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LE LOGOGRAPHE,

ου

LE MONITEUR SECRET.

No. LXXII et dernier.

"Le lâche est reconnu: son Empire est détruit."

Alleluia, Alleluia, Alleluia.

VIVE LE Ror.

La proximité des fêtes de Pâques, pendant lesquelles les travaux des imprimeries sont suspendus, nous oblige de jeter à la hâte sur le papier, sans choix et sans arrangement, une légere partie des nombreux matériaux historiques sur la contre-révolution, qui se trouvent sur notre table. Quand le cœur bat aussi vivement, on n'est pas asservi aux regles ordinaires. Un peu de désordre est aujourd'hui à l'ordre du jour.

Extrait du Tines du Samedi 9 Avril.

Ce jour-ci nous paie plusieurs années de travaux. Nous avons aujourd'hui à présenter à nos lecteurs la chute de la tyrannie, la juste punition d'une ambition effrénée.

BUONAPARTÉ A CESSÉ DE RÉGNER.

Lui et sa famille sont absolument exclus du trône de France.

La journée du 2 d'Avril 1814 (anniversaire de son mariage avec Marie-Louise) sera à jamais mémorable dans les annales de l'Europe.

Ce fut le 2 Avril que le Sénat décréta la déchéance du tyran, et dégagea tous ses anciens sujets du serment de fidélité qu'ils lui avaient prété comme souverain.

Sur la demande de l'Empereur de Russie, le Sénat avait été assemblé, le ler, par TalleyrandPérigord, en sa qualité de Vice-grand-Electeur, afin de constituer un gouvernement provisoire. Il avait été nommé à cet effet un comité de cinq personnes; mais la totalité de ce corps s'assembla de nouveau sous la présidence de Barthelemy, afin de prendre en considération des mesures de la plus grande urgence; et le résultat de cette réunion fut le décret pour lequel il a mérité et recevra sans doute les éloges unanimes de l'hu

manité.

Les papiers de Paris du Ier au 4 sont arrivés, ainsi que beaucoup de lettres particulieres de cette capitale. Le Moniteur continue d'être, comme ci-devant, le seul journal officiel. L'esprit public s'est manifesté à Paris d'une maniere si prononcée que les alliés n'ont pas tardé à s'apercevoir qu'il était à-peu-près inutile, d'établir des mesures de police bien strictes. Le général Sacken fut nommé gouverneur militaire de la ville, mais le commandement de la garde-nationale fut confié à un général français, le général Dessolles. Les barrieres furent ouvertes, et on les passa avec la plus grande facilité, moyennant des passeports signés du Préfet de police, Pasquier, auquel était ajouté le contre-seing du général Sacken. L'Empereur de Russie et le Roi de Prusse étaient suivis dans toutes les rues, couverts des applaudissements de la foule partout où ils passaient. LL. MM. etaient en parfaite intelligence avec les personnes dirigeantes à Paris. Après que le décret de déchéance eut été passé, l'Empereur de Russie accorda une audience au sénat; il parla aux sénateurs de la maniere la plus amicale, et promit de rendre les Français prisonniers qui étaient dans ses états.

Préalablement à ceci, Caulaincourt avait été dépêché par Buonaparté aux Souverains alliés, mais il fut congédié sans être entendu, et il retourna au quartier-général de Buonaparté en quelque endroit que fût son quartier-général, ce qu'il paraît qu'on ignorait à Paris le 4. Quoiqu'il en soit, son pouvoir militaire est tout aussi bien fini que son autorité civile; car le gouvernement provisoire, consistant en Talleyrand, l'abbé de Montesquiou, Jaucourt, Beurnonville et le duc de Dalberg avaient publié une adresse à l'armée dans laquelle ils lui disaient qu'ils n'étaient plus les soldats de Napoléon; d'un homme qui n'était pas même français, qui avait sacrifié la vie d'un million de soldats français, qui les avait exposés à périr sans magasins et sans hôpitaux, et qui dans le fait autant l'oppresseur du militaire que du reste de la France.

paraît que ces arguments ont eu leur plein et entier effet. On assure qu'un grand nombre de conscrits qui étaient en marche pour joindre l'armée avaient rebroussé chemin sur-lechamp, et que grand nombre des soldats de l'armée étaient déjà retournés chez eux portant au bout de leurs fusils des branches d'arbres en signe de paix et des rubans blancs en témoignage d'attachement à leur Souverain légitime. Versailles et les autres ville voisines avaient déjà envoyé leur adhésion aux actes du gouvernement provisoire; le général de division Le Grand en avait fait autant, et ces exemples allaient être suivis universellement.

