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Le Roi

commence

à monter à cheval

et à tirer. L'Espagne

remet la Sicile

race bâtarde a eu l'impudence de conserver dans Paris son prétendu nom, titre, armes et livrées, qu'elle va traînant où elle peut, sans être presque plus reçue de personne1. Reprenons maintenant le fil de notre narration. Le Roi commença à monter à cheval au pas, et galopa un peu quelque temps après, puis commença à tirer3. Les Espagnols évacuèrent la Sicile, dont l'Empereur prit possession, et de tous les droits du tribunal fameux, dit de la Monarchie, dont Rome n'osa lui disputer la moindre partie, après tout le [dissentiment] qui en étoit à l'Empereur, arrivé entre cette cour et le duc de Savoie, qu'on a vu ici en son temps'. Ce prince, qui avec toute son adresse pu parer ce fâcheux coup, renonça malgré lui à de Würtemberg, qu'on voulait gratifier (Argenson, tome V, p. 164–165). 1. Il n'est pas étonnant qu'en 1747, les Montbéliard-Sponeck et l'Espérance conservassent encore leurs prétentions, puisque l'arrêt définitif n'était pas rendu. Après la perte du procès, leur situation devint assez misérable, suivant le duc de Luynes (Mémoires, tomes IX, p. 327, et X, p. 231), qui leur est très favorable. Ils prirent par la suite le nom de comtes de Hornebourg.

et le roi de

Sicile devient roi de Sardaigne.

n'avoit

2. « Le Roi dîna à la Meute. Il y monta à cheval, dont il fut très aise. Il y est de fort bonne gràce; il ne fut point embarrassé du tout, et même on lui permit de galoper un peu » (Dangeau, p. 282-283, 8 mai). La Gazette apprit cette nouvelle à ses lecteurs (p. 228).

3. Ce dernier membre de phrase a été ajouté en interligne, lorsque Saint-Simon trouva seulement au 2 juillet dans le Journal de Dangeau la mention suivante : « Le Roi apprend à tirer depuis quelques jours, et il paroît déjà y être fort adroit. »

4. Le marquis de Lede, qui commandait les troupes d'Espagne, refusait d'évacuer la Sicile avant d'avoir reçu des ordres formels de son souverain, et il s'était fortement retranché dans Palerme. Ces ordres lui étant enfin parvenus en mai, il régla avec les généraux impériaux les conditions de l'évacuation, et l'embarquement des troupes eut lieu au milieu de juin (Gazette, p. 259, 270, 282-283, 295, 306, 318, 330, 342-343 et 354-355). Notre auteur prend la nouvelle dans Dangeau au 31 mai (p. 296; voyez aussi p. 307).

5. Tome XXIX, p. 392.

6. Saint-Simon a omis ici un mot en passant de la page 2499 à la page 2500 de son manuscrit; nous le suppléons au mieux.

7. Tome XXIX, p. 391-398.

la Sicile, en eut la foible compensation de la Sardaigne, dont [il] prit le titre de roi, au lieu de celui de roi de Sicile.

Le duc d'Albret épousa Mlle de Gordes, de la maison de Simiane', fille unique du premier mariage de Mme de Rhodes, qui étoit Simiane aussi, et veuve en secondes noces de M. de Rhodes, dernier de la maison de Pot, qui avoit été autrefois grand maître des cérémonies, et fort de la cour et du grand monde, avec beaucoup d'esprit et de galanterie, depuis perdu de goutte et fort retiré, mort depuis longtemps3. M. d'Albret perdit cette troisième femme au bout de deux ans. Il avoit deux fils de sa première femme, et un de la seconde ; mais il étoit infatigable en mariages. Il épousa en quatrièmes noces, en

1. Saint-Simon avait d'abord écrit et en prit le titre; il a biffé et en, ajouté dont en interligne, mais oublié le pronom il.

2. Anne-Marie-Christine de Simiane de Moncha, dite Mlle de Gordes, fille de François-Louis-Claude-Edme de Simiane, comte de Moncha, et d'Anne-Marie-Thérèse de Simiane (ci-après). Ce mariage, dont il avait été question dès août 1719, et qui alors n'avait pas réussi, fut célébré le 26 mai (Dangeau, tome XVIII, p. 105, 288, 289, 291 et 294; les Correspondants de Balleroy, tome II, p. 160–161). La demoiselle avait trente-six ans.

3. Anne-Marie-Thérèse de Simiane de Gordes, veuve depuis 1706 de son second mari, Charles Pot, dernier marquis de Rhodes (nos tomes II, p. 365, note 3, et XIII, p. 423-425).

4. Elle mourut le 8 août 1722, à trente-huit ans, à la suite de la naissance d'une fille, dont il va être parlé plus loin.

