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deur de France'. Ils n'eurent guères le temps de savoir comment ils s'accommoderoient l'un de l'autre, l'abbé de Gamaches étant mort peu de temps après d'une maladie ordinaire mais qui fut fort courte, et qui mit à fin tous ses grands projets. Il étoit riche, et entre ses bénéfices il avoit l'abbaye de Montmajour d'Arles, qui est très considérable'.

Malgré la situation des finances, il reprit à M. le duc d'Orléans un nouveau débordement de pensions. Il en donna une de six mille [livres], et une autre de quatre mille livres attachée au grade de lieutenant général et à celui de maréchal de camp, avec cette explication : qu'elles seroient incompatibles avec un gouvernement ou avec une autre pension, mais que, si la pension étoit moindre, elle seroit portée jusqu'à cette fixation. Cela alloit bien loin au grand nombre, et n'en obligeoit aucun en particulier. La vieille Montauban, dont il a été quelquefois parlé ici, en [eut] une de vingt mille livres, et M. de Montauban,

1. M. de Saint-Aignan, nommé en octobre 1730, arriva à Rome au début de 1731.

2. L'abbé de Gamaches ne mourut qu'en 1738; c'est à tort que dans le tome XXIV, p. 203, note 7, nous avons dit qu'il revint en France; il resta à Rome jusqu'à sa mort.

3. Abbaye bénédictine à quatre kilomètres d'Arles, fondée suivant les uns dès le sixième siècle, suivant la Gallia christiana au dixième; elle rapportait vingt-cinq mille livres.

4. Les précédentes éditions ont mis partout ici pour toutes les sommes qui vont suivre le mot francs. Or Saint-Simon, dans son manuscrit, met tantôt son abréviation habituelle signifiant livres, tantôt le mot francs en toutes lettres; nous rétablissons scrupuleusement la leçon du manuscrit.

5. Nouvelle annoncée par Dangeau le 27 mars (p. 258) et par la Gazette d'Amsterdam, no xxx, qui ajoute que les brigadiers auraient deux mille livres, ce qui est confirmé d'ailleurs par le Journal de Buvat, tome II, p. 74.

6. Charlotte Bautru de Nogent, princesse de Montauban: tomes V, p. 259-260, XII, p. 282-286, etc.

7. Elle en avait déjà été payée, dit Dangeau (p. 272); ce ne fut qu'une régularisation.

Débordement
de pensions,
et pensions
fixées
au grade
d'officier
général.

cadet du prince de Guémené, une de six'. La duchesse de Brissac, sœur de Verthamon, qui étoit fort pauvre, et que son frère, premier président du Grand Conseil, logeoit et nourrissoit, en eut une aussi de six mille 3. Mme de Coëtquen, du Puy Vauban, Polastron, la fille de feu Puyzieulx, veuve de Blanchefort, grand joueur, et son fils, en eurent chacun une de quatre mille livres; et huit ou dix autres personnes qui trois, qui deux mille francs.

1. Charles de Rohan-Guémené (tome XIV, p. 323); ce fut pour le consoler d'avoir manqué son mariage avec Mlle de Meuve, fille d'un très riche banquier (Dangeau, p. 284); nous verrons bientôt qu'il épousa Mlle de Mézières : ci-après, p. 299.

2. Autre corrigé en aussy, et plus loin Me de Cloëtquen] surcharge la mere de.

3. Nous connaissons cette Verthamon, qui avait épousé le duc de Brissac veuf de la sœur de notre auteur (tome II, p. 73) et aussi son frère Michel-François (tome IV, p. 3). Dangeau spécifie (p. 276) que la pension fut donnée « à la duchesse de Brissac fille de la maréchale d'Estrades »; en effet sa mère, Marie d'Aligre (tome IV, p. 4), avait épousé en secondes noces le maréchal. Le duc de Brissac avait « tout fricassé ». 4. Marie-Charlotte de Noailles tome III, p. 312. Dangeau précise la jeune (p. 277), pour la distinguer de sa belle-mère MargueriteGabrielle de Rohan-Chabot, que nous allons voir mourir au mois de juin 1720 ci-après, p. 309.

