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espérances et de leurs antiques affections; vers ce qui faisait la joie et l'orgueil de leurs ancêtres; vers leurs princes naturels; vers la maison royale de Bourbon; en un mot vers leur Souverain légitime, Louis XVIII. Aujourd'hui c'est un sujet de consolation pour tous les Français fideles, que Buonaparté est un étranger, un Corse. C'est une consolation pour eux de penser qu'au milieu de leurs longues et coupables erreurs, aucun Français n'ait osé s'asseoir sur le trône de Louis XVI. On porte dans Paris la cocarde blanche. Le drapeau blanc y flotte. Les jeunes gens déployent avec ostentation ces emblêmes du gouvernement légitime. Ils se hâtent de se faire inscrire dans les listes de la garde-royale. La hausse des fonds français indique aussi un espoir de permanence. Ils sont montés à 62 et monteront encore. Nous le répétons; les nouvelles d'hier nous paient du travail de longues années. Ce n'est pas une légere satisfaction pour nous que d'observer que ce que l'on appellait dans notre feuille des épithetes des Halles, ce qu'on traitait de langage vulgaire et honteux, est répeté à la lettre, est amplifié, et rehaussé par ceux qui avaient le plus de moyens de savoir ce qu'était Buonaparté. Tout le sang qui fut répandu dans nos guerres civiles pendant trois siecles, dit un des écrivains français des plus éloquents de nos jours, n'était rien en comparaison de celui que ce seul homme a fait verser. La boucherie d'hommes qu'il causait dans une seule année était plus, considérable que celle qui fut jamais causée par Néron et tous ses successeurs jusqu'au temps de Constantin. Tel est pourtant l'homme dont, il n'y a pas encore un mois, quelques-uns de nos collegues assuraient que le gouvernement était plus désirable pour la France que celui même des Bourbons!!

PIECES RELATIVES A LA NOUVELLE

RÉVOLUTION.

ÉPHÉMÉRIDES.-NO. I.

Relation de ce qui s'est passé à Paris du 28 Mars au 3 d'Avril, suivie des Documents officiels.

Le 28 Mars.--L'Impératrice et le Roi de Rome quittent Paris par ordre de l'Empereur Napoléon.

Le 28 au soir.-Proclamation du prince Joseph, qui dit "Je ne vous quitterai pas."

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Le 30.-Le prince Joseph donne ordre de défendre Pa ris, et ordonne à la garde nationale de marcher.

A dix heures il renouvelle l'ordre.

A onze heures, il fuit.

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A onze heures et demie, il envoie son aide-de-camp, pour répéter: "Je suis avec vous, défendez-vous."

La Garde nationale, pleine de courage, prend les armes. A midi, les généraux les plus expérimentés voient que Paris est sur le point d'être pris. Le général Marmont, plein d'honneur et de bonté, veut éviter des maux inutiles, et conclut l'armistice le plus honorable que les circonstances pouvaient permettre: durant l'armistice, une capitulation est faite.

Le 31 Mars, au matin.-Paris n'entend plus le bruit du canon. La matinée se passe en réflexions sur les dangers de la veille, sur la désertion du Souverain, sur la fuite de son frere; sur un plan de défense ayant pour base la destruction de la ville; sur le pillage projeté des maisons.

Pendant que les esprits sont ainsi disposés, les Souverains alliés, l'Empereur de Russie accompagné du Prince de Schwartzenberg, représentant de l'Empereur d'Autriche, et le Roi de Prusse entrent dans la ville.

Les ennemis deviennent les sauveurs de la ville. Les trois chefs, avant d'entrer dans aucune maisou, restent sur une place, pour voir défiler leurs troupes devant eux, pour faire observer la discipline, pour prévenir tout désordre.

A une heure, ces grands soins militaires et civiles sont remplis. Les chefs des trois armées entrent dans l'hôtel du VOL. XLV.

I

du prince de Bénévent. Les Souverains nés sur le trône, au lieu de se complaire, comune Buonaparté, à Vienne, à Berlin et Moscou, dans des palais impériaux et royaux, demandent des maisons particulieres.

L'Empereur de Russie loge à l'hôtel du prince de Béné

vent;

Le Roi de Prusse, dans la maison de M. de Beauharnois; Le Prince de Schwartzenberg, dans celle du général Sébastiani.

Paris est couvert des adresses suivantes: Voyez page 48, la Proclamation du Prince de Schwartzemberg.)

Déclaration de S. M l'Empereur de Russie.

Les armées des Puissances alliées ont occupé la capitale de la France; les Souverains alliés accueillent le vœu de la nation française.

Ils déclarent:

Que si les conditions de la paix devaient renfermer de plus fortes garanties lorsqu'il s'agissait d'enchaîner l'ambition de Buonaparté, elles doivent être plus favorables lorsque par un retour vers un gouvernement sage, la France elle-même offrira l'assurance de ce repos.

Les Souverains proclament en conséquence, qu'ils ne traiteront plus avec Napoléon Buonaparté ni avec aucun de sa famille.

Qu'ils respectent l'intégrité de l'ancienne France, telle qu'elle a existé sous ses rois légitimes: ils peuveut même faire plus, parce qu'ils professent tonjours en principe que pour le bonheur de l'Europe, il faut que la France soit grande et forte.

Qu'ils reconnaîtront et garantiront la constitution que la Nation Française se donnera. Ils invitent par conséquent le Sénat à désigner un gouvernement provisoire, qui puisse pourvoir aux besoins de l'administration, et préparer la constitution qui conviendra au peuple français.

Les intentions que je viens d'exprimer me sont communes avec toutes les Puissances alliées.