5. Les fils de Marie-Armande-Victoire de la Trémoïlle (tome II, p. 134) étaient Frédéric-Maurice-Casimir, prince de Turenne (tome XXXI, p. 51) et que nous verrons mourir en 1723, et Charles-Godefroy (tome X, p. 276), qui devint duc de Bouillon. Elle avait laissé aussi deux filles: Armande, duchesse de Melun (tome XXIX, p. 349), et Marie-Hortense-Victoire, plus tard duchesse de la Trémoïlle.

6. Godefroy-Géraud de la Tour-d'Auvergne : tomes XIV, p. 102, et XXXVI, p. 247.

7. A peine sa seconde femme morte (7 juillet 1719), il avait pensé à épouser Mlle de Gordes (Dangeau, tome XVIII, p. 105, 20 août), puis Mlle Powis, fille de l'ancien gouverneur du Prétendant, et il avait obtenu du Régent d'appuyer ses prétentions (voyez ci-après à l'appen

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Mariage

du duc d'Albret

avec Mlle de Gordes ;

suite de ses

mariages. Fortune

prodigieuse

de M. et de

Mme de Beauvau par le duc

de Lorraine.

1725, une fille du comte d'Harcourt Lorraine', qui prit le nom postiche de Guise, si odieux aux vrais François, mais si cher à cette maison; il avoit obtenu en don une terre en Lorraine du duc de Lorraine, à laquelle il fit donner le nom de Guise, d'où il prit le nom de comte, puis de prince de Guise 2. Il n'y eut point d'enfants de ces deux derniers mariages du duc d'Albrets, qu'une fille fort contrefaite, qui a depuis épousé le fils aîné de M. de Beauvau*, qui, lui et sa femme, ont fait une si prodigieuse fortune par la faveur du dernier duc Léopold de Lorraine, dice I, sous le n° 21, une lettre du 9 novembre); mais cela ne réussit pas (Dangeau, p. 191).

1. Louise-Henriette-Françoise de Lorraine-Harcourt (tome XIV, p. 231), fille d'Anne-Marie-Joseph, prince d'Harcourt, puis de Guise. 2. Tout cela a déjà été dit dans nos tomes XXIV, p. 18, et XXIX, p. 142.

marge.

3. Les mots du duc d'Albret ont été ajoutés après coup sur la Saint-Simon se trompe Mlle de Gordes laissa une fille, Anne-Marie-Louise de la Tour d'Auvergne, née le 1er août 1722, qui épousa le 29 décembre 1734 Charles de Rohan, prince de Soubise, et mourut à dix-sept ans le 17 septembre 1739.

4. Marie-Sophie-Charlotte de la Tour d'Auvergne, née le 20 décembre 1729 et morte le 6 septembre 1763, épousa, le 3 avril 1745, CharlesJuste, prince de Beauvau-Craon. Celui-ci, fils de Marc de Beauvau et d'Anne-Marguerite de Lignéville, dont Saint-Simon a déjà raconté l'étonnante fortune (tome V, p. 384-386), naquit à Lunéville le 10 novembre 1720, fut d'abord colonel des gardes du duc de Lorraine et gouverneur de Bar-le-Duc. Mais, dans la guerre de succession d'Autriche, contrairement à son père qui suivit la fortune de l'époux de Marie-Thérèse, il passa au service de France et fut aide-de-camp du maréchal de Belle-Isle pendant les campagnes de 1741 et des années suivantes. Fait grand d'Espagne en 1744, brigadier en 1746 et maréchal de camp en 1748, Louis XV le prit comme capitaine des gardes du corps en 1757, et lui donna en même temps l'ordre du Saint-Esprit. Nommé lieutenant général en 1758, il commanda en chef l'armée d'Espagne en 1762, et eut ensuite le gouvernement de Languedoc, puis celui de Provence. L'Académie française l'admit dans son sein en 1771, et, Louis XVI l'ayant nommé maréchal de France le 13 juin 1783, il prit le nom de maréchal-prince de Beauvau; il fut ministre d'État en 1789 et 1790 et joua un rôle politique dans les premiers événements de la Révolution; il mourut le 19 mai 1793.

et qui s'est fait grand d'Espagne, prince de l'Empire, chevalier de la Toison d'or, gouverneur de la Toscane, avec d'immenses biens.

Pension de 10000* à la nouvelle duchesse d'Albret. Survivance du

de

gouvernement Franche-Comté

M. le duc d'Orléans donna à la nouvelle duchesse d'Albret une pension de dix mille livres', la survivance du gouvernement de Franche-Comté au duc de Tallard 2, et celle de sous-gouverneur du Roi au fils aîné de Saumery3, qui valoit beaucoup mieux que le père; car il étoit sage, instruit, honnête homme, et dans les bornes de ce qu'il étoit; mais pour ce genre de survivance, et d'un père plein de santé, qui n'avoit pas besoin de secours, mais qui en vouloit perpétuer les appointements dans sa famille, c'est une invention qui n'avoit point d'exemple pour de pareils emplois, et que le père qui l'obtint étoit bien loin de mériter par le peu qu'il valoit, dont il avoit fait force de Saumery. preuves et des plus étranges, comme on l'a vu ici en son lieu, et moins encore de la grâce de M. le duc d'Orléans que de qui que ce pût être. Le maréchal de Tallard ni les siens n'en avoient pas mieux mérité3.