5. Antoine le Prestre, comte de Vauban, dit du Puy-Vauban (tome XIX, p. 401), et Jean-Baptiste, comte de Polastron (tome XIII, p. 307). 6. Gabrielle-Charlotte-Élisabeth Brûlart de Sillery, fille de Roger, marquis de Puyzieulx, que nous avons vu mourir en 1719 (tome XXXVI, p. 140), avait épousé à trente ans, le 27 février 1702, François-Joseph, marquis de Blanchefort, né en décembre 1648, et qui avait longtemps servi comme capitaine dans le régiment de Navarre; en 1710, il avait succédé à son oncle comme gouverneur du pays de Gex, et était mort le 17 mai 1714 (Gazette, p. 264). Elle en avait un fils, François-Philogène, marquis de Blanchefort, né le 3 juillet 1704, et qui eut en 1720 une lieutenance au régiment du Roi-infanterie ; il récupéra en 1727 le gouvernement du pays de Gex qu'avait eu son père, et perdit sa mère le 16 janvier 1740.

7. Dangeau annonce ces diverses pensions, p. 277, 286 et 289; mais celle de quatre mille francs pour Mme de Blanchefort fut partagée par moitié entre elle et son fils.

8. Ici il y a bien francs en toutes lettres.

Dangeau énumère

J'en obtins une de huit mille livres pour Mme la maréchale de Lorge', et une de six mille livres pour la maréchale de Chamilly, dont le Mississipi avoit fort dérangé les affaires. M. de Soubise et le marquis de Noailles eurent chacun deux cent mille livres en présent3. Jusqu'à Saint-Geniès, sortant de la Bastille et relégué à Beauvais, ayant d'abord été destiné fort loin, eut une pension de mille francs. Tout le monde, en effet, auroit eu besoin d'une augmentation de revenu, par l'extrême cherté où les choses les plus communes et les plus indispensables, et toutes autres natures de choses étoient montées, qui, quoiqu'à la fin peu à peu diminuées, sont demeurées jusqu'à aujourd'hui bien au-dessus de ce qu'elles étoient avant ce Mississipi. Le marquis de Châtillon, qui a fait depuis une si grande fortune, eut aussi six mille livres de pension en quittant son inspection de cavalerie; enfin, la Peyronie, premier chirurgien du Roi en survivance de Mareschal, eut huit mille [livres] de pension".

(p. 259, 260, 273, 282) Mlle de Beauvau, Mme de Briquemont, MM. d'Imbercourt, comte de Tavannes, Souastre, chevalier d'Aubeterre, Mme d'Hautefeuille.

1. Dangeau dit neuf mille francs: p. 289.

2. « La maréchale de Chamilly a eu une pension de deux mille écus; son bien, qui est tout en rente, étoit fort diminué; elle avoit besoin de ce secours-là et elle le mérite bien » (Dangeau, p. 263). 3. « Pour payer leurs dettes » (Dangeau, p. 282). Le marquis de Noailles est Jean-Emmanuel, seul frère survivant du duc, né le 27 janvier 1692, lieutenant général de Guyenne dès 1702, mestre-de-camp de cavalerie, qui mourut sans alliance le 16 décembre 1725.

4. Il avait d'abord écrit en eut une de mil; il a rayé en et de mil pour rédiger la phrase autrement. Nous avons vu ce marquis de Saint-Geniès compromis dans la conspiration de Cellamare tome XXXVI, p. 32-35. Cette mention vient de Dangeau, p. 250.

5. Buvat donne divers exemples de l'élévation des prix; il est certain d'ailleurs que la spéculation s'en mêlait (Journal de Buvat, tome II, p. 24-25, 27, 37, 72 et 75; voyez aussi Les Correspondants de Balleroy, tome II, p. 173, et ci-après, aux Additions et Corrections). 6. Dangeau, p. 258.

7. On a vu sa nomination en 1719: tome XXXVI, p. 123. Dan

M. le duc d'Orléans m'apprend le mariage

du duc de

Lorge

avec la fille

aînée du premier président. Ma conduite

là-dessus.

