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cinq pour cent, mais que les affaires ne permettoient pas qu'on pût passer les deux et demi1. Le lendemain 28 mai on publia l'arrêt qui remit les billets de la Banque au même état où ils étoient avant l'arrêt du 22 mai, qui fut ainsi révoqué au bout de six jours, après avoir fait un si étrange effet?.

Arrêt qui révoque au bout de six

jours celui du

22 mai.

de contrôleur général des finances. Besenval

suisses en garde chez lui. Il voit Régent après

avec seize

Le mercredi 29, la Houssaye et Fagon, conseillers d'État Law est ôté et intendants des finances, furent, avec Trudaine, prévôt des marchands, visiter la Banque3. En même temps le Blanc, secrétaire d'État, alla chez Law, à qui il dit que M. le duc d'Orléans le déchargeoit de l'emploi de controleur général des finances et le remercioit des soins qu'il s'y étoit donnés, et que, comme bien des gens ne l'aimoient pas dans Paris, il croyoit devoir mettre auprès de lui un officier de mérite et connu, pour empêcher qu'il ne lui arrivât quelque malheur. En même temps Besenval, major du régiment des gardes suisses, qui avoit été

1. Tout cela est la copie de l'article de Dangeau du 27 mai (p. 294295), et est confirmé par les renseignements fournis par le greffier du Parlement (reg. U 363).

2. Arrêt du conseil d'État du 27 mai (imprimé): « Le Roi étant informé que la réduction des billets de banque portée par l'arrêt du 21 du présent mois, cause un effet contraire aux intentions de S. M. et produit même un dérangement général dans le commerce,... S. M. ordonne que les billets de banque auront et continueront toujours d'avoir cours sur le même pied et pour la même valeur qu'avant l'arrêt de son conseil du 21 du présent mois, que S. M. a révoqué. » Il n'est rien dit pour les actions de la Compagnie des Indes; mais la révocation de l'arrêt fut interprétée comme s'adressant également à elles, et elles remontèrent immédiatement (Journal de Barbier, p. 36).

3. Dangeau, p. 295; Journal de Buvat, p. 95; Journal de Barbier, p. 36.

4. Journal de Dangeau, p. 295. On a dit ci-dessus, p. 316, note 1, comment Law fut remplacé; il conservait la direction de la Banque et de la Compagnie des Indes (Mathieu Marais, p. 262; Barbier, p. 37). Voyez ci-après aux Additions et Corrections.

:

5. Jean-Victor de Besenval tome XIV, p. 29. Saint-Simon écrit Beuzwald. C'est à tort que dans le tome XXX, p. 314, notre auteur

le

un refus simulé,

lui

travaille avec et en est traité avec la bonté

ordinaire.

La garde
se retire

de chez lui.
L'agio
est transféré

de la rue

Quincampoix en la place de

Vendôme.

M. le duc d'Orléans

me veut donner

averti, arriva avec seize suisses de ce régiment pour rester jour et nuit dans la maison de Law. Il ne s'attendoit à rien moins que sa destitution, ni à cette garde; mais il parut fort tranquille sur l'une et sur l'autre, et ne sortit en rien de son sens froid accoutumé. Ce fut le lendemain que le duc de la Force mena Law chez M. le duc d'Orléans par la porte ordinaire, qui ne voulut pas le voir, et qui le vit le lendemain, conduit par Sassenage, par les derrières1; depuis quoi il continua de travailler avec lui, sans s'en cacher, et à le traiter avec sa bonté ordinaire. J'ai rapporté plus haut cette comédie que donna le Régent, mais d'avance et en gros, pour mettre toute la scène sous un même coup d'œil. Le dimanche 2 juin, Besenval et ses seize suisses se retirèrent de chez Law 2. On ôta l'agiotage qui se faisoit dans la rue Quincampoix, et on l'établit dans la place de Vendôme; il y fut en effet plus au large et sans empêcher les passants; ceux qui demeuroient dans cette place ne l'y trouvèrent pas si commode3. Le Roi abandonna à la Banque les cent millions d'actions qu'il y avoit'.

Pendant tous ces embarras, M. le duc d'Orléans, piqué contre Argenson, auteur de l'arrêt du 22 mai, qui les avoit

l'a qualifié de colonel des gardes suisses; il n'était que l'un des deux majors du régiment.

