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estimé et si considéré sans le rechercher, et qui refusa l'ordre du Saint-Esprit avec une humilité si modeste, comme on l'a vu en son lieu ici. La fille unique de Mme de la Hoguette, qui avoit épousé Nangis1, fut sa seule héritière, et avec beaucoup de patience et de vertu n'en fut pas plus heureuse;

Mort de Mortagne, chevalier

d'honneur

Mortagne, officier général, qui s'étoit fait estimer dans la gendarmerie et dans le monde. Il en a été parlé sur ses deux mariages, l'un et l'autre assez singuliers. Il s'étoit fait chevalier d'honneur de Madame. C'étoit un fort hon- de Madame. nête homme, mais de fort obscure naissance. Son père étoit un riche maître de forges de vers Liége, qui laissa à son fils un nom qui n'étoit pas à lui. Il laissa une fille unique et une veuve assez digne du duc de Montbazon mort enfermé à Liége, père de son père, dont la plupart de la postérité s'est sentie peu ou beaucoup.

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Madame la Duchesse, sœur de M. le prince de Conti et de Mlle de la Roche-sur-Yon', mourut le 21 mars à Paris,

1. Marie-Marguerite Fortin de la Hoguette, mariée à Louis de Brichanteau en 1705: tome XII, p. 3.

2. Antoine-François Gaspard de Colins, comte de Mortagne : tome V, p. 30. Il mourut le 25 mars, à cinquante-neuf ans et fut enterré à Sainte-Marguerite (De Chastellux, Notes prises aux archives de l'état civil de Paris, 1875, p. 188).

3. Le premier avec la veuve du comte de Quintin : tome V, p. 30-36; le second avec une Rohan-Montbazon: tome XXXI, p. 69–71.

4. Cela a déjà été dit au tome V, p. 35.

5. Louise-Élisabeth de Colins de Mortagne, plus tard comtesse de Montboissier: tome XXXI, p. 71.

6. Charles II de Rohan, duc de Montbazon, mort fou en 1699 (tome V, p. 261), père de Charles III, titré prince de Guémené. La première fois qu'il avait parlé de cette comtesse de Mortagne, notre auteur n'avait rien dit de ses excentricités. Nous ne savons pour quelles frasques elle fut internée en 1722 aux Miramionnes, puis transférée en janvier 1723 à l'abbaye de Saint-Léger de Préaux (reg. O' 67, fol. 28). Cela ne l'empêcha pas de se remarier en 1729, à quarante-sept ans, avec le jeune Canaples, qui n'en avait que vingt-sept.

7. Marie-Anne de Bourbon-Conti: tome XVII, p. 131.

8. La date a été ajoutée après coup sur la marge.

Mort de Madame

la Duchesse,

enterrée.

Visites et manteaux

chez Monsieur le Duc ; testament, etc.

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brusquement dans l'hôtel de Condé, après une fort longue maladie, à trente et un ans1, au bout de sept ans de mariage, dont il a été parlé ici en son temps, pendant lequel elle ne s'étoit pas contrainte3: elle fut plainte sans être regrettée. Les princes du sang rebutés de leurs tentatives inutiles de faire garder le corps de ces princesses, l'usage de brusquer l'enterrement, pris depuis ce peu de succès, fut continué en cette occasion. Le surlendemain de sa mort, sans qu'il y eût eu aucune cérémonie à l'hôtel de Condé que le pur nécessaire, elle fut portée aux Carmélites de la rue Saint-Jacques où elle fut enterrée. Le convoi fut très magnifique. Mlle de Clermont " accompagna le corps avec les duchesses de Sully et de Tallard', que Monsieur le Duc et Madame sa mère en avoient priées. Quelques jours après, Monsieur le Duc reçut les visites de tout le monde, avec la précaution ordinaire d'un magasin de manteaux dans son antichambre, et l'indécence ordinaire et affectée contre cette nouvelle pratique, qui a été marquée ici à son commencement'. Madame la Duchesse, qui

1. Gazette, p. 156; Dangeau, p. 254. Elle était malade, avec des alternatives de mieux et de plus mal, depuis décembre 1718 : Les Correspondants de Balleroy, tome I, p. 392, et tome II, p. 20, 44, 47, 53, 58, 139; Dangeau, tome XVII, p. 434-436, 461, 462, 465-468, 473, etc. 2. Tome XXIV, p. 31-42.