Un jour de vers la fin d'avril, travaillant avec M. le duc d'Orléans, il m'apprit le mariage du duc de Lorge avec Mlle de Mesmes', et que le premier président lui en avoit demandé son agrément. Je n'en avois pas ouï dire un mot, et la vérité est que je me mis dans une étrange colère2. On a vu, en différentes occasions, ce que j'ai fait pour ce beau-frère, et ce qui m'arriva pour l'avoir fait capitaine des gardes, qu'il étoit s'il avoit voulu se priver de sa petite maison de Livry, dont la vente étoit nécessaire pour parfaire les cinq cent mille livres à donner au maréchal d'Harcourt, qu'il aima mieux garder'. Il m'étoit cruel de lui voir épouser la fille d'un homme que je faisois profession d'abhorrer, et que je ne rencontrois jamais au PalaisRoyal sans le lui témoigner, et quelquefois par des choses les plus fortement marquées". Je m'en retournai à Meudon où nous étions déjà établis". J'appris à Mme de SaintSimon cette énormité de son frère, dont elle ne fut pas moins surprise ni touchée que moi. Je lui déclarai que de ma vie je ne le verrois ni sa femme, et que je ne verrois jamais non plus Mme la maréchale de Lorge, ni M. ni geau mentionne ce don le 10 juin (p. 302). Quant à Mareschal, on lui avait donné une pension de quatre mille livres dès le 1er janvier précédent (reg. O' 64, fol. 330 vo).

1. Saint-Simon a déjà fait allusion à ce second mariage de son beaufrère avec Marie-Anne-Antoinette de Mesmes (tome XXV, p. 21); il y reviendra dans le prochain volume.

2. « On avoit fort parlé, écrit Dangeau le 12 avril, du mariage du duc de Lorge avec la fille aînée de M. le premier président; mais il y a des gens, dans la famille du duc de Lorge, qui traversent fort ce mariage. » Saint-Simon s'était opposé déjà au premier mariage avec Mile Chamillart (notre tome X, p. 402 et suivantes).

3. Il l'avait surtout tiré d'affaires en 1708 lors de l'enlèvement de Mlle de Roquelaure par le prince de Léon, auquel il avait aidé (notre tome XVI, p. 98 et suivantes).

4. En 1715: tome XXIX, p. 248-257.

5. Voyez ibidem, p. 220, note 5, et 541.

6. Le Régent avait permis aux Saint-Simon de passer les étés au château de Meudon, après la mort de la duchesse de Berry (tome XXXVI, p. 275).

Mme de Lauzun, s'ils signoient le contrat de mariage et s'ils se trouvoient à cette noce. Je le dis tout haut partout, et je m'espaçai sur le beau-père et le gendre sans aucune sorte de mesure. Cet éclat, qui fut le plus grand qu'il me fut possible, et qui mit un grand désordre dans une famille jusqu'alors toujours si intimement unie, et qui vivoit sans cesse ensemble, arrêta le mariage tout court pour un temps, mais sans que je visse le duc de Lorge, qui se flattoit de me ramener par ses sœurs, et qui, dans l'embarras à mon égard de ne vouloir pas rompre ce beau mariage, n'osa se hasarder à me voir1.

Édit de réduction des intérêts des rentes. Mouvements du Parlement là-dessus;

M. le duc d'Orléans, persuadé par ceux en qui il avoit le plus de confiance sur les finances, résolut de réduire à deux pour cent toutes les rentes. Cela soulageoit fort les débiteurs; mais c'étoit un grand retranchement de revenu pour les créanciers qui, sur la foi publique, le taux approuvé et usité, et la loi des contrats d'emprunts, remontrances. avoient prêté à cinq pour cent, et en avoient toujours paisiblement joui. M. le duc d'Orléans assembla au PalaisRoyal plusieurs personnes de divers états de finance, et résolut enfin avec eux d'en porter l'édit2. Il fit du bruit au Parlement, qui résolut des remontrances. Aligre présidoit ce jour-là; le premier président s'en étoit allé à sa

1. Nous verrons le mariage se faire au mois de décembre prochain, et Saint-Simon se raccommoder avec le premier président; il donnera alors un second récit de la présente scène.

2. L'édit rendu dans les derniers jours de mars, et daté seulement du mois comme tous les édits (Dangeau n'en parle que le 10 avril), n'avait pas la portée rétroactive que lui attribue Saint-Simon, trompé par la brève mention du Journal (p. 266-267); il portait que « les deniers qui seront ci-après donnés à constitution de rente par les sujets de Sa Majesté ne pourront produire par an un plus haut intérêt que celui du denier cinquante ». Un exemplaire imprimé, sans mention d'enregistrement, est aux Archives nationales, AD † 758, mars, no 6. D'après une note du greffier du Parlement (reg. U 363), les gens du Roi durent recevoir l'édit dès le 25 mars; mais, à cause de la semaine sainte et des fêtes de Pâques, ce fut seulement le 10 avril qu'ils l'apportèrent à la cour.

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