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M. le comte de Charolois fut admis au conseil de régence', M. le comte dont il ne fit pas grand usage; il vit d'abord ce que c'étoit. Le maréchal de Montesquiou y entra aussi en même temps, et il y fit le trentième *.

de Charolois et le maréchal de Montesquiou

entrent au

conseil de

trentièmes.

Mort et curiosités

sur Mme de Coëtquen Chabot.

Mme de Coëtquen mourut en Bretagne, où elle s'étoit retirée depuis assez longtemps dans ses terres. Elle étoit régence en Chabot, fille de l'héritière de Rohan, et sœur du duc de Rohan, de la belle et habile Mme de Soubise, et de Mme d'Espinoy, cadette de l'une, aînée de l'autre. La beauté de Mme de Soubise avoit fait son mari prince; et que ne fit-elle pas? Mme d'Espinoy jouissoit du tabouret de grâce, que le crédit du vieux Charost avoit obtenu lorsque le prince d'Espinoy épousa sa fille en premières noces. Cela faisoit dire à Mme de Coëtquen assez plaisamment qu'elle étoit par terre entre deux tabourets1. C'étoit une femme d'esprit, de fort grande mine, avec de la beauté, qui avoit fait du bruit, haute et impérieuse, fort

1. Il y entra le dimanche 16 juin (Dangeau, p. 303 et 304).

2. Ibidem; c'est Dangeau qui remarque que « présentement il y a trente personnes dans ce conseil » ; on en trouve la liste dans l'Almanach royal pour 1721.

3. Marguerite-Gabrielle de Rohan-Chabot tome III, p. 312. Elle mourut le 17 juin 1720, non pas dans ses terres, mais dans le couvent de la Visitation de Rennes, où elle s'était retirée depuis 1707, après avoir passé une dizaine d'années dans la maison de Sainte-Pélagie, fondée par Mme de Miramion au faubourg Saint-Marcel (Archives nationales, Y 270, fol. 157 vo). C'est le 7 décembre 1662 qu'elle avait épousé le marquis de Coëtquen, dont elle était veuve depuis avril 1679. 4. Lorsque surcharge avec.

5. Louise-Anne de Béthune-Charost: tome V, p. 333-334, où il a déjà été parlé de ce tabouret.

6. Avant qu'elle Saint-Simon a biffé un second à Me de Coëtquen, répété par mégarde.

7. A rapprocher de la locution vulgaire notée dans le tome XXXV, p. 62, être entre deux selles le cul á terre, employée, dans un cas analogue, par Bussy-Rabutin (Correspondance, tome II, p. 151), et dont notre auteur avait usé dans les Additions à Dangeau, ci-après, p. 430.

8. «< Femme très bien faite et de bonne mine », disent les notes des Mémoires de Sourches, tome I, p. 277.

[Add. SS. 1674 et 1675]

unie à ses sœurs. Elle est célèbre par la passion que M. de Turenne eut pour elle, qui lui arracha le secret du siège de Gand, que le Roi n'avoit confié qu'à lui et à Louvois'. Mme de Coëtquen le laissa échapper à dessein de se parer de son empire sur M. de Turenne, mais à quelqu'un d'assez discret, et qui en sentit assez la conséquence pour qu'il n'allât pas plus loin. Le Roi ne laissa pas d'être averti qu'il avoit transpiré. Il le dit à Louvois, qui lui protesta qu'il n'en étoit pas coupable. Le Roi envoya querir M. de Turenne, qui étoit alors aux couteaux tirés avec Louvois3. Il eut alors plus de probité que de haine: il rougit et avoua sa foiblesse, et lui en demanda pardon. Le Roi, qui n'ignoroit pas quel est l'empire de l'amour, se contenta d'en rire un peu, et de s'amuser aux dépens de M. de Turenne, et avec lui, de le trouver encore si sensible à son âge. Il le chargea de faire en sorte que Mme de Coëtquen fût plus secrète et tâchât de fermer la bouche à qui elle avoit eu l'indiscrétion de parler; car le Roi n'apprit que par M. de Turenne que c'étoit par Mme de Coëtquen, à qui il avoit confié ce secret, qu'il s'étoit su. Mais heureusement il n'avoit pas été plus loin, et cette aventure ne porta aucun préjudice à cette grande exécution 5. Le feu Roi considéroit Mme de Coëtquen; elle étoit dans

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1. Indiscrétion déjà rappelée dans nos tomes III, p. 312, et V, p. 335. Il a été dit alors qu'il ne pouvait s'agir du siège de Gand, qui n'eut lieu que trois ans après la mort de Turenne. D'après le ms. Franç. 4529 de la Bibliothèque nationale, p. 136, ce serait le secret de la guerre de Hollande. Aux références indiquées à la note 3 du tome III, on peut ajouter les Annales de Basnage, tome II, p. 104, et le chapitre XXVI du Siècle de Louis XIV de Voltaire.

