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Adresse du Gouvernement provisoire au Peuple Français.

Français,

Au sortir des discordes civiles, vous aviez choisi pour chef un homme qui paraissait sur la scene du monde avec les caracteres de la grandeur. Vous aviez mis en lui toutes vos espérances. Ces espérances ont été trompées. Sur les ruines de l'anarchie il n'a fondé que le despotisme.

Il devait au moins, par reconnaissance, devenir Français avec vous. Il ne l'a jamais été. Il n'a cessé d'entreprendre sans but et sans motif des guerres injustes, en avanturier qui veut être fameux. Il a, dans peu d'années, dévoré vos richesses et votre population.

Chaque famille est en deuil; toute la France gémit; il est sourd à vos maux. Peut-être rêve-t-il encore à ses projets gigantesques, même quand des revers inouïs punissent avec tant d'éclat l'orgueil et l'abus de la victoire.

Il n'a su régner ni dans l'intérêt national, ni dans l'intérêt même de son despotisme. Il a détruit tout ce qu'il voulait créer, et récréé tout ce qu'il voulait détruire. Il ne croyait qu'à la force, la force l'accable aujourd'hui; juste retour d'une ambition insensée.

Enfin cette tyrannie sans exemple a cessé : les puissances alliées viennent d'entrer dans la capitale de la France.

Napoléon nous gouvernait comme un roi de barbares. Alexandre et ses magnanimes alliés ne parlent que le langage de l'honneur, de la justice et de l'humanité. Ils viennent réconcilier avec l'Europe un peuple brave et malheu

reux.

Français, le Sénat a déclaré Napoléon déchu du trône : la patrie n'est plus avec lui; un autre ordre de choses peut seul la sauver. Nous avons connu les excès de la licence populaire et ceux du pouvoir absolu; rétablissons la véritable Monarchie en limitant, par de sages lois, les divers pouvoirs qui la composent.

Qu'à l'abri d'un trône paternel, l'agriculture épuisée refleurisse; que le commerce chargé d'entraves reprenne sa liberté; que la jeunesse ue soit plus moissonnée par les

armes avant d'avoir la force de les porter; qne l'ordre de la nature ne soit plus iuterrompu, et que le vieillard puisse espérer de mourir ayant ses enfants! Français, rallionsnous; les calamités passées vont finir, et la paix va mettre nn terme aux bouleversements de l'Europe. Les augustes Alliés en ont donné leur parole. La France reposera de ses longues agitations, et, mieux éclairée par la double épreuve de l'anarchie et du despotisme, elle trouvera le bonheur dans le retour d'un gouvernement tutélaire.

(Pas un mot des Bourbons.)

COUR IMPÉRIALE DE PARIS.

La cour impériale de Paris a pris l'arrêté suivant :

La cour sentant tout le prix des efforts qui ont enfin délivré la France d'un joug tyrannique;

Pénétrée de respect et d'admiration pour des princes augustes, modeles de désintéressement et de magnanimité ;

Exprimant aussi son profond amour pour la noble race des rois qui, pendant huit siecles, a fait la gloire et le bonheur de la France, et qui seul peut ramener la paix, l'ordre et la justice dans une patrie où des voeux secrets n'ont cessé d'invoquer le souverain légitime;

Arrête qu'elle adhere unanimement à la déchéance de Buonaparté et de sa famille, prononcée par décret du Sénat du trois de ce mois, et que fidele aux lois fondamentales du royaume, elle appelle de tous ses moyens le chef de la maison de Bourbon au trône héréditaire de St. Louis.

Ordonne que le présent arrêté sera imprimé, et adressé au commissaire du gouvernement provisoire pour la justic e. Le premier président,

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Le maire, adjoints et membres du conseil municipal de Versailles ont adressé au gouvernenement provisoire une lettre dans laquelle ils demandent le rétablissement de cette antique dynastie qui nous promet des jours de justice et de bonheur; ils expriment en même temps leur reconnaissance et leur admiration pour les augustes souverains de l'Europe qui offrent si généreusement aux Français la liberté, une paix honorable et l'héritier de nos rois.