Le sénat étant le seul corps assemblé alors, qui possedât quelqu'autorité, l'effet des circons、tances a été de mettre dans ses mains la direction en chef de la contre-révolution. Nous avons précédemment exposé les raisons que nous avions de désirer qu'une classe d'hommes différente,

et surtout que des personnes plus intimément liées avec l'ancien gouvernement, eussent pris la di♣ rection de ces mouvements. Cependant comme ç'aurait été le comble de l'imprudence que de perdre du temps en pareille occasion par une attention trop scrupuleuse pour les formes, et comme il peut y avoir eu plusieurs considérations locales et temporaires, qui ont influencé les Souverains alliés, nous n'osons pas hasarder de censurer une mesure qui a eu des conséquences aussi promptes et aussi décisives. Il faut observer outre cela que le gouvernement provisoire n'est pas autre chose qu'un comité chargé de rédiger un projet de constitution; et les principes posés et convenus jusqu'à présent ne different en aucune maniere des bases posées dans la proclamation de Louis XVIII. La tolérance religieuse, la liberté de la presse, la sûreté des propriétés, la garantie de la dette publique, l'assurance de sa solde et de son rang à l'armée, sont des mesures de nécessité absolue pour tous les gouvernements. Personne ne doute que la constitution ne doive avoir un monarque à sa tête, et que ce monarque ne doive être un Bourbon. Il reste à voir jusqu'à quel point il sera possible de faire cadrer les justes droits des anciens ordres de l'état avec l'établissement d'un sénat et d'un corps législatif. llest aisé de concevoir d'après toutes ces données, que l'on projete d'établir en France une constitution qui se rapproche de la constitution anglaise; mais nous espérons encore que ce plan ne sera pas d'une espece trop théorique, et qu'il ne sera point adopté sans la sanction de ceux qui ont le double avantage d'être versés dans les anciennes lois et coutumes du royaume, et d'avoir montré une fidélité religieuse, à leurs devoirs comme loyaux français et vrais patriotes.

Quel

que soit le résultat de cette nouvelle

et grande tentative, c'est un grand triomphe de gagné pour la cause de l'humanité. Le voile du temple de la tyrannie a été déchiré en deux, et les traits hideux et livides de l'idole sont enfin exposés à la vue et ils paraissent dans leur nudité aussi affreux que notre faible pinceau a jamais pu les peindre, et plus horribles encore qu'aucune description ne peut les tracer. Depuis plusieurs mois et depuis plusieurs années les paroles brûlaient dans la bouche et au fond du cœur des Français : à la fin elles ont pu s'exhaler en liberté. Maintenant l'on voit et l'on apprend que le langage que nous avons employé avec empressement et sincérité pour exciter l'esprit de résistance à l'oppression, a été dans le fait au dessous des sentiments des opprimés. Grâces à Dieu, nous n'avons pu parler que par réflexion et par sympathie. Notre heureux et bien aimé pays a été épargné (et puisse-t-il l'être toujours ainsi ;) il n'a point eu à souffrir les maux affreux sous lesquels la France a si long-temps gémi; mais aujourd'hui que le joug est brisé subitement, l'indignation des Français s'exhale en accents foudroyants contre le tyran, le monstre, le fléau des nations. Leurs écrivains les plus éloquents et les plus impartiaux ont tout à coup saisi la plume. La presse fourmille de publications. Les rues retentissent de cris de joie et de vengeance mêlés ensemble. Jusqu'aux femmes de la Halle se rassemblent encore pour exhaler leur exécration contre le dominateur qui a désolé leur pays et verser leurs bénédictions sur l'ennemi qui l'a délivré. De quel côté le peuple français se tournera-t-il pour obtenir la paix et le repos? Lorsque le météore trompeur qui les a conduits sur le bord de leur ruine, vient à s'éteindre, vers quel astre ami tourneront-ils leurs regards? Vers l'étoile polaire de leurs anciennes

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