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Mort

de Mme de

Lillebonne ; 12000 #

de pension qu'elle avoit

donnée

à Madame de

Rome, se donna vainement en spectacle de lutte et d'impuissance, contre un homme de la lie du peuple, pour l'élévation duquel il avoit tout épuisé, et qu'il ne put détruire. Tout ce que ses instances purent obtenir, encore aidées de la haine personnelle du Pape et de la cour de Rome contre1 Alberoni, fut de le réduire à errer, souvent inconnu, jusqu'à la mort du Pape; alors l'intérêt des cardinaux l'appela au conclave où il entra comme triomphant, et est depuis demeuré en splendeur, ou à Rome, ou dans les différentes légations qu'il a obtenues. Ces leçons sont grandes; elles sont fréquentes; elles sont bien importantes; elles n'en demeureront pas moins inutiles par l'ambition des plus accrédités auprès des rois, et la foiblesse des rois à leur procurer cette pourpre si fatale aux États, aux rois et à l'Église.

Plusieurs personnes moururent à peu près en ce même temps:

La comtesse de Lillebonne, qui avoit pris le nom depuis plusieurs années de princesse de Lillebonne, mourut à quatre-vingt-deux ans"; elle étoit bâtarde de Charles IV, duc de Lorraine, si connu par ses innombrables perfidies, et de la comtesse de Cantecroix, et veuve du frère cadet du duc d'Elbeuf". II Ꭹ a eu occasion

1. Contre remplace p' en interligne.

2. Suite des Mémoires, tome XVII de 1873, p. 223-225, qui se trouvera dans notre prochain volume.

3. Les mots le nom sont répétés ici, par mégarde, dans le manuscrit. 4. Anne de Lorraine-Vaudémont: tome I, p. 253. Dangeau lui donne le titre de princesse dès 1684 (Journal, tome I, p. 6) et les Mémoires de Sourches qualifient son mari de prince en 1691 (tome III, p. 346).

5. Elle mourut le 19 février (Dàngeau, p. 236). La Gazette n'annonça sa mort que le 9 mars, p. 120, et ne lui donnait que quatrevingts ans, ce qui est exact, puisqu'elle était née le 23 août 1639. Son testament olographe, daté du 7 mars 1694, avec des codiciles du 26 mai 1719, est au British Museum, ms. Addit. 29768, fol. 89-98.

6. Nos tomes IV, p. 336-336, et XV, p. 29-30.

7. François-Marie de Lorraine, mort en 1694 (tome I, p. 253), cadet du duc Charles III d'Elbeuf (tome II, p. 101).

sa fille.

de parler ici d'elle quelquefois, et de la faire assez connoître Remiremont, pour n'avoir plus besoin de s'y étendre'. Avec beaucoup [Add SS. 1653] de vertu, de dignité, de toute bienséance, et non moins d'esprit et de manége, elle ne céda à aucun des Guises en cette ambition et cet esprit qui leur a été si terriblement propre, et eût été admise utilement pour eux aux plus profonds conseils de la Ligue. Aussi Mlle de Guise, le chevalier de Lorraine et elle n'avoient-ils été qu'un ; aussi donna-t-elle ce même esprit à Madame de Remiremont, sa fille aînée, et Mme d'Espinoy, sa cadette, y tourna, et y mit tout ce qu'elle en avoit. Cette perte fut infiniment sensible à ses deux filles, à Vaudémont, son frère de

1. Voyez particulièrement nos tomes IV, p. 336-337, V, p. 20-21, VI, p. 14-16, X, p. 226-227, XIV, p. 396-398, XV, p. 3-5, etc.

2. Madame (Correspondance, recueil Jæglé, tome I, p. 58) dit qu'elle et ses filles sont les seules personnes honnêtes et sincères de la maison de Lorraine. Après ce témoignage et ce que Saint-Simon vient de dire de sa vertu, que faut-il penser de ce passage d'une lettre de Mme de Thibergeau, née Brûlart de Sillery, à la princesse de Vaudémont, belle-sœur de Mme de Lillebonne, du 18 avril 1713 (Nantes, collection du Musée Dobré)? « J'ai supplié Mme la princesse de Lillebonne de savoir de vous, Madame, si vous aviez reçu la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire sur son sujet, et j'ose prendre la liberté de vous le demander à vous-même; car je serois au désespoir que cette lettre ne fût pas parvenue jusqu'à vous, puisque j'ai pu faire assez d'effort sur ma pudeur et sur le respect que je vous dois pour vous exposer les discours et les sentiments de la princesse votre belle-sœur dans leur naturel. J'eus l'honneur de la voir encore il y a peu de jours, et, quoiqu'il fût la veille de Pâques, je la trouvai dans les mêmes dispositions qu'elle m'avoit exposées il y a un mois. Les princesses ses filles et M. le cardinal de Rohan en sont dans un scandale terrible, et j'ai beaucoup d'impatience, Madame, de savoir ce que vous penserez là-dessus, et je vous supplie très humblement de vouloir bien m'honorer d'un mot de réponse sur ce grave sujet. »>

3. Marie de Lorraine (tome II, p. 96).

4. Béatrix-Hiéronyme de Lorraine, dite Mlle de Lillebonne, abbesse de Remiremont depuis 1711 (tomes II, p. 184, et XXI, p. 271). Mlle de Guise, ci-dessus nommée, lui avait laissé trois cent mille livres par testament, et autant à sa sœur Espinoy (Archives nationales, X1A 8686, fol. 435).

Mort et

successeur du

même amour, encore plus dangereusement guisard, si faire se pouvoit. Aussi logeoient-ils tous ensemble à Paris, dans l'hôtel de Mayenne, ce temple de la ligue, où ils ont conservé ce cabinet appelé de la Ligue, sans y avoir rien changé', pour la vénération, pour ne pas dire le culte, d'un lieu où s'étoient tenus les plus secrets et les plus intimes conseils de la Ligue, dont la vue continuelle entretenoit leurs regrets et en ranimoit l'esprit, ce que prouvent les faits divers qui ont été rapportés d'eux en tant d'endroits de ces Mémoires, et tout le tissu de leur conduite; ainsi on ne leur prête rien. Mais, comme toute impunité, et au contraire toute considération, étoit devenue de si longue main leur plus constant apanage, la pension de douze mille livres qu'avoit Mme de Lillebonne fut donnée à Madame de Remiremont2;

Le grand maître de Malte, Perellos y Roccafull, Espagrand maître gnol de beaucoup de mérite3, qui eut le frère du cardinal Zondodari

de Malte.

pour successeur;

1. Voyez ce qui a été dit de l'hôtel de Mayenne et de la Chambre de la Ligue dans notre tome XV, p. 1-3, justement à propos des Vaudémont et des Lillebonne.

2. C'est à Dangeau que cette nouvelle est prise (p. 238). Mme de Lillebonne n'avait pas de fortune, et sa belle-sœur la princesse de Vaudémont lui avait constitué le 17 novembre 1709 une rente de dix mille livres (Archives nationales, Y 282, fol. 258).

3. Tome XXVI, p. 135. Il mourut le 10 janvier, à quatre-vingtquatre ans et près de vingt-trois ans de règne; on ne sut la nouvelle à Rome que le 2 février et à Paris à la fin du mois (Gazette, p. 104; Dangeau, p. 244; Mercure d'avril, p. 56-64). L'inscription funéraire du tombeau qui lui fut élevé dans la chapelle Saint-Georges de l'église Saint-Jean à la Valette a été reproduite par L. de Mas-Lastrie d'après Caruana (Archives des missions, tome VI, p. 125). Un moulage de son buste à Malte est au musée de Versailles, no 1325.

4. Nous connaissons le cardinal Antoine-Félix Zondodari, naguère nonce à Madrid (tome XVI, p. 411). Son frère, Marc-Antoine, né en 1659, avait été envoyé à Rome comme ambassadeur de Malte pour la seconde fois en avril 1713, puis nommé commandant général de la flotte. Il fut élu dès le 13 janvier, et mourut deux ans et demi plus

2

Mort et caractère du P. Cloche,

général de l'ordre de Saint-Dominique.

Le P. Cloche', depuis quarante ans général de l'ordre de Saint-Dominique, avec la plus grande réputation et la considération à Rome la plus distinguée et la plus soutenue, et beaucoup d'autorité dans toutes les affaires, aimé, respecté, estimé et consulté par tous les papes et les cardinaux. Il auroit été cent fois cardinal, s'il n'avoit pas été [Add SS. 1654] François et très bon François. Il avoit été confesseur de mon père jusqu'à son départ pour l'Italie ;

Fourilles, aveugle, qui avoit beaucoup d'esprit et fort orné, et longtemps capitaine aux gardes", estimé et fort

tard, 16 juillet 1722. Le bailli de Mesmes, ambassadeur de Malte, vint donner part au Roi le 16 avril de la mort du grand maître Perellos et de l'élection de son successeur (Gazette, p. 116, 128 et 192; Dangeau, 244 et 269).

p.

1. Jean-François, en religion Antonin Cloche, né à Saint-Sever le 16 janvier 1628, entra de bonne heure dans l'ordre de Saint-Dominique, professa la théologie, fut provincial de Paris et assistant des deux généraux Roccaberti et de Maurroy; il fut élu général de l'ordre, après la mort de ce dernier, le 1er juin 1686, et mourut à Rome le 25-26 février 1720; la Gazette (p. 140) lui donne à tort quatre-vingt-quatorze ans; il était le soixantième général de l'ordre. Sa vie a été écrite par le P. Antoine Touron, dans le tome VI de ses Hommes illustres de l'ordre de Saint-Dominique.

2. Le mot ans est en interligne.

depuis moins de trente-quatre ans.

-

En réalité, il n'était général que

3. Voyez son court éloge dans la Gazette de 1720, p. 140. Il avait organisé des cours de théologie au couvent de la Minerve et fait construire la bibliothèque Casanata (Gazette de 1719, p. 595).

4. Le généralat de l'Ordre donnant la grandesse personnelle en Espagne, le P. Cloche se couvrit devant Philippe V à Naples le 30 avril 1702 (Gazette de 1702, p. 280; Diario d'Ubilla, p. 448). Les Dominicains étaient les confesseurs attitrés des rois d'Espagne; lorsque Philippe V monta sur le trône, il prit un jésuite, le P. Daubenton, et le P. Cloche en fut très mortifié et s'efforça de faire revenir le jeune roi aux habitudes de ses prédécesseurs: voyez à ce sujet les Mémoires de Louville, tome II, p. 64, 113-115, et un passage d'une lettre inédite du duc de Beauvillier à ce même Louville que nous donnerons plus loin, aux Additions et Corrections, et qui a été dénaturée dans ces Mémoires.

5. Henri de Chaumejan, marquis de Fourilles, nommé dès notre

Mort de Fourilles ; sa pension

donnée à

sa veuve.

Mort et

caractère

de Mme de

dans la bonne compagnie. Sa pension fut donnée à sa veuve', qui demeuroit pauvre avec des enfants, à l'un desquels on a vu ici que j'avois fait donner une abbaye sans les connoître 3;

Mme de la Hoguette, veuve d'un lieutenant général, souslieutenant des mousquetaires, mort aux précédentes la Hoguette. guerres du feu Roi en Italie, qui étoit un fort galant homme et très estimé. Cette femme étoit fort riche, avare, dévote pharisaïque, toute merveilleuse, du plus prude maintien, et qui sentoit la profession de ce métier de fort loin, avec de l'esprit et de la vertu, si elle eût bien voulu n'imposer pas tant au monde; elle étoit très peu de chose, et toutefois merveilleusement glorieuse". Son mari étoit neveu de la Hoguette, archevêque de Sens, si tome I, p. 257; il mourut le 29 février (Gazette, p. 120; Dangeau, p. 244). Il demeurait tout près de notre auteur, dans une maison des Jacobins notre tome XXXI, p. 14-15.

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1. Elle s'appelait Marie-Claire Diedeman, et était fille du grand bailli des États de Lille. Son mari l'avait épousée par amour, si l'on en croit les Mémoires de Sourches (tome V, p. 100, note). Elle mourut vers 1740 dans une maison des Jacobins qu'elle habitait avec son fils l'abbé. 2. Outre l'abbé dont il va être parlé, Mme de Fourilles avait eu plusieurs fils l'un d'eux, Henri, enseigne aux gardes françaises, était mort le 5 septembre 1713 (Mercure du mois, p. 50-52); un autre, Blaise de Chaumejan, marquis de Fourilles, lieutenant aux gardes françaises, mourut à Spire, le 13 juillet 1734, des suites d'une bles

sure.

:

3. Tome XXXI, p. 15.

4. Marie Bonneau de Rubelles, veuve de Charles Fortin, marquis de la Hoguette, tué à la Marsaille, qui ont figuré tous deux dans nos tomes I, p. 276, et VIII, p. 281. Elle mourut le 9 mars, à soixante-deux ans : Dangeau, p. 248.

5. Au sens d'étrange, extraordinaire, que donnait l'Académie pour le style familier.

6. Les Bonneau de Rubelles étaient « de fort riches bourgeois de Paris » (notre tome III, p. 70), et Mme de la Hoguette était nièce de la célèbre Mme de Miramion.

7. Comparez le portrait en deux lignes du tome VIII, p. 281.

8. Hardouin Fortin de la Hoguette: ibidem, p. 279 et suivantes, où a été racontée l'anecdote que Saint-Simon va rappeler.