3. Les Mémoires de Maurepas disent qu'elle aimait fort la table, le vin et les liqueurs, et cela s'accorde avec deux passages des Correspondants de Balleroy, tomes I, p. 392, et II, p. 53. La médisance n'épargna pas non plus ses mœurs, mais sans qu'on puisse rien formuler de précis.

4. Tome XXXIII, p. 132-137.

5A .vant le surlendemain, il a biffé elle fut portée.

6. Marie-Anne de Bourbon-Condé, belle-sœur de la défunte : tome XVII, p. 277.

7. Madeleine-Armande du Cambout de Coislin (tome IV, p. 302) et Marie-Isabelle-Gabrielle de Rohan (tome XVII, p. 12).

8. Dangeau, p. 255-256. Aucun monument ne fut élevé à la princesse dans la chapelle du monastère; il n'y eut même pas d'épitaphe. 9. « Monsieur le Duc reçut les visites des courtisans en grands manteaux ; il y en avoit beaucoup dans l'antichambre qu'on donnoit à ceux

ne laissa point d'enfants, fit un testament', et Mlle de la Roche-sur-Yon sa légatrice universelle. Il y avoit beaucoup à rendre et force pierreries, parce que feu M. le prince de Conti avoit fort avantagé cette princesse, qui étoit sa fille aînée. Mlle de la Roche-sur-Yon ne se trouva pas la plus forte3: Monsieur le Duc s'en tira lestement; mais, peu d'années avant sa mort, il pensa sérieusement, et fit pleine justice à Mlle de la Roche-sur-Yon, qui n'avoit osé le plaider et qui ne pensoit plus depuis longtemps à cette affaire. Le deuil du Roi ne fut que de cinq jours pour Madame la Duchesse".

Le comte d'Horn' étoit à Paris depuis environ deux

qui n'en avoient point apporté » (Dangeau, p. 259). C'est à ce propos que notre auteur a fait l'Addition qui a été placée dans notre tome XIX, en regard de la page 88 (no 917), lorsque, à propos de la mort de Monsieur le Duc en 1710, Saint-Simon avait marqué le commencement de cet usage.

1. Nous donnons le texte de ce testament dans notre appendice V. 2. Le testament du prince de Conti, mort en 1709, père de la princesse, est aux Archives nationales, K 543, no 66 ; il ne comporte aucune clause favorisant sa fille aînée.

3. « Mlle de la Roche-sur-Yon, dit Dangeau (p. 257), est légataire universelle de Madame la Duchesse, sa sœur, qui vient de mourir. Cette princesse assure fort qu'elle évitera tous procès avec Monsieur le Duc ; mais Mme la princesse de Conti, sa mère, dit qu'elle soutiendra ses droits et ceux de sa fille. » Il n'y eut cependant aucune action judiciaire; néanmoins, le 6 juillet suivant, Monsieur le Duc dut affirmer devant les commissaires du Parlement qu'il ne retenait et ne retiendrait aucun effet de la succession de sa femme (reg. U 363).

4. Nous n'avons trouvé aucun renseignement sur cette restitution tardive; il en sera parlé encore dans la suite des Mémoires, tome XVII de 1873, p. 367, qui passera dans notre prochain volume.

5. Cette phrase a été ajoutée par Saint-Simon dans le blanc resté à la fin du paragraphe, lorsqu'il a trouvé dans le Journal de Dangeau, au dimanche 7 avril, la mention suivante : « Le Roi quitta le deuil en violet qu'il portoit pour la mort de l'Impératrice, et prit le noir pour la mort de Madame la Duchesse. Il ne le portera que jusqu'à vendredi; mais, au Palais-Royal, on le portera quinze jours de plus. >>

6. Antoine-Joseph, comte de Horn, capitaine de cavalerie réformé dans les troupes autrichiennes, né le 21 novembre 1698, fils cadet de

Maison

d'Horn

ou Hornes.

mois, menant une vie obscure de jeu et de débauche. C'étoit un homme de vingt-deux ans, grand et fort bien fait, de cette ancienne et grande maison d'Horn, connue dès le onzième siècle parmi ces petits dynastes' des PaysBas, et depuis par une longue suite de générations illustres*. La petite ville et la seigneurie de Horn en Brabant, près de Ruremonde, a donné l'origine et le nom à cette maison 3; elle est du territoire de Liége, et relevoit de l'ancien comté de Loos. Des trois branches de cette maison, Jean, second fils de Jacques, fait comte d'Horn par l'empereur Frédéric III, et frère puîné d'autre Jacques qui eut des enfants sans postérité, recueillit la sucession de son frère et de ses neveux. Il quitta la prévôté de Liége pour épouser Anne d'Egmont, fille de Floris comte de Buren, Philippe-Emmanuel, comte et prince de Horn: ci-après, p. 224. SaintSimon écrit tantôt Horn, tantôt Hornes.

