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Ordre général publié par le Maréchal Comte Barclay Tolly, général en Chef des Armées russes et prussiennes combinées.

Soldats,

Votre persévérance et votre bravoure ont délivré la nation française, opprimée par un tyran qui n'agissait que pour lui-même et qui a oublié ce qu'il devait à un peuple estimable et généreux. La nation française s'est déclarée pour nous; notre cause est devenue la sienne, et notre magnanime souverain lui a promis appui et protection. Dès ce moment les Français sont nos amis; que vos bras détruisent le petit nombre de malheureux qui entourent encore l'ambitieux Napoléon; mais que le cultivateur et l'habitant paisible soient traités avec amitié et considération, comme des Alliés unis avec nous par les mêmes intérêts.

Donné au quartier-général à Paris, le 2 Avril 1814.

Le général de division comte Legrand a notifié au gouvernement provisoire son adhésion à toutes les mesures qui ont été prises par le Sénat.

Les personnes employées à la trésorerie et dans plusieurs autres administrations publiques, qui n'avaient reçu aucun salaire depuis trois mois ont été payées hier.

Le corps des dames de la Halle, conformément à l'ancienne coutume s'est présenté ce matin à l'hôtel du prince de Bénévent, et a sollicité l'honneur de présenter un bouquet à l'Empereur Alexandre. Ce souverain était sorti; il parcourait à cheval les différents quartiers de la Capitale, recevant partout les bénédictions d'une population immense qui se pressait autour de lui dans sa marche. A son retour, Sa Majesté a bien voulu recevoir l'hommage des dames de la Halle et accepter leur bouquet avec la plus gracieuse et la plus touchante affabilité. Dans l'ivresse de leur bonheur, elles ont fait retentir l'air des cris prolongés de "Vive Alexandre! Vivent les Souverains! Vive Louis XVIII! Vivent les Bourbons!"

Un grand nombre de jeunes gens, à pied et à cheval, avec des cocardes à leurs chapeaux et portant des drapeaux blancs, ont eu l'honneur d'être admis à l'audience du roi de Prusse. Ils sont partis pleins de vénération pour cet illustre

souverain, si chéri de ses braves sujets et si digne de l'être. Nous apprenons de tous les districts voisins de la capitale, que les conscrits qui étaient en marche pour joindre l'armée de Buonaparté s'en retournent chez eux. Un grand nombre abandonne chaque jour ses étendards. Plusieurs viliages ont déjà présenté le touchant spectacle de meres em brassant leurs fils qu'elles croyaient morts; ils rentrent dans leurs maisons avec des rameaux dans leurs mains, couverts de rubans blancs, et criant: Vive le Roi! A bas le Tyran!

Paris reçoit chaque jour dans ses murs des soldats qui ne veulent plus verser leur sang pour la féroce ambition d'un seul homme, On les accueille avec tendresse; chacun s'empresse de fournir à leurs besoins et d'effacer les longues souffrances qu'ils ont essuyées.

Une foule de jeunes gens de distinction s'est portée pendant toute la journée d'hier chez M. Charles de Noailles dans le faubourg de Saint-Honoré, pour inscrire leurs noms sur la liste de la garde royale.

C'est M. le sénateur Lambreschts et non M. Garat, ainsi. que quelques journaux l'avaient annoncé, qui est chargé de rédiger le plan d'une nouvelle constitution.

L'adresse suivante signée par un grand nombre d'habitants a été placardée hier dans tout Paris.

A LL. MM. l'Empereur de Russie et le Roi de Prusse.

Sires,

Paris est occupé par vos armées triomphantes. Recevez l'honimage le plus flatteur pour des conquérants généreux, la récompense de la victoire la plus agréable et la plus rare: les bénédictions des vaincus. Les vaincus! ah! ce nom qui toutefois n'exclut pas toute idée de gloire, ne peut nous appartenir. Nos vœux vous ont appeles; ils ont se condé votre sainte croisade contre le fléau des nations, contre cemonstre étranger à notre pays, qui, élevé par une for tune dont il était indigne, au timon de l'état déchiré par les factions, a perverti l'énergie d'un bon peuple, et a abusé de cette énergie pour déclarer follement la guerre à la liberté du monde et même à la race humaine; contre ce monstre à qui il était donné éminemment de dépeupler et de détruire; qui, depuis la Baltique jusqu'aux Pyrénées, a arraché les enfants à leurs parents pour en faire les instruments ou les victimes de sa dévorante tyrannie et a forcé les peres à faire

des vœux contre le succès des armes de teurs enfants. Ces prieres ont été entendues par la Providence et réalisées par vos braves armées. Vous triomphez, Sires, mais nous ne sommes pas vaincus; nous sommes délivrés et votre triomphe sera l'objet éternel de notre gratitude. Libérateurs de notre malheureuse patrie, daignez accomplir votre ouvrage, et combler la mesure de vos bienfaits. La France ne peut jouir d'aucun repos; elle ne peut réprendre son rang parmi les nations de l'Europe; elle ne peut, nous devons le dire inspirer de la confiance pour traiter avec elle aussi long-temps qu'elle ne sera pas sous l'ombre tutélaire de l'autorité légitime. Ah! du moins, au milieu de longues et coupables erreurs, on nous rendrá la justice de dire qu'aucun Français n'a osé s'asseoir sur le trône de Louis XVI. Le freres de ce malheureux de ce monarque, son légitime successeur, le descendant du bon Henri, le souverain des Français n'est point encore parmi nous.