2. Voyez déjà cette locution dans nos tomes III, p. 287, V, p. 108, XX, p. 77, etc.

3. Cette inimitié a été signalée souvent, en dernier lieu dans le tome XXVIII, p. 47-48.

4. Il y a à qu'il dans le manuscrit.

5. C'est par allusion à cette indiscrétion que Mme de Sévigné disait, lors de la mort de Turenne, que Mme de Coëtquen n'était pas «< digne d'être affligée si longtemps » (Lettres, tome IV, p. 116-117).

la confidence de sa sœur et fut assez avant en beaucoup de choses1; elle étoit fort faite pour la cour et pour le grand monde, où elle figura longtemps'.

L'abbé de Chaulieu mourut quelques jours après*. C'étoit un agréable débauché de fort bonne compagnie, qui faisoit aisément de jolis vers, beaucoup du grand monde, et qui ne se piquoit pas de religion. Il montra

1. Cependant, en 1690, le Roi cessa de la désigner pour Marly, parce qu'elle avait témoigné trop d'intérêt pour M. de Schönberg, quil combattait alors en Irlande contre Jacques II (Lettres de Mme de Sévigné, tome IX, p. 527). Saint-Simon l'accuse d'avoir, pour son veuvage, usurpé l'habit bordé d'hermine, qui était réservé aux duchesses (Écrits inédits, tome III, p. 136).

2. Le Chansonnier (ms. Franç. 12619, p. 49) lui donne pour amants le chevalier de Lorraine et le grand Condé; voyez aussi Fr. Combes, Madame de Sévigné historien (1885), p. 132-134. On trouvera une lettre d'elle ci-après, aux Additions et Corrections. 3. Guillaume Anfrie ou Anffrie, abbé de Chaulieu tome II,

p. 101.

4. Il mourut le 27 juin 1720, à quatre-vingt-quatre ans, aveugle depuis plusieurs années (Jal, Dictionnaire critique, p. 375; Dangeau, p. 313); il avait fait son testament le 1er juin précédent (étude du successeur du notaire Meny). Saint-Simon écrit mourt, au lieu de mourut, comme cela lui arrive quelquefois.

5. Il y eut, au dix-huitième siècle, plusieurs éditions de ses OEuvres, et ses Poésies ont été souvent éditées à part avec celles de la Fare. En 1682, les Mémoires de Sourches lui attribuent « un beau génie et de l'érudition », et Voltaire a apprécié son talent dans son étude sur les Écrivains du siècle. Sur la fin de sa vie, il se prit d'une passion platonique pour Mlle de Launay, la suivante de la duchesse du Maine, à laquelle il adressa d'assez jolis vers et qui parle de lui avec quelque sympathie dans ses Mémoires (édition Lescure), tome I, p. 140-145; Mémoires d'Argenson, édition Jannet, tome I, p. 135. A peine sortie de la Bastille, elle alla le voir et le trouva mourant (ses Mémoires, tome II, p. 39). Il parut en 1806 un volume de Lettres de M. de Chaulieu à Mlle de Launay.

6. Il écrivait à une dame : « Je hais la fausseté, vous le savez, et suis mes goûts aveuglément, parce qu'il n'y a que cela de bon. Les bonnes œuvres ne me réussissent point : je voulus édifier tout SaintMaur par aller jeudi à la procession je me suis donné la goutte. Patience, je ne songerai plus qu'à scandaliser tout le monde et m'en

Mort et caractère

de l'abbé

de Chaulieu. [Add. SS. 1676]

malgré lui qu'il n'étoit guères plus attaché à l'honneur. Il l'étoit depuis bien des années à MM. de Vendôme, et fut très longtemps le maître de leur maison et de leurs affaires. Le duc de Vendôme s'en reposoit entièrement sur le Grand Prieur son frère et sur l'abbé de Chaulieu sous lui. On a vu ici en son temps' que M. de Vendôme se trouva ruiné, que son frère et l'abbé de Chaulieu s'entendoient et le voloient; qu'il chassa Chaulieu de chez lui, se brouilla avec le Grand Prieur, lui ôta tout maniement de ses affaires et de la dépense de sa maison, et eut recours au Roi, qui chargea Crozat l'aîné, et beau-père depuis du comte d'Évreux, de l'administration des affaires et de la maison de M. de Vendôme. Chaulieu n'en rabattit rien de son ton dans le monde, demeura de plus en plus étroitement lié avec le Grand Prieur, et se moqua de tout ce qu'on en pouvoit dire avec l'impudence qui lui étoit naturelle. Mais cependant il n'osoit plus paroître à la cour, quoiqu'on n'en eût pas fait assez de cas pour le lui défendre. Il n'étoit que tonsuré, se prétendoit gentilhomme, et avoit

trouverai mieux » (Catalogue de lettres autographes, publié par Charavay, juillet-août 1885, n° 31236).

