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de Berwick. Porteurs de lettres en Espagne arrêtés.

par la prise d'Urgel et de Roses', arriva. On arrêta des du maréchal gens au pied des Pyrénées, qui cherchoient à se couler en Espagne par des chemins détournés; on les trouva chargés de beaucoup de lettres: c'est tout ce qu'on en a su'. La politique de l'abbé Dubois, qui a été expliquée en son lieu', sur le duc et la duchesse du Maine, fit un secret et des lettres et de qui elles étoient. Cela fut étouffé sous un air de mépris. Je ne pris pas la peine d'en parler à M. le duc d'Orléans. Je crois que je le soulageai; car il ne m'en parla qu'en ce sens et en passant.

Il résolut pourtant et travailla bientôt après à une grande augmentation de troupes, dont il ne fut pas longtemps à reconnoître qu'il n'avoit pas besoin. Il avoit paru sur les côtes de Bretagne quelques vaisseaux espagnols. Le maréchal de Montesquiou fit marcher des troupes pour leur empêcher le débarquement; sur quoi, après

1. La prise de la Seu d'Urgel a été mentionnée dans le précédent volume, p. 358. Mais la ville de Roses, investie le 22 octobre, ne fut pas prise; un accident arrivé aux tartanes qui devaient transporter le gros canon fit suspendre le siège jusqu'au printemps; des inondations avaient beaucoup gêné l'armée pour les approvisionnements (Gazette de Rotterdam, no 124, 127 et supplément aux nos 126 et 129; Dangeau, p. 153 et 156; Dépôt de la Guerre, vol. 2564).

2. Le 8 décembre (Dangeau, p. 169).

3. «< On parle de deux hommes qui ont été arrêtés au pied des Pyrénées, voulant passer en Espagne par des chemins fort détournés, et qui étoient chargés de beaucoup de lettres; l'un de ces hommes-là est major du régiment de Luxembourg, qui est au roi d'Espagne, et l'autre est un Italien » (Dangeau, p. 170). L'affaire semble avoir été de peu d'importance.

4. Tome XXXVI, p. 18-23 et 49-50.

5. Dangeau, après avoir dit le 23 novembre qu'on parlait d'une grande augmentation de troupes (p. 164), annonce le 7 décembre une levée de quarante mille hommes (p. 168). On lit dans la Gazette de Rotterdam, no 132: « On parle toujours d'une augmentation considérable de troupes, entre autres de quatre compagnies dans chaque régiment de dragons. » Le 30 décembre parut une ordonnance royale portant une augmentation du nombre d'hommes dans les compagnies de tous les régiments d'infanterie (Archives nationales, AD+ 756).

Vaisseaux espagnols aux côtes

de Bretagne.

Bretons en fuite, d'autres

arrêtés.

Profusions

diverses tentatives, ils se retirèrent. C'étoient des vaisseaux de guerre qu'on sut chargés de troupes de débarquement et de beaucoup d'armes1. Noyant, gentilhomme de Bretagne qui avoit été exilé et rappelé2, et qui étoit à Paris, fut mis à la Bastille 3. Peu de jours après, les femmes de Bonamour et de Lantivy, dont les maris étoient en fuite, furent arrêtées en Bretagne. Pontcallec s'en sauva en même temps; on courut inutilement après lui".

M. le duc d'Orléans ne se lassoit point de profusions,

1. Alberoni, pour faire une diversion, avait équipé six vaisseaux qui devaient débarquer en Bretagne un corps de deux mille hommes; mais les vents contraires l'en empêchèrent; une seule frégate atteignit le 30 octobre la presqu'île de Rhuys. Le maréchal de Montesquiou, prévenu, concentra des troupes aux environs de Vannes; on arrêta plusieurs gentilshommes, et l'affaire échoua. B. Pocquet a raconté cet incident avec toutes les précisions possibles dans son Histoire de Bretagne, tome VI, p. 80 et suivantes; il y a quelques renseignements dans le volume 2575 du Dépôt de la guerre, et dans la Gazette de Rotterdam, suppléments aux numéros 120, 122 et 123 de 1719.

2. Tomes XXXII, p. 335, XXXIII, p. 17, et XXXV, p. 13.

3. Le 19 décembre, avec son domestique: Funck-Brentano, Les Lettres de cachet, p. 192; Dangeau, p. 183. Le 22, on incarcéra aussi, pour la même affaire, une nommée Françoise Bruden, ancienne danseuse à l'Opéra de Pologne.

