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ai été, et j'y en ai ouï souvent faire l'éloge. Il faut dire que ce P. Robinet est le seul confesseur du roi d'Espagne qui ait mérité de l'être, qui en fût digne à tous égards, et qui ait été goûté, aimé, estimé et honoré de toute la cour et de toute l'Espagne sans aucune exception.

Division entre le roi

d'Angleterre

de Galles;

sa cause;

leur apparent raccommode

ment. Duc de la

Force, choisi pour en aller compliments à Londres, n'y va point parce que le roi d'Angleterre

faire les

Il y avoit eu depuis longtemps une espèce de guerre déclarée entre le roi d'Angleterre et le prince de Galles, qui avoit éclaté avec de fréquents scandales, et qui et le prince avoient partialisé la cour et fait du bruit dans le Parlement1. Georges s'étoit emporté plus d'une fois contre son fils avec indécence. Il y avoit longtemps qu'il l'avoit fait sortir de son palais et qu'il ne le voyoit plus. Il lui avoit tellement retranché ses pensions qu'il avoit peine à subsister, tellement que le roi eut le dégoût que le Parlement lui en assigna, même abondamment. Jamais le père n'avoit pu souffrir ce fils, parce qu'il ne le croyoit point à lui. Il avoit plus que soupçonné la duchesse sa femme, fille du duc de Wolfenbüttel, d'être en commerce avec le comte de Königsmarck. Il le surprit un matin sortant de sa chambre, le fit jeter sur-le-champ dans un four chaud, et enferma sa femme dans un château, bien resserrée et gardée, où elle a passé le reste de sa vie. Le prince de Galles, qui se sentoit maltraité pour une cause dont il étoit personnellement innocent, avoit toujours porté avec impatience la prison de sa mère et les effets de l'aversion de son père. La princesse de Galles', qui avoit beaucoup de sens, d'esprit, de tour et de grâces, avoit adouci les choses tant

il fut choisi comme confesseur de Philippe V, reprit cette place lors de son renvoi, fut ensuite provincial de Champagne, et mourut à Strasbourg le 28 novembre 1738; c'était un bibliophile distingué.

1. Voyez nos tomes XXX, p. 136-137, et XXXII, p. 28, 145, 246247 et 303.

2. Tome XXXIII, p. 200-201.

3. Déjà raconté plusieurs fois : tomes II, p. 252-253, XXX, p. 136, et XXXII, p. 246-247; voyez aussi dans ce dernier volume, p. 399-400. 4. Wilhelmine-Dorothée-Charlotte de Brandebourg-Anspach tome XXX, p.139.

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ne veut

point de cet éclat.

qu'elle avoit pu, et le roi n'avoit pu lui refuser son estime, ni se défendre même de l'aimer. Elle s'étoit concilié toute l'Angleterre, et sa cour, toujours grosse, l'étoit aussi en ce qu'il y avoit de plus accrédité et de plus distingué. Le prince de Galles s'en autorisoit, ne ménageoit plus son père, s'en prenoit à ses ministres avec une hauteur et des discours qui à la fin les alarmèrent. Ils craignirent le crédit de la princesse de Galles, et de se voir attaqués par le Parlement, qui se donne souvent ce plaisir. Ces considérations devinrent de plus en plus pressantes par tout ce qu'ils découvrirent qui se brassoit contre eux, et qui auroit nécessairement rejailli sur le roi. Ils lui communiquèrent leurs craintes; ils les lui donnèrent, et le conduisirent à se raccommoder avec son fils à certaines conditions, par l'entremise de la princesse de Galles, qui de son côté sentoit tous les embarras de faire et de soutenir un parti contre le roi, et qui avoit toujours sincèrement desiré la paix dans la famille royale. Elle profita de la conjoncture, se servit de l'ascendant qu'elle avoit sur son mari, et l'accommodement fut conclu. Le roi donna gros au prince de Galles, et le vit; les ministres se sauvèrent, et tout parut oublié. L'excès où les choses avoient été portées entre eux, qui tenoit toute la nation britannique attentive aux désordres intestins prêts à en éclore, n'avoit pas fait moins de bruit en toute l'Europe, où chaque puissance, attentive à ce qui en résulteroit, tâchoit de souffler ce feu ou de l'apaiser, suivant son intérêt. La réconciliation fut donc une nouvelle intéressante pour toute l'Europe'. L'arche