1. Ci-dessus, p. 316.

2. Dangeau, p. 297. Barbier raconte (Journal, p. 37) que « le vendredi (31 mai) Monsieur le Duc fut deux heures chez M. Law, et tous les ducs et duchesses y allèrent aussi. On vit bien par là qu'il n'étoit point disgracié ».

3. « Ce même jour (vendredi 31 mai) après-midi, l'on tint l'agio à la place des Victoires au lieu de la Banque et de la rue Quincampoix pour la vente et trafic des actions........Et le lendemain samedi 1er juin on fit publier à la Banque au son du tambour que l'agio se tiendroit cedit jour après midi à la place de Vendôme » (registre du greffier du Parlement, U 363; Dangeau, p. 297; Barbier, p. 37-38). Le greffier prétend, le 7 juin, qu'il fut question de le transférer à la place Royale.

4. Saint-Simon prend cela à Dangeau (p. 297); Mathieu Marais (p. 262) va jusqu'à neuf cents millions.

les sceaux et m'en presse deux jours

durant.

à les refuser.

causés, et dont les suites avoient conduit nécessairement à la destitution de Law malgré Son Altesse Royale, voulut ôter les sceaux à Argenson. Il m'en parla une aprèsdînée que j'étois venu de Meudon travailler avec lui, Je tiens ferme m'expliqua ses raisons en homme qui avoit pris son parti, et tout de suite me proposa de me les donner. Je me mis à rire. Il me dit qu'il n'y avoit point à rire de cela, qu'il ne voyoit que moi qu'il pût en charger. Je lui témoignai ma surprise d'une idée qui me paroissoit si étrange, comme s'il ne se pouvoit trouver personne, dans ce grand nombre de magistrats, qui pût en faire dignement les fonctions, à leur défaut par impossible, par un prélat, et avoir recours à un homme d'épée qui ne savoit ni ne pouvoit savoir un mot de lois, de règles et des formes pour l'administration des sceaux. Il me répondit qu'il n'y avoit rien de plus simple ni de plus aisé; que cette administration n'étoit qu'une routine que j'apprendrois en moins d'une heure, et qui s'apprenoit toute seule en tenant le sceau. J'insistai à lui faire chercher quelqu'un. Il prit donc l'Almanach royal2, et eut la patience de me lire nom par

1. Saint-Simon dira plus loin, p. 328, que cela se passa à la fin de mai; d'autre part, il a dit plus haut, p. 317, qu'il alla à la Ferté pendant la vacance du conseil de régence, et sa lettre du 1er juin (tome XIX de 1873, p. 292) prouve qu'il était à la Trappe ce jour-là et ne revint à Meudon que le 2 au soir. Or, c'est le 6 juin au plus tard (Dangeau, p. 298-299) que le Régent se décida à rappeler le chancelier Daguesseau. Si la proposition que va raconter Saint-Simon lui a réellement été faite, ce ne peut être avant le 3 juin ni après le 5. Mais tout cela est-il bien exact? Saint-Simon se targue véritablement trop souvent de ce qu'on lui offre des fonctions éminentes, qu'il refuse. Ne peut-on penser aussi que le Régent voulait se moquer de lui?

2. L'Almanach ou Calendrier, commencé en 1684 par le libraireimprimeur Laurent d'Houry, devint Almanach royal à partir de 1700, par privilège du 29 janvier 1699. Ce n'était au début qu'une mince plaquette contenant peu de renseignements, qui s'augmentèrent peu à peu au cours des années; en 1720, il contenait déjà des indications précieuses; on y trouvait notamment les noms et adresses des magistrats parisiens, des fonctionnaires des administrations centrales, des