1. Le Dictionnaire de l'Académie de 1718 n'admettait pas encore ce mot, qui s'appliquait dans l'antiquité aux princes souverains d'un petit état indépendant.

2. Cette maison, dont le nom s'orthographie Horn et Hornes, et dont la filiation remonte au douzième siècle, a sa généalogie dans le Dictionnaire de Moréri et dans l'ancien Nobiliaire des Pays-Bas (1760), deuxième partie, p. 488-492. F.-V. Goethals a donné en 1848 une Histoire généalogique de la maison de Hornes, et le baron de Herckenrode l'a comprise dans sa nouvelle édition du Nobiliaire des Pays-Bas (1862-65), tome I, p. 1038-1074.

3. Horn, à une lieue à l'ouest de Ruremonde, est non pas dans le Brabant, mais dans le Limbourg hollandais, et appartenait aux PaysBas espagnols comme dépendant de Liège.

4. Los, Loos ou Borchloen (Saint-Simon écrit Looss), à cinq lieues au nord-ouest de Liège, était le chef-lieu d'un ancien comté, qui comprenait Tongres et Saint-Trond et que les évêques de Liège réunirent à leur domaine.

5. Saint-Simon va suivre la généalogie du Moréri; mais il commettra quelques erreurs. Jean II de Horn était fils de Jacques II et frère de Jacques III; ce ne fut pas Jacques II qui fut créé comte par Frédéric III, mais le père de celui-ci, Jacques Ier de Horn; ensuite Jacques III n'eut pas d'enfants d'aucune de ses trois femmes.

6. Il était prévôt du chapitre de Liège, mais sans être engagé dans les ordres.

chevalier de la Toison d'or1, et veuve avec des enfants de Joseph de Montmorency, seigneur de Nivelle 2. Elle captiva si bien son second mari que, se voyant sans enfants et le dernier de la branche aînée d'Horn, il adopta les deux enfants de sa femme, Philippe et Floris de Montmorency, qui furent tous deux illustres par leurs grands emplois, tous deux chevaliers de l'ordre de la Toison d'or, tous deux victimes des cruautés exercées dans les Pays-Bas, tous deux sans avoir laissé de postérité. Philippe prit le nom de comte d'Hornes; c'est lui à qui le duc d'Albe, gouverneur des Pays-Bas, fit couper la tête avec le comte d'Egmont, et qui furent exécutés ensemble à Bruxelles, le 5 juin 1568. Floris, son frère, porta le nom de baron de Montigny, député pour la seconde fois en Espagne, pour supplier Philippe II de ne point établir l'Inquisition aux Pays-Bas, fut arrêté en septembre 1567, puis transféré du château de Ségovie en celui de Simancas, où il eut la tête tranchée en octobre 1570. Leurs deux sœurs furent mariées toutes deux dans la maison de Lalaing.

Thierry d'Hornes, frère puîné du trisaïeul du dernier

1. Ce Floris d'Egmont fut gouverneur de Frise en 1501, commanda l'armée impériale en France en 1522 et prit Doullens; il mourut en 1539. Son comté de Buren, en Gueldre, lui venait de sa mère.

2. Joseph de Montmorency était issu de la branche de Fosseux ; il mourut en Italie en 1530. La seigneurie de Nivelle dans la Flandre vallonne, au nord de Saint-Amand, était de l'intendance de Flandre, mais du diocèse de Tournay.

3. Lamoral, comte d'Egmont: notre tome XI, p. 326.

4. Voyez Juste, Le comte d'Egmont et le comte de Hornes, Bruxelles, 1862.

5. Bourg de la Vieille-Castille, dans la province de Valladolid, sur la Pisuerga; il s'y trouve aujourd'hui un important dépôt des archives royales d'Espagne.

6. Marie de Montmorency, mariée à Charles, comte de Lalaing, et Éléonore, qui épousa successivement deux cadets de la même

maison.

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