1. Le verbe l'estoit écrit à la fin de la page 2496 du manuscrit a été répété au commencement de la page 2497.

2. Dangeau, p. 283; Gazette, p. 238-239; Gazette d'Amsterdam, nos XXXIX et XL et Extraordinaires; Gazette de Rotterdam, no xxxix et supplément; Correspondance de Madame, recueil Jæglé, tome III, p. 74-75. Nous donnons ci-après aux Additions et Corrections le texte de la lettre écrite de Londres le 7 mai à la Gazette d'Amsterdam. 3. Il y a près dans le manuscrit, sans doute par erreur.

4. Tous les ministres étrangers présents à Londres s'empressèrent

vêque de Cambray, que je continuerai d'appeler l'abbé Dubois, parce qu'il ne porta pas longtemps le nom de son église, que son cardinalat vint effacer, en étoit lors [Add. SS. 1670] dans la crise, et très sensible à ce qui se passoit à Londres, d'où il attendoit son chapeau par le ricochet du crédit alors très grand du roi d'Angleterre sur l'Empereur, et de la toute-puissance de l'Empereur sur la cour de Rome, qui trembloit devant lui et n'osoit lui rien refuser. Dans la joie du raccommodement entre le père et le fils, Dubois la voulut témoigner d'une façon éclatante pour faire sa cour au roi d'Angleterre. Le duc de la Force, qui ne se mêloit plus de finance, qui vouloit toujours se mêler de quelque chose, et qui n'en trouvoit pas d'occasion dans le conseil de régence, où il ne se portoit plus rien d'effectif depuis que la foiblesse du Régent l'avoit rendu peu à peu si nombreux, le duc de la Force, dis-je, qui étoit toujours à l'affût, eut le vent de ce dessein, et se proposa à Dubois pour aller en Angleterre par le chaussepied d'y aller voir sa mère, qui y étoit retirée depuis longues années à cause de la religion', mais qu'il n'avoit pas songé jusqu'alors d'aller la voir depuis qu'elle étoit sortie du royaume avec la permission du feu Roi 2. Law servit le duc de la Force auprès de Dubois, et il fut nommé pour aller en Angleterre faire les compliments du Roi et du Régent sur cette réconciliation, sans qu'on pensât à l'inconvénient de montrer à l'église françoise de Londres3 un seigneur catholique, né et élevé leur frère, qui les avoit depuis persécutés, et qui en avoit su tirer parti du feu Roi. On sut incontinent en Angleterre la démonstration d'aller rendre visite au prince et à la princesse de Galles (Gazette d'Amsterdam, nos XLII et XLIII).

1. La vieille duchesse de la Force, Suzanne de Beringhen (tome V, p. 38), ne mourut à Londres qu'en 1731.

2. Tome VI, p. 178-179.

3. L'église protestante française comptait à Londres un nombre important de fidèles, presque tous venus après la révocation de l'édit de Nantes; elle avait plusieurs temples ou chapelles dans divers quartiers.

Massei à Paris *, depuis nonce en France;

sa fortune, Add SS. 1671]

son caractère.

de joie qui venoit d'être résolue en France. Georges, outré du retentissement que les éclats de son domestique avoient fait par toute l'Europe, ne s'accommoda pas de les voir prolonger par le bruit que feroit cet envoi solennel. Il fit donc prier le Régent de ne lui en envoyer aucun. Comme on ne l'avoit imaginé que pour lui plaire, le voyage du duc de la Force fut presque aussitôt rompu que déclaré. Il en fut pour un commencement assez considérable de dépense, et pour faire revenir beaucoup d'équipages qu'il avoit déjà fait partir1, et l'abbé Dubois en recueillit auprès du roi d'Angleterre le double fruit de cet éclat de joie, et de l'avoir arrêté également pour lui plaire.

