proposer des moyens de ramener la paix dans le Palais-Royal. Elle n'a rien de plus à vous répondre... >>

(L'assemblée s'occupe ensuite de diverses questions, de l'affaire

« PreviousContinue »