4. Saint-Simon prend cette nouvelle dans Dangeau, p. 196. Mme de Bonamour était Éléonore-Rose de Freslon, née le 13 août 1685 et mariée depuis le 15 juillet 1709; on a ses dépositions devant la chambre royale de Nantes. Quant au nom de Lantivy (Saint-Simon copiant Dangeau, écrit Landivy) c'est une erreur. Il y avait bien parmi les conjurés bretons un Lantivy, Julien-Louis, chevalier du Coscro (ci-après, p. 233); mais il ne fut jamais marié. Il s'agit de Mme de Lambilly, Céleste Magon de la Lande, femme du conseiller au parlement de Rennes dont il a été parlé dans le tome XXXIII, p. 91; son mari s'était réfugié en Espagne et y mourut; elle-même fut traduite devant la chambre de justice.

5. Tome XXXVI, p. 357.

6. Il ne tarda guère à être arrêté. Poursuivi par le colonel de Mianne, fils du commandant du château de Nantes, et traqué de tous côtés, M. de Pontcallec fut surpris le 28 décembre 1719 chez le curé de Lignol, près le Faouët, où il s'était réfugié (Pocquet, Histoire de Bretagne, tome VI, p. 87-91).

ni de se faire des ingrats'. Il donna plus de quatre cent mille [livres] à la maréchale de Rochefort, dame d'honneur de Mme la duchesse d'Orléans; cent mille à Blanzac, son gendre; autant à la comtesse de Tonnerre sa petitefille; trois cent mille à la Chastre; autant au duc de Tresmes; deux cent mille livres à Rouillé du Coudray, conseiller d'État, qui avoit été l'âme des finances sous le duc de Noailles *; cent cinquante mille livres au chevalier de Marcieu; enfin, à tant d'autres que j'oublie ou que j'ignore, que cela ne se peut nombrer; sans ce que ses maîtresses et ses roués lui en arrachoient, et de plus lui en prenoient les soirs dans ses poches; car tous ces pré

1. Saint-Simon prend dans le Journal de Dangeau, aux 23 et 27 décembre (p. 189 et 191), la mention des libéralités qui vont suivre, qui se faisoient, non point en espèces, mais en actions, comme il va être dit plus loin.

2. Geneviève-Armande de la Rochefoucauld-Roye de Blanzac : tomes III, p. 174, et XV, p. 256.

3. Louis-Charles-Edme, marquis de la Chastre: tome II, p. 132; il était lieutenant général au gouvernement d'Orléanais.

4. Tome XXXIII, p. 48-49.

5. Pierre Emé de Guiffrey de Monteynard, chevalier puis comte de Marcieu, débuta dans la carrière militaire à l'âge de seize ans comme aide-de-camp de M. de Tessé en 1702; l'année suivante il eut une sous-lieutenance au régiment de la Couronne et y devint capitaine en avril 1707; il servit en Espagne jusqu'en 1712. En mars 1719, il fut nommé colonel de Royal-Vaisseaux, et eut en avril suivant les fonctions d'inspecteur général de l'infanterie. Devenu brigadier en avril 1721, il reçut le gouvernement de Valence en septembre de la même année, passa maréchal de camp en août 1734, lieutenant-général en février 1743 et fut nommé commandant du Dauphiné en août suivant. Il se démit en janvier 1745 du gouvernement de Valence en faveur de son neveu, reçut en même temps la grand croix de Saint-Louis, et ne mourut que le 26 août 1778, âgé de quatre-vingt-onze ans. Il semble avoir été en ce moment assez en faveur auprès du Régent; nous le verrons bientôt chargé d'accompagner et de surveiller le cardinal Alberoni, lorsque celui-ci traversa le midi de la France après sa disgrâce.

6. Le 31 décembre, Dangeau note que le Régent a encore donné des actions au marquis de Varennes et à MM. de Courtenay et de Marthon, et à beaucoup d'autres qu'il ignore.

du

Régent.

Prince

épouse

une

aventurière angloise

sents étoient en billets, qui valoient tout courant leur montant en or, mais qu'on lui préféroit.

Cette soif de l'or fit faire un singulier mariage au prince d'Auvergne d'Auvergne, nom que le chevalier de Bouillon avoit pris depuis quelque temps'. Une Mile Trant, Angloise, qui se disoit demoiselle, et prétendoit être à Paris à cause de [Add SS. 1619] la religion, s'étoit fourrée par là chez Mme d'Alègre, de laquelle j'ai parlé plus d'une fois. Elle retira chez elle cette fille d'abord par charité, et la garda longtemps, charmée de son ramage. Elle ne tarda pas à se faire connoître par ses intrigues et par son esprit souple, liant, entreprenant, hardi, qui surtout vouloit faire fortune'. Elle

1. Frédéric-Jules de la Tour d'Auvergne (tome II, p. 128), que nous avons vu recevoir récemment une gratification du Régent (tome XXXVI, p. 246).

2. Catherine-Olive Trant (en France on disait plutôt de Trente ou de Trent, et Saint-Simon adopte cette dernière orthographe) et son frère Laurent, qualifié chevalier, qui figurait parmi les pages de la grande écurie en 1710-12, étaient en effet les enfants d'un gentilhomme qui avait suivi Jacques II en France après la révolution de 1688. Leur père Patrice Trant de Dingle, baronnet du comté de Kerry en Irlande, avait perdu de ce fait une fortune assez considérable et était mort au château de la Tour, en Auvergne, en 1696, ce qui indique des relations anciennes avec les Bouillons; un fils aîné fut tué à Cassano en 1705 (Mercure, octobre 1705, p. 124-128; il y a dans le même recueil, février 1728, p. 378-380, une notice sur les baronnets de Trant). Mlle Trant épousa le prince d'Auvergne le 16 janvier 1720 à minuit; le Roi avait signé au contrat, dont des extraits sont au registre Y 302 des Archives nationales, fol. 178 (Dangeau, p. 189, 206 et 208); elle devint veuve en 1733 et mourut le 27 décembre 1738, à cinquante ans (Gazette de 1739, p. 12).

3. En dernier lieu, tome XXXV, p. 275-276.

4. En 1711, le frère et la sœur adressent au contrôleur général une supplique au sujet des escroqueries dont ils sont victimes de la part du banquier Arthur (Archives nationales, G7 1727, lettre de M. d'Argenson du 16 mars). Il semble qu'alors ils étaient dans une situation assez précaire: Mlle Trant, qui avait loué en 1707 pour trois ans un logement de trois cents livres de loyer chez les Hospitalières de la place Royale, le quitte dès Pâques 1708 pour en aller occuper un autre de cent cinquante livres chez les Hospitalières de la Roquette; elle dut

attrapa lestement force Mississipi de Law, qu'elle sut faire très bien valoir'. Ce grand bien donna dans l'œil au prince d'Auvergne, qui avoit tout fricassé. Il cherchoit à se marier sans pouvoir trouver à qui; le décri profond et public où ses débauches l'avoient fait tomber, et d'autres aventures fort étranges, ni sa gueuserie, n'épouvantèrent point l'aventurière angloise. Le mariage se fit, au grand déplaisir des Bouillons. Elle mena toujours depuis son mari par le nez*, et acquit avec lui des richesses immenses par ce même Mississipi. Il est pourtant mort avec peu de bien, parce qu'il avoit été soulagé de presque tout son

vraisemblablement y habiter jusqu'en juin 1716, où on la voit louer pour trois cents livres un pavillon dans la cour du couvent de l'Assomption, rue Saint-Honoré (Archives nationales, S *7093, fol. 244 vo, 7094, fol. 94 vo et 257, et 7100, fol. 173 vo). Pendant la Régence, Mathieu Marais (Mémoires, tome II, p. 32 et 448) la qualifiait d'intrigante et d'aventurière, et M. de Caumartin de Boissy, tout en la disant «< de très aimable compagnie », ajoutait l'épithète de « fort gaillarde» (Les Correspondants de Balleroy, tome II, p. 123).

1. On lui attribuait alors une fortune de cinq millions, suivant le jeune d'Argenson, qui ajoutait : « Voilà du mariage!» (ibidem, p. 95); voyez aussi la Gazette de Rotterdam de 1720, no 1. Amelot, écrivant au cardinal Gualterio le 25 décembre (British Museum, ms. Addit. 20365, fol. 428), parle de « quatre millions gagnés au Mississipi >> et ajoute que la demoiselle a « beaucoup d'esprit ».

2. On a déjà rencontré fricasser au figuré dans nos tomes III, p. 197, et VI, p. 327, etc. Quant à donner dans l'œil, le Dictionnaire de l'Académie de 1718 ne connaissait que donner dans les yeux au sens de plaire, avoir un éclat qui surprend; la dernière édition a une meilleure définition: éblouir, séduire, faire une impression vive.

3. Ils n'en eurent peut-être pas tant de déplaisir, puisque la noce se fit à l'hôtel de Bouillon (Dangeau, p. 208). Nous avons dit plus haut que Mile Trant devait être en relations depuis son enfance avec la famille de la Tour d'Auvergne.

4. Locution annotée dans le tome XII, p. 89. — Dès le mois de mai qui suivit le mariage, M. de Caumartin de Boissy notait qu'il y avait « de grands tapages entre le comte d'Auvergne et son Angloise » (Les Correspondants de Balleroy, tome II, p. 161). Le mari avait reçu du Régent le justaucorps brodé le 10 février 1720 (Archives nationales, 01 64, fol. 38).

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