Massei, qui avoit apporté la barrette au cardinal de Bissy un peu avant la mort du Roi', arriva à Paris3. Il étoit fils du trompette de la ville de Florence', et avoit été petit garçon parmi les bas domestiques du Pape, alors simple prélat. Son esprit et sa sagesse percèrent; il s'éleva peu à peu dans la maison, et de degré en degré devint le secrétaire confident de son maître, et enfin son maître de chambre quand il fut cardinal. Sa douceur et sa modestie le firent aimer dans la cour romaine où son emploi le fit connoître. Il le perdit à l'exaltation de son maître; il étoit de trop bas aloi pour être maître de chambre du

1. L'envoi du duc de la Force avait été décidé dès le 8 mai, et il s'était empressé de commander des livrées magnifiques et de faire partir ses équipages, et un certain nombre de jeunes seigneurs, dont le marquis de Caumont et le fils Law, qui devaient l'accompagner, avaient déjà pris la route de Boulogne; mais, le 20, sur l'arrivée d'un courrier d'Angleterre, tout fut décommandé. Ce faux départ fit beaucoup jaser (Journal de Dangeau, p. 283, 286, 290 et 291; Journal de Buvat, tome II, p. 95; Gazette d'Amsterdam, no XLI à XLIV; Mémoires de Mathieu Marais, tome I, p. 282-283).

2. Barthélemy Massei: tome XXVI, p. 229.

3. Le 15 mai (Dangeau, p. 287; Gazette d'Amsterdam, no XLII). Il avait quitté Rome le 9 avril (Gazette, p. 223).

4. Tout ce qui va suivre a déjà été dit, avec moins de détails, dans

le tome XXVI, p. 230-231.

* Les mots à Paris ont été ajoutés après coup en interligne.

Pape1; mais il en conserva toute la faveur et la confiance; le Pape lui parloit presque de tout, le consultoit, et se trouva bien de ses avis. Il le fit archevêque in partibus, pour le mettre à portée d'une grande nonciature. Il l'avoit envoyé dans ce dessein porter la barrette au cardinal de Bissy, dans l'apogée de la faveur de cet ambitieux brouillon, et s'en étoit servi pour s'assurer de l'agrément de la France pour le recevoir nonce, quand le Bentivoglio, qui l'étoit, laisseroit la place vacante. En effet il lui succéda', et, comme il étoit honnête homme, il ne lui ressembla en rien. Il se conduisit durant le plus grand feu de la Constitution avec beaucoup de modération, d'honneur et de sagesse, et se fit généralement aimer et estimer. Il languit longtemps nonce, parce qu'il n'y eut point de promotion pour les nonces pendant le reste de ce pontificat, et que Benoît XIII, qui étoit un saint fort singulier, et qui eût été meilleur sous-prieur de dominicains que pape, ne voulut jamais faire aucun nonce cardinal, et disoit d'eux qu'ils n'étoient que des nouvellistes. Massei ne montroit pas la moindre impatience; mais, en attendant, il mouroit de faim; car les nonces ont fort peu, et, à ce qu'étoit celui-ci, son patrimoine ni ses bénéfices n'y suppléoient pas. Il ne s'endetta pas le moins du monde, supporta son indigence avec dignité; mais il l'avouoit pour être excusé de la frugalité de sa vie, et s'en alla sans rien devoir, véritablement regretté de tout

1. Il lui donna néanmoins cette charge en 1717.

2. Il était déjà depuis plusieurs années nonce en France, lorsque, en 1726, le pape lui donna le titre d'archevêque d'Athènes.

3. On a vu Bentivoglio quitter la nonciature et être promu au cardinalat, tome XXXVI, p. 354, et ci-dessus, p. 41.

4. Il géra la nonciature sans titre de nonce jusqu'en 1722; il le prit alors et fit son entrée solennelle le 9 octobre de cette année (Gazette, p. 515-516). Voyez ci-après aux Additions et Corrections.

5. Il resta dix ans à Paris.

6. Pierre-François Orsini : tome XXVI, p. 157. Il mourut le 24 février 1730.

7. Il était entré dans cet ordre en 1668.

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