Le vieux marquis de Mailloc, riche, mais fort extraordinaire, épousa peu après une fille de la maréchale

1. Dangeau, p. 296.

2. Ibidem, p. 295-296; le duc de Tallard était Marie-Joseph d'Hostun (tome XXIII, p. 312), fils du maréchal.

3. Dangeau annonce cette nouvelle le 15 juin (p. 304). Le brevet, du 21 juin, est dans le registre O1 64, fol. 173. Ce fils aîné est JeanBaptiste de Johanne, comte de Saumery (tome XVII, p. 623). Le mot aisné a été ajouté en interligne.

4. Saint-Simon a fait à diverses reprises le tableau du caractère et des ridicules du père, Jacques-François de Johanne: tomes VI, p. 356357 et 364-366, XII, p. 296-297, XVII, p. 355-360, XXV, p. 71-72. 5. Il a noté souvent l'hostilité de ce maréchal contre le Régent: voyez en dernier lieu notre tome XXXV, p. 108, 188, etc.

6. Gabriel-René, marquis de Mailloc, qui se qualifiait «< ancien baron de Normandie, » épousa Mlle d'Harcourt le 5 juillet 1720. Mathieu Marais, qui prétend qu'il était allié à la maison de France par les Dreux issus de Louis-le-Gros, lui donne alors cinquante-sept ans (Mémoires, tome I, p. 380); lorsqu'il mourut le 11 octobre 1724 en son château

au duc de Tallard et de sous-gouverneur du Roi

au fils aîné

Mariage

de M. de Mailloc

avec une fille

de la maréchale d'Harcourt, à qui elle n'avoit pas grand chose à donner'. Il n'y en eut point d'enfants.

d'Harcourt.

Duc de

Noailles s'accommode avec Blouin,

pour son second fils, de la survivance d'intendant des ville, châteaux et

parcs de Versailles et de Marly.

Le duc de Noailles, toujours à l'affût de tout, trouva que Versailles et Saint-Germain, dont il avoit le gouvernement et la capitainerie, étoient faits l'un pour l'autre. Il tourna donc Blouin, dont il acheta pour son second fils3 la survivance d'intendant des ville, châteaux et parcs de Versailles et de Marly. Il prévoyoit que dans quelques années ce morceau seroit bon à s'en être nanti, et il ne se trompa pas.

du Champ-de-Bataille, près le Neubourg, la Gazette (p. 536) lui attribue soixante-treize ans ou environ, ce qui ferait croire que Marais le rajeunissait d'au moins dix ans; Dangeau de son côté (tome XVIII, p. 316) lui donne plus de soixante-dix ans lors de son mariage. Est-ce lui qui avait été blessé gravement à la cuisse à Namur en 1692 comme aide-de-camp du prince de Soubise (Gazette de 1692, p. 323)? Le Mercure de juillet 1720, p. 152, donna une notice sur cette ancienne famille de Normandie, dont la terre patrimoniale de Mailloc, près Orbec, avait été érigée en marquisat par lettres patentes de 1693. M. de Mailloc était veuf de Marie Hénoz, veuve elle-même du marquis de la Louerie, qu'il avait épousée par contrat du 18 novembre 1691 (Archives nationales, Y 259, fol. 168). Le marquis de Balleroy écrivait à sa femme (tome II, p. 182): « Le vieux Mailloc, que vous aurez certainement vu aux Tuileries avec les nouvellistes, épouse Mlle d'Harcourt l'aînée. Avant que de l'épouser il lui fait une donation de vingt mille livres de rente à prendre sur tous ses biens. Je crois que le reste sera léger. » Le mariage fut célébré le 6 juillet: Dangeau, p. 316; Gazette d'Amsterdam, nos LVIII et LXIII.

1. Claude-Lydie d'Harcourt, née le 11 janvier 1696, avait alors vingt-quatre ans ; elle mourut le 25 décembre 1750. M. de Mailloc était parent de la maréchale d'Harcourt, sa grand'mère étant comme ellemême une Brûlart de Genlis.

2. Voyez tome XXXII, p. 201.

3. Philippe, comte de Noailles (tome IX, p. 277), plus tard maréchal-duc de Mouchy.

4. D'après Dangeau (p. 306), c'est Blouin lui-même qui aurait demandé au Régent la survivance de son gouvernement et intendance de Versailles et Marly pour le jeune Noailles, en lui représentant que << Versailles étoit naturellement de la capitainerie de Saint-Germain ». Les lettres patentes du 11 juin en faveur du marquis de Mouchy (c'était alors le titre qu'il portait) sont dans le registre 01 64, fol. 161.

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