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Extraits du Journal de l'Empire, du 4.

Dans la nuit du 28 au 29 Mars, le lendemain de la bataille qui fut livrée sous les yeux de la capitale, une personne digne de foi, propriétaire d'un château du côté de la Cour-de-France, attirée par les feux qu'elle apercevait sur les hauteurs de ce côté là, s'est avancée jusqu'à l'embranchement de la route qui conduit au château de Morangiés. Elle a reconnu les livrées de l'Empereur et des voitures au nombre de cinq qui venaient sur Paris, au pas, sans aucun équipage de suite ni escorte, attelées de chevaux de poste. Les voitures furent arrêtées par un général français qui paraissait venir de Paris à franc-étrier; arrivé à la portiere de la voiture de l'Empereur, elle s'est arrêtée et l'Empereur est descendu avec beaucoup de précipitation ainsi que plusieurs personnes de sa suite, au nombre desquelles la personne qui fait ce rapport a parfaitement reconnu le ministre des relations extérieures et le genéral Bertrand, grand maréchal du palais. L'Empereur suivi de trois ou quatre personnes a rebroussé chemin en remontant vers la Cour de France, tenant la droite du fosse. Arrivé à la Cour-deFrance, où toutes les voitures avaient reçu l'ordre de remonter, l'Empereur a tenu une espece de conférence avec les officiers qui l'entouraient. Le narrateur de qui l'on tient ces détails, et qui à l'aide de l'obscurité de la nuit avait pu suivre l'Empereur, a entendu, au milieu du mouvement inséparable d'une retraite, qu'il s'agissait de reformer une armée avec les débris des cops qui s'étaient échappés de Paris, et qui dans leur fuite s'éparpillaient de tous côtés; sa garde, elle-même, dans un état de delâbrement extrême, était mêlée avec tous les fuyards. L'Empereur n'avait point de corps d'armée avec lui. Il n'y avait sur les lieux que des soldats errants qui avaient allumé quelques feux.

L'Empereur est resté à-peu près quatre heures à conférer. Le jour commençant à poindre, la même personne qui nous a raconté ces détails dirigea ses pas du côté de Lonjumeau: sur la route elle a questionné officiers et soldats, et dans le nombre il s'en est trouvé quelques-uns qui ne lui ont pas dissimulé l'état d'épuisement absolu de l'armée, et presque tous pensaient qu'ils marchaient sur Orléans pour se réorganiser. Le bruit s'est ensuite répandu que l'Empereur était remonté dans sa voiture et avait gagné Fontainebleau.

Le public est prévenu que l'immense quantité de lettres retenues depuis plus de trois ans dans le dépôt des rebuts de l'administration des postes, tant celles venues de l'Angleterre et des autres pays étrangers, que celles destinées pour ce pays, vont être expédiées à leur adresse.

Le directeur-général des postes,

Paris, le 4 Avril, 1814.

BOURRIENNE.

S. M. l'Empereur de Russie, dès qu'elle a su le changement dans le gouvernement français opére par le Sénat et l'établissement du gouvernement provisoire, a fait proposer, au nom des puissances

alliées, à Napoléon Buonaparté de se choisir un lieu et un établisse ment de retraite pour lui et sa famille ; et M. le duc de Vicence a été chargé de lui remettre cette proposition. Elle a été princi. palement dictée aux puissances alliées par le désir d'arrêter l'effusion du sang et la conviction que, si elle était adoptée par Napoléon, l'œuvre de la paix générale et le rétablissement du répos intérieur de la France ne seraient plus que l'affaire d'un jour.