Paris, le 31 Mars, 1814, à trois heures de l'après-midi,
ALEXANDRE.

(Signé)

Par S. M. l'Empereur,

Le Comte de NESSELRODE, Secrétaire d'Etat.

S. M. l'Empereur de toutes les Russies est informée que beaucoup de militaires de tout grade sont dans ce moment à Paris, où ils ont été conduits soit par suite des événements de la guerre, soit par le besoin de soigner leur santé altérée par de grandes fatigues ou d'honorables blessures.

Il ne suppose pas qu'ils puissent avoir cru un moment qu'il leur fût nécessaire de se cacher; dans tous les cas, il se plaît à déclarer en son nom et en celui de ses alliés, qu'ils sont libres, parfaitement libres, et que comme tous les autres citoyens français, ils sont appellés à concourir aux mesures qui doivent décider la grande question qui va se juger pour le bonheur de la France et du monde entier.

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Le comte de NESSELRODE, secrétaire-d'Etat.

Cette piece ouvre les yeux à tout le monde; elle fait voir à qui on fait la guerre et à qui on ne la fait pas. Il n'y a plus d'ennemi dans le monde.

Le 1er Avril, 1814, à trois heures et demie, les membres du Sénat se sont assemblés en conséquence d'une convocation extraordinaire. S. A. S. le Prince Bénévent, vice-grandélecteur président.

Son Altesse Sérénissime le Prince Vice-Electeur-Président, a dit :

"Sénateurs,

"La lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser à chacun de vous pour vous annoncer cette convocation extraordinaire, vous en fait connaître l'objet. Des propositions doivent vous être soumises. Ce seul mot indique suffisamment la liberté que chacun de vous apporte à cette assemblée. Elle vous met à portée de donner un généreux essor aux sentiments dont chacun de vous est animé, le désir de sauver votre patrie et la résolution de voler au secours d'un peuple abandonné.

"Sénateurs, les circonstances, quelque difficiles qu'elles puissent être, ne peuvent pas être au-dessus du patriotisme ferme et éclairé de tous les membres de cette sssemblée. Vous avez sans doute senti tous également la nécessité d'une délibération qui puisse prévenir tout délai, et de ne pas laisser passer un seul jour sans rétablir l'action de l'administration, le premier de tous les besoins, pour la formation d'un gouvernement dont l'autorité, vû les besoins du moment, ne peut pas manquer de rassurer les esprits."

Le Prince Vice-Electeur ayant cessé de parler, plusieurs propositions ont été faites par divers membres.

La question étant posée, le Sénat décrete :

1o. Qu'il sera établi un gouvernement provisoire, chargé de pourvoir aux besoins de l'administration, et de présenter au Sénat le projet d'une constitution qui convienne au peuple français.

2°. Que ce gouvernement sera composé de cinq membres, et procédant ensuite à leur nomination, le Sénat élit pour membres du gouvernement provisoire, M. Talleyrand, prince

de Bénévent; le comte de Beurnonville, sénateur; le comte de Jaucourt, sénateur; le duc de Dalberg, conseiller d'état ; M. de l'abbé Montesquiou, ancien membre de l'assemblée constituante.

Ils sont proclamés en cette qualité par le prince ViceGrand-Electeur, président.

Un membre propose de poser en principe, et de charger les membres du gouvernement provisoire de comprendre en substance dans l'adresse au peuple français.

1°. Que le Sénat et le Corps Législatif sont déclarés partie intégrante de la Constitution projetée; sujet aux modifications qui serout jugées nécessaires pour assurer la liberté des suffrages et des opinions.

2°. Que l'armée ainsi que les officiers et soldats retirés conserveront les rangs, honneurs et pensions dont ils jouissent. 30. Que les dettes publiques seront inviolables.

4°. Que la vente des domaines nationaux sera maintenue irrévocablement.

5°. Qu'aucun Français ue sera responsable des opinions publiques qu'il aura pu exprimer.

6o. Que la liberté des cultes et de la conscience sera maintenue et proclamée, ainsi que la liberté de la presse, sujette à la repression légale des crimes qui peuvent naître de cette liberté.

Ces différentes propositions, secondées par plusieurs membres, furent mises aux voix par le Prince Vice-GrandElecteur, président, et adoptées par le Sénat.

A la séance du soir du même jour, présidée par le sénateur comte Barthélemy, le Sénat entend la lecture du procèsverbal de la séance de ce jour, et l'adopte avec quelques amendements.

Les membres precéderent alors à signer le procès-verbal comme suit-:

M. M. Abrial, Barbé de Marbois, Barthélemy, cardinal de Bayanne, Belderbusch, Bertholet, général Beurnonville, Buonacorsi, Carbonara, général comte Chasseloup, Laubat, Cholet, général Colaud, Cornet, Davous, de Gregory Marcorengo, général Dembarrere, de Pere, Destust de Tracy, général d'Harville, Daubersaert, général d'Hedouville, DuboisDebay, Emmery, Fabre-de l'Aude, général Férino, Fontanes, Garat, Grégoire, Hervin, de Jancourt, Journu Aubert, général Klein, le Jeas, Lambrechts, Lanjuinais, Launoy, Le Brun de Rochement, général Lespinasse, Le Mercier, Maleville, Meermann, Monbadon, Pastoret, Peré, Pontecoulant, Porcher, Rigal, Roger-Ducos, St. Martin de Lamothe, général Sainte Suzanne, Saur, Schimmelpennick, maréchal Serrurier, général Soulés, Tascher, général Valence, maréchal de Valmy, Vandeden, Vandepoll, général Vaubois, général Villetard, Vimar, Volney.

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