1. En 1699 tome VI, p. 196-198.

Étienne

2. Dès 1685, le chevalier de Breteuil lui avait cédé sa maison de l'enclos du Temple (Archives nationales, Y 247, fol. 59 v°), et plus tard le Grand Prieur l'y logea dans l'hôtel de Boisboudran. On l'appelait l'Anacréon du Temple (lettre de Voltaire du 15 juillet 1717) et aussi le Bourgeois de Vernon, parce qu'il était né dans cette petite ville (Chansonnier, ms. Franç. 12689, p. 295). Sur son séjour au Temple, voyez les Mémoires du président Hénault, édition Rousseau, p. 112– 113 et 361-362, Walckenaer, La Fontaine, tome II, p. 202 et suivantes, et un article de Sainte-Beuve dans les Causeries du lundi, tome I, p. 453-472. Il aurait bien voulu être de l'Académie française (Dangeau, tome IX, p. 227, note). En décembre 1697, ses domestiques s'étant livrés à des violences sur un huissier dans son appartement, cela lui attira une réprimande de Pontchartrain de la part du Roi (Archives nationales, O1 41, fol. 186 vo et 188 vo).

3. Le Mercure de juin 1744, p. 1487, donna, d'après d'Hozier, une

fourré un neveu dans la gendarmerie, qui ne s'est point poussé1. Cette noblesse étoit pour le moins obscure, et le bien de la famille fort court. Cette friponnerie lui fit perdre beaucoup de sociétés.

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Souternon mourut subitement chez M. de Biron qu'il étoit allé voir. Il étoit fils d'un frère du feu P. de la Chaise, ancien lieutenant général fort borné, en sorte

notice sur la famille Anfrie de Chaulieu, dans laquelle, en la reconnaissant originaire de Vire, il n'établissait de généalogie certaine qu'à partir du dernier quart du seizième siècle; plusieurs de ses membres appartinrent au parlement de Rouen. Un certain abbé d'Estrées, << prieur de Nefville », qui n'est pas de la grande famille du même nom, y répondit par une Lettre critique sur la maison de Chaulieu, 1745, in-12, où il prétend établir que la famille était beaucoup plus ancienne et comptait dans les siècles antérieurs plusieurs chevaliers et seigneurs de la basse Normandie, mais sans en donner d'autres preuves qu'une similitude de nom. Saint-Simon, qui écrit ceci au début de 1747, connaissait certainement cette discussion, et c'est à cela qu'il veut faire allusion en disant, deux lignes plus bas, que la noblesse des Anfrie était « pour le moins obscure ».

1. Jacques-Paul Anfrie, dit le marquis de Chaulieu, né le 11 novembre 1659, d'abord page de la grande écurie, fut lieutenant puis capitaine de dragons, eut en 1690 une sous-lieutenance aux gendarmes de Bourgogne et un régiment de cavalerie en 1693; blessé grièvement à la bataille de la Marsaille, il dut quitter le service quelques années après. En 1700, il épousa Mlle Pellard, fille d'un commissaire des guerres (contrat du 6 septembre: reg. Y 276, fol. 199), et mourut dans son château de Beauregard en avril 1744. Un autre neveu de l'abbé, Louis-Joseph, chevalier de Chaulieu, d'abord mousquetaire, acheta une enseigne aux gardes françaises en août 1702, passa souslieutenant en janvier 1705, sous-aide-major (juillet 1706), lieutenant (décembre 1713), lieutenant de grenadiers (octobre 1719), eut enfin une compagnie en novembre 1724, et se retira en mars 1727; il vivait encore en 1745.

tome II,

2. Antoine d'Aix de la Chaise, comte de Souternon p. 327. Il signait SOUTERNON, et c'est en effet l'orthographe de cette localité du Roannais dont il tirait son nom; c'est à tort que dans le tome II son nom a été écrit Sousternon.

3. Dangeau annonce sa mort subite le 24 juillet : p. 327.

4. Jacques d'Aix de la Chaise, seigneur d'Aix, capitaine des portes de Lyon, mort en 1695; notre tome XVII, p. 43, note 2.

Mort

de Souternon.

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