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nom la liste de tous les magistrats principaux par leurs places ou par leur simple réputation, et de me détailler sur chacun ses raisons d'exclusion. De là il passa au conseil de régence avec les mêmes raisons d'exclusion sur chacun; enfin aux prélats, mais légèrement, parce qu'en effet il n'y en avoit point sur qui on pût s'arrêter. Je lui contestai plusieurs exclusions de magistrats, celle surtout du Chancelier. J'insistai même sur quelques-uns du Parlement, comme sur Gilbert de Voisins, mais sans pouvoir nous persuader l'un l'autre. Je lui dis que je comprenois que les sceaux étoient pour un magistrat une fortune par l'autorité, le rang, la décoration pour leur famille à laquelle ils ne pouvoient résister; que je ne pouvois être touché de pas une de ces raisons, parce qu'aucune ne pouvoit me regarder; que les sceaux ne décoreroient point ma maison, qu'ils n'apporteroient aucun changement à mon rang, à mon habit, à mes manières; mais qu'ils m'exposeroient à la risée de ceux qui me verroient tenir le sceau, et à me casser la tête à apprendre un métier que je cesserois de faire avant que d'en savoir à peine l'écorce; que de plus je ne voulois hasarder ni ma conscience, ni

évêques, etc., listes qu'on va voir le Régent parcourir. D'Houry étant mort en 1725, sa veuve continua, et le privilège lui fut renouvelé le 26 octobre 1730. Le 15 décembre 1743, elle obtint qu'il fût transféré à son gendre Lebreton, et leurs deux noms figurèrent sur le titre à partir de 1746. En 1751, il n'y a plus que Lebreton. Celui-ci meurt en 1779, et un autre petit-fils du fondateur, Laurent-Charles d'Houry, lui succède. En 1787, ce second d'Houry étant mort en octobre précédent, c'est son gendre François-Jean-Noël Debure qui obtient le privilège. Enfin il est remplacé par Testu en 1792.

1. Il y a leur places dans le manuscrit, et, trois lignes plus loin, le mot raisons, oublié, a été remis en interligne.

2. Daguesseau, alors exilé à Fresnes. La lettre de Valincour publiée dans le tome XIX de l'édition des Mémoires de 1873, p. 294, peut faire croire que Saint-Simon ne fut pas étranger à son rappel : ci-après, p. 332-333.

3. Pierre Gilbert de Voisins: tome XXIX, p. 66, alors avocat général.

3

mon honneur, ni le bien précieux de son amitié, en scellant ou refusant bien ou mal à propos des édits et des déclarations qu'il m'enverroit ou des signatures1 à faire d'arrêts du Conseil rendus sous la cheminée. Le Régent ne se paya d'aucune de ces raisons. Il essaya de m'exciter par la singularité de la chose et par les exemples du premier maréchal de Biron et du connétable de Luynes'. Ils ne m'ébranlèrent point, de sorte que la discussion dura plus de trois grosses heures. Je voulus m'en aller plusieurs fois sous prétexte qu'il y avoit loin à Meudon, et toujours je fus retenu. A la fin, de guerre lasse, il me permit de m'en aller, mais à condition qu'il m'enverroit le lendemain deux hommes à Meudon, qu'il ne me nomma point, qui peut-être me persuaderoient, et qu'il me demandoit instamment d'entretenir et d'écouter tant qu'ils voudroient; il fallut bien y consentir, et ce ne fut encore après qu'à peine qu'il me laissa aller.

Le lendemain matin je ne vis point de harangueurs arriver; mais, à la moitié du dîner, où j'avois toujours bien du monde, je vis entrer le duc de la Force et Canillac. Ce dernier me surprit fort. Je n'avois jamais eu de commerce avec lui que de rencontres rares; je l'avois vu chez moi et chez lui quatre ou cinq fois dans la première

1. Après signatures il a biffé un second qu'il m'enverroit, répété par mégarde.

2. Secrètement; locution rencontrée dès le tome II, p. 68, et souvent depuis.

3. Armand de Gontaut : tome XI, p. 173. Il tint les sceaux de la fin de 1589 au mois de juillet 1590; le chancelier de Cheverny était alors exilé, et le garde des sceaux François de Montholon venait d'être destitué (Mémoires d'André d'Ormesson à la suite du Journal d'Olivier d'Ormesson, tome II, p. 696-697).

4. M. de Luynes tint les sceaux après la mort de du Vair en avril 1621, et scella en présence du Roi et des officiers du sceau jusqu'à sa mort, 14 décembre 1621.

5. Qu'il corrige qui à la fin d'une ligne; les mots ne me nomma point sont écrits à la suite sur la marge, et le qui a été remis au commencement de la ligne suivante, avant peut-estre.

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