L'Empereur de Russie, accompagné d'un de ses aides-de-camp, s'est rendu, hier 5, à cheval, à l'hôtel des invalides. S. M. a visité l'église, le dôme, la grande cuisine, les réfectoires, la lingerie, la bibliotheque, etc. etc. Ce monarque n'a été reconnu qu'en sortant de l'hôtel. Aussitôt la garde a pris les armes, et des cris de Vive Alexandre, Vive Louis XVIII, ont retenti de toutes parts.

Le roi de Prusse a paru hier aux Variétés, et y a été accueilli par les plus vives acclamations: des couplets ont été chantés en l'honneur de S. M. La présence de Souverains si généreux et si. magnanimes excite partout un enthousiasme qui ne peut se décrire.

On assure que demain (7) entre six et sept heures du soir la statue de Buonaparté doit être descendue de la colonne. (Sic transit gloria mundi.)

Il paraît une ode impromptu en 46 strophes, sur la révolution française et sur la chûte du tyran, par J. B. de Saint Victor.

Buonaparté a accepté la proposition d'abdiquer le trône et de se retirer hors de France.

Il est arrivé à l'amirauté deux députés de Dunkerque. Ils ont amené avec eux tous les prisonniers anglais, au nombre de 26, qui étaient dans les environs de Dunkerque. Ils apportent aussi une adresse de la corporation de cette ville à Louis XVIII. Ils rapportent qu'au moment de leur départ la nouvelle était arrivée que Buonaparté avait accepté l'offre de l'Empereur Alexandre; qu'il avait abdiqué le trône, et qu'il allait se retirer avec sa famille dans l'isle d'Elbe. Le pavillon blanc flottait à Dunkerque conjointement avec le drapeau anglais.

Louis XVIII fut proclamé à Dunkerque hier, jour duVendredi Saint.

Louis XVIII a été proclamé dans d'autres parties de la France. Il n'y a dans tout le royaume qu'un vœu pour son retour.

On peut de ce moment regarder la guerre comme finie, et la paix générale comme rétablie sur la base que nous avons toujours regardé comme la seule qui fût honorable ou qui promet de devoir être permanente et sûre.

EXTRAIT DE LA GAZETTE EXTRAORDINAIRE DE LA COUR, DU 9 AVRIL.

Extrait d'une Dépêche de Lord Cathcart, datée de Paris, le 31 Mars.

L'Empereur Alexandre et le Roi de Prusse sont entrés à Paris ce matin et y ont été reçus par toutes les classes de la population, avec les plus vives acclamations.

Les fenêtres des plus belles maisons étaient remplies de personnes bien mises, agitant des mouchoirs blancs et battant des mains. La populace mêlée aux personnes d'une classe supérieure, était dans les rues, s'empressant de voir l'Empereur et de toucher son cheval. Le cri général était : Vive l'Empereur Alexandre, Vive notre Libérateur, Vive le Roi de Prusse!

Grand nombre de personnes ont paru avec des cocardes blanches, et il y avait un cri considérable de Vive Louis XVIII, Vivent les Bourbons, qui augmentait graduelle

ment.

Leurs Majestés Impériales et Royales se rendirent aux Champs-Elisées, où une grande partie de l'armée passa en revue devant eux et suivant l'usage dans le meilleur ordre. S. M. I. loge dans l'hôtel de M. Talleyrand, Prince de Bénévent.

Il est impossible de décrire les scenes de la journée d'aujourd'hui dans le court espace d'une dépêche. Les plus frappantes ont été, la garde nationale en uniforme et armée : débarrassant les avenues pour le passage des troupes des alliés, dans toute la pompe d'une parade militaire, le lendemain d'un combat très-chaud. Le peuple de Paris dont les sentiments politiques se sont manifestés fortement dans tous les temps, unanime dans son cri pour la paix et pour un changement de dynastie, jouissant comme d'un bonheur et de sa délivrance, du spectacle de l'entrée dans la capitale de France d'une armée conquérante; une corde placée autour du col de la statue de Napoléon sur la colonne de la

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