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tumée à beaucoup de hauteur1. Elle se trouva mêlée dans beaucoup de choses avec la comtesse de Soissons, qui les firent chasser de la cour', puis avec la même dans les dépositions de la Voisin, qui firent sortir la comtesse de Soissons du royaume pour toujours. Cette dernière aventure pensa mener loin la comtesse du Roure'. Elle en fut quitte néanmoins pour l'exil en Languedoc, où elle a passé le reste de sa vie, excepté un voyage de peu de mois qu'elle obtint de faire à Paris quelques années avant sa mort. On la craignoit partout. Elle vivoit d'ordinaire dans un château, et son mari dans un autre'.

Mort et

La marquise d'Alluyes mourut en même temps au Palais-Royal à Paris. Elle s'appeloit de Meaux du Fouil- singularités

1. Voyez les Mémoires de Mme de Motteville, tome IV, p. 417-419; J. Lair, Louise de la Vallière, édition 1907, p. 98, 129, 132, la traite très durement et en fait une sorte de fille perdue. Elle eut du Roi une pension de dix mille livres par brevet du 20 septembre 1665 (reg. 01 16, fol. 209). En septembre 1666, les Mémoriaux de la Chambre des comptes en enregistrent une autre de vingt-quatre mille livres, payée par les soins de M. du Fresnoy. Il semble que la première fut, en décembre 1672, assignée à nouveau sur les aides et gabelles.

2. Il est parlé d'elle dans le pamphlet les Amours du Palais-Royal (Ch. Livet, Histoire amoureuse des Gaules, tome II, p. 54); voyez aussi les Mémoires de Mme de la Fayette, édition Michaud et Poujoulat, p. 191 et 193. Dans l'édition de 1806 des Lettres de Mme de Maintenon, tome I, p. 39-40, il y a une lettre à Mlle d'Artigny, dont Lavallée (Correspondance générale, lome I, p. 121) a reconnu la fausseté.

3. Elle fut en effet assez sérieusement compromise, et on l'interrogea le 1er février 1680 (Ravaisson, Archives de la Bastille, tome VI, p. 4, 31 et suivantes, 128, etc.; Lettres de Mme de Sévigné, tome VI, p. 246; Correspondance de Bussy-Rabutin, tome V, p. 71; ms. Clairambault 986, p. 300, à la Bibliothèque nationale).

4. En 1715, elle habitait en face du couvent du Cherche-Midi, et était dans la misère (lettre du 31 mai, Archives nationales, G1 597).

5. Saint-Simon, ayant lu dans le Journal de Dangeau, au 5 et au 16 mars (p. 247 et 252) que la marquise d'Alluyes était fort malade et avait reçu les sacrements, a cru qu'elle était morte. En fait, il n'en était rien malgré son grand âge, elle se rétablit et ne mourut que le 15 mai 1721; elle fut inhumée le lendemain à Saint-Eustache (Bibliothèque nationale, ms. Nouv. acq. franç. 3615, no 84, notes d'état civil

de la

marquise loux', avoit été aussi fille d'honneur de Madame pred'Alluyes. mière femme de Monsieur, et amie de Mlle d'Artigny dont on vient de parler, et sa compagne'; elle épousa, en 1667, n'étant plus jeune, mais belle3, le marquis d'Alluyes, fils relevées par Rochebilière). Le procès-verbal d'apposition des scellés sur son appartement du Palais-Royal par les soins du grand prévôt, avec l'inventaire du mobilier, est aux Archives nationales, carton V3 88; ses héritières étaient sa sœur, Louise de Meaux, et sa nièce Mme de Fortunezay.

1. Bénigne de Meaux du Fouilloux, d'une famille saintongeaise sur laquelle on trouvera quelques renseignements dans une notice publiée en 1854 par L. de la Morinerie sur Charles de Meaux du Fouilloux, enseigne des gardes du corps d'Anne d'Autriche, et frère de Mme d'Alluyes.

2. Mlle du Fouilloux ne fut jamais fille d'honneur de Madame Henriette d'Angleterre, mais de la Reine-mère. Elle fut nommée à cette place dès 1652, en mémoire de son frère tué au combat du faubourg Saint-Antoine, et elle arriva à la cour en décembre, comme nous l'apprend Loret (Muse historique, tome I, p. 236 et 322), qui la qualifie à cette occasion de « fleur fraîche et printanière » et qui raconte que, pendant son voyage, elle avait dû se jeter dans une rivière pour échapper à des soldats qui la poursuivaient; elle eut aussitôt deux mille livres de pension. Le même gazetier la nomme fréquemment par la suite dans les divertissements de la cour, et la Gazette elle-même note sa présence à Sedan avec la Reine en 1654 (p. 682). Elle se mêla d'assez vilaines intrigues avec Foucquet, dont elle fut probablement la maîtresse d'un jour, et avec la comtesse de Soissons contre la Vallière (J. Lair, Nicolas Foucquet, tome II, p. 21 et 41, et Louise de la Vallière, édition 1907, p. 72 et 102; A. Chéruel, Mémoires sur Foucquet, tome II, p. 104-120). Le même Chéruel a donné d'elle une notice assez étendue dans l'appendice du tome III des Mémoires de Mlle de Montpensier, p. 589-596; voyez aussi Feuillet de Conches, Causeries d'un curieux, tome II, p. 542. Ne trahit-elle pas Foucquet? Ce ne serait pas impossible; car non seulement Louis XIV ne lui sut pas mauvais gré de ses intrigues avec le surintendant, mais il lui donna, dès le mois d'octobre 1661, sur les profits du renouvellement du bail des fermes, la somme énorme de cinquante mille écus, pour lui aider à se marier (Pierre Clément, Lettres de Colbert, tome II, p. 46 note et 229; Muse historique de Loret, tome III, p. 415).

«

3. Mariage du 16 février 1667, à Saint-Roch; la fiancée est dite << fille de M. du Fouilloux, de Saintonge, et de Madeleine de Lézignan et demeurant chez le comte de Soissons, rue de Richelieu (Bibliothèque

et frère de Charles et de François d'Escoubleau, marquis de Sourdis, chevaliers de l'Ordre, l'un en 33, l'autre en 88'. D'Alluyes, qui étoit l'aîné, eut le gouvernement d'Orléanois de son père, fut encore plus mêlé que sa femme dans l'affaire de la Voisin3, furent longtemps exilés, et le mari, qui mourut sans enfants en 1690, nationale, ms. Nouv. acq. franç. 3615, no 88). Le contrat de mariage, du 6-15 février, est aux Archives nationales, reg. Y 211, fol. 453; il fut signé par Leurs Majestés, et la noce se fit magnifiquement à l'hôtel de Soissons (Gazette, p. 176; J. de Rothschild, Les Continuateurs de Loret, tome II, p. 674 et 679). La jeune femme avait alors trente-deux ou trente-trois ans ; mais elle était toujours fort belle, et elle conserva longtemps sa beauté. Le marquis de Sourches en 1685 (Mémoires, tome I, p. 184, note) la dit grande et encore fort éclatante, mais moins bien de près que de loin; plus tard, elle eut la petite vérole, qui la défigura. L'auteur d'un Voyage en Espagne en 1699 la rencontra à Amboise et admira sa bonne mine et son air majestueux.

1. Paul d'Escoubleau, titré marquis d'Alluyes (dép. Eure-et-Loir, cant. Bonneval, terre venue des Robertet aux Escoubleau par les Babou), était allé servir en Hollande dès 1644 et y avait noué des relations galantes avec la comtesse de Bossu, mariée au duc de Guise; c'est à ce propos que Tallemant des Réaux lui a consacré une courte historiette (tome VII, p. 139-140). Il hérita du gouvernement d'Orléanais et de celui d'Amboise en 1667, et mourut le 6 janvier 1690. Son frère et son père ont été nommés dans nos tomes X, p. 110-112, et XI, p. 45. Très mêlé à la société galante de son temps, M. d'Alluyes figure dans le Dictionnaire des précieuses sous le nom de DAMETUS (tome II, p. 123-124).

2. Il était devenu l'aîné par la mort de son frère François, tué au siège de Renty en 1637. Le père, qui désapprouvait le mariage de son fils avec Mlle du Fouilloux, refusa toujours de demander pour lui la survivance de son gouvernement d'Orléanais; mais il mourut en décembre 1666, et le Roi s'empressa de donner le gouvernement vacant comme dot à l'ancienne fille d'honneur de sa mère (Bibliothèque nationale, ms. Franç. 12618, p. 331).

3. Saint-Simon écrit ici Voysin; plus haut, il avait mis Voisin, et, après, il y a bien furent dans le manuscrit.

4. Il faut lire dans Mme de Sévigné (tome VI, p. 220-222) la lettre si vivante du 26 janvier 1680, où elle raconte le départ précipité de la comtesse de Soissons, emmenant Mme d'Alluyes. Celle-ci avait en effet accompagné la Comtesse chez la Voisin, et cette femme prétendit, dans son interrogatoire, que Mme d'Alluyes, d'accord avec son mari, avait

n'eut jamais permission de voir le Roi, quoique revenu à Paris. Sa femme, amie intime de la comtesse de Soissons1 et des duchesses de Bouillon et Mazarin, passa sa vie dans les intrigues de galanterie, et, quand son âge l'en exclut pour elle-même, dans celles d'autrui. Le marquis d'Effiat, dont il a été si souvent mention ici, avoit épousé une sœur de son mari, dont il n'avoit point eu d'enfants, et qu'il perdit de bonne heure. Il protégea la marquise d'Alluyes dans la cour de Monsieur, avec qui elle fut fort bien, et empoisonné son beau-père, mort si à point pour son mariage; tous deux furent exilés pour quelque temps (Ravaisson, Archives de la Bastille, tome VI, p. 5, 6, 107, 149-150 et 160; ms. Clairambault 986, p. 307; Mémoires de l'abbé de Choisy, édition Lescure, tome I, p. 223-224; Correspondance de Bussy-Rabutin, tome V, p. 84; J. Lair, Louise de la Vallière, 1907, p. 147).

1. Ses relations avec Olympe Mancini, comtesse de Soissons, étaient déjà très intimes dès l'époque du mariage de celle-ci : voyez dans Mazarin et Colbert par le comte de Cosnac, tome II, p. 102-103, une lettre de décembre 1657, adressée au cardinal et signée des deux amies, où le prénom de Bénigne a été mal lu Denisse. Après la mort d'Anne d'Autriche (janvier 1666) elle vint loger chez Mme de Soissons, d'où elle ne partit que pour se marier. La Gazette de Leyde du 8 avril 1683, époque à laquelle elle obtint sa grâce, parle de son attachement fidèle pour la Comtesse. Elle rentra alors en France, et, dès le 16 octobre de cette même année, elle loua pour sa vie durant des Jacobins de la rue Saint-Dominique, moyennant le paiement immédiat de 23 500 livres, une grande maison qu'ils faisaient alors bàtir sur la rue du Bac. Cette maison, la dernière, du côté de la Seine, de celles que possédaient les Pères, porta longtemps le nom d'hôtel d'Alluyes; mais la locataire dut la quitter avant sa mort, sans doute par raison d'économie, pour aller demeurer au Palais-Royal, où Madame lui fit donner un logement et où elle mourut en 1721; car, le 28 mai 1718, les Jacobins louèrent sa maison à Mme de Pennautier (Archives nationales, S* 7065, fol. 130 vo et S 4221).

2. Le Chansonnier (ms. Franç. 12691, p. 37 et 46) dit qu'elle mettait du blanc et surtout du rouge, ce qui la faisait ressembler à une écrevisse ; il ajoute qu'on la soupçonnait de proxénétisme.

3. Ce n'est pas le marquis d'Effiat, dont il a été si souvent parlé et que nous avons vu mourir en 1719 (tome XXXVI, p. 220-225, qui épousa Isabelle ou Élisabeth d'Escoubleau, mais son père Martin Coiffier-Ruzé (tome VI, p. 33). Ce mariage eut lieu le 27 juin 1637,

avec Madame toute sa vie1. C'étoit une femme qui n'étoit point méchante, qui n'avoit d'intrigues que de galanterie, mais qui les aimoit tant que, jusqu'à sa mort, elle étoit le rendez-vous et la confidente des galanteries de Paris, dont, tous les matins, les intéressés lui rendoient compte. Elle aimoit le monde, et le jeu passionnément, avoit peu de bien et le réservoit pour son jeu3. Le matin, tout en discourant avec les galants qui lui contoient les nouvelles de la ville, ou les leurs, elle envoyoit chercher une tranche de pâté ou de jambon, quelquefois un peu de salé ou des petits pâtés, et les mangeoit*. Le soir, elle alloit souper et jouer où elle pouvoit, rentroit à quatre heures du matin, et a vécu de la sorte grasse et fraîche, sans nulle infirmité, jusqu'à plus de quatre-vingts ans qu'elle mourut d'une assez courte maladie, après une aussi longue vie, sans souci, sans contrainte et uniquement de plaisir. D'estime, elle ne s'en étoit

et il en vint un fils, qui fut justement notre marquis d'Effiat; sa mère était morte en 1644.

1. Il n'est cependant pas question d'elle dans aucune des lettres de Madame qui ont été publiées; mais Dangeau dit (p. 247) : « Madame a beaucoup d'amitié pour elle », et le répète, p. 252.

2. On retrouve les traits principaux de ce curieux portrait dans un parallèle entre Mme de Fontaine-Martel et Mme d'Alluyes que le marquis d'Argenson s'amusa à écrire en 1733 (ses Mémoires, édition Rathery, tome I, p. 148-149) : « Les matins, la bonne compagnie alloit à midi déjeuner chez la d'Alluyes; j'appelle la bonne compagnie, car c'étoit des gens gais, des gens qui avoient des affaires, des amants, des ménages, et cela devoit divertir la bonne femme, qui y prenoit part. » Dans le Livre commode des adresses de Paris pour 1692, par Abraham du Pradel, elle est indiquée (p. 235), sous le nom de << Mme d'Allouy » parmi les «< dames curieuses », c'est-à-dire, celles qui ont un cabinet de curiosités. C'était peut-être le moyen d'attirer chez elle les étrangers de passage.

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3. << Elle étoit pauvre, dit le marquis d'Argenson, n'ayant jamais eu de conduite. » Un arrêt du Conseil rendu en sa faveur le 5 juillet 1696 (Archives nationales, E 1895) montre en effet qu'elle était alors quasi ruinée. 4. «< Chez la d'Alluyes on déjeunoit beaucoup de boudins, saucisses, pâtés de godiveau, vin muscat, marrons » (Marquis d'Argenson).

5. Les mêmes Mémoires prétendent qu'elle entretint presque jus

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