Permettez, Sires, que, sous vos auspices, une députation de bons Français aille se jetter à ses pieds, lui offrir un hommage expiatoire et le prier de rendre à la France la présence de son Roi, et de fixer avec Vos Majestés dans cette capi tale alors purifiée les bases inébranlables de la tranquillité de l'Europe. VIVE LE ROI. (Suivent les signatures.)

Adresse du Gouvernement provisoire aux Armées Françaises.

Soldats,

Paris, 2 Avril, 1814.

La France vient de briser le joug sous lequel elle a gémi avec vous pendant tant d'années.

Vous n'avez jamais combattu que pour la patrie; vous ne pouvez plus combattre, à moins que ce ne soit contr'elle, sous les drapeaux de l'homme qui vous conduit.

Voyez tout ce que vous avez souffert de sa tyrannie. Vous étiez nagueres un million d'hommes; presque tous ont péri. Ils ont été livrés au glaive de l'ennemi, sans vivres, sans hôpitaux ; ils ont été condamnés à périr de misere et de faim.

Soldats, il est bien temps de mettre fin aux malheurs de la patrie; la paix est entre vos mains.

La refuserez-vous à la France désolée ? Vos ennemis eux-mêmes vous la demandent. Ils regrettent de ravager ses belles campagnes et ne veulent reprendre les armes que contre votre oppresseur

et le nôtre. Serez-vous sourds à la voix de la patrie qui vous conjure et vous supplie? Elle vous parle par son sénat, par sa capitale et par-dessus tout par ses malheurs. Vous êtes ses plus nobles enfants, et vous ne pouvez appartenir à celui qui l'a ravagée, qui vous a livrés sans armies et sans défense; qui voulait rendre votre nom odieux à toutes les nations, et qui aurait compromis votre gloire, si un homme, qui n'est pas même Français, avait pu affaiblir la gloire de nos armées et la générosité de nos soldats.

Vous n'êtes plus les soldats de Napoléon: le Sénat et toute la France vous dégagent de vos serments.

(Signé)

Le Prince de BENEVENT,
FRANÇOIS DE MONTESQUIOU,
Duc de DALBERG,

BEURNONVILLE,

JAUCOURT.

Paris, le 5 Avril.

ACTES DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

Le Gouvernement provisoire apprenant avec douleur que des obstacles ont été mis au retour du Pape dans ses Etats, et déplorant cette continuation d'outrages dont on abreuve depuis si long-temps le chef courageux que l'Eglise redemande, ordonne que tout empêchement cesse à l'instant, et qu'on lui rende dans sa route les honneurs qui lui sont dûs.

Les autorités civiles et militaires sont chargées de l'exécution du présent décret.

Donné à Paris, le 2 Avril 1814.

(Signé)

Le Prince de BENEVENT.

Le Duc de DALBERG.

Le Gén. Comte de BEURNONVILLE.
François de JAUCOURT.

L'abbé de MONTESQUIOU.

Par le Gouvernement provisoire,

(Signé)

DUPONT (de Nemours) secrétaire.

Le gouvernement provisoire considérant combien il a 'été odieux en soi, et contraire aux conventions qui ont précédé le départ de S. M le Roi d'Espagne, de retenir à Perpignan son frere, l'Infant Don Carlos, ordonne que ce Prince soit reconduit le plus promptement possible, et avec tous les honneurs dûs à son rang, jusqu'au premier poste espagnol.

Il est enjoint aux autorités civiles et militaires de pren dre toutes les mesures nécessaires à l'exécution du présent ordre.

Donné à Paris, le 2 Avril, 1814.

(Mêmes signatures.)

Les relations qui viennent de s'établir entre les puissances alliées et le gouvernement français sont de nature à permettre immédiatement que la France soit considérée en état de paix avec elles. En conséquence, le gouvernement provisoire, par suite de la sécurité que ces relations inspirent, arrête :

Que tous les conscrits actuellement rassemblés sont libres de retourner chez eux, et que tous ceux qui n'ont point encore été enlevés de leur domicile, so t autorisés à y rester. La même faculté est applicable aux bataillons de nouvelle levée que chaque département a fournis, ainsi qu'à toutes les levées en masse.

Paris, 4 Avril, 1814.

(Suivent les signatures.)

Le Gouvernement provisoire arrête:

1°. Que tous les emblèmes, chiffres et armoiries qui ont caractérisé le gouvernement de Buonaparté, seront supprimés et effacés partout où ils peuvent exciter

2°. Que cette suppression sera exclusivement opérée par les personnes déléguées par les autorités de police ou municipales, sans que le zele individuel d'aucun particulier puisse y concourir ou le prévenir.

3. Qu'aucune adresse, proclamation, feuille publique ou écrit particulier ne contienne d'injures ou expression ou trageante contre le gouvernement enversé, la cause de la patrie étant trop noble pour adopter aucun moyen dont il

s'est servi.

VOL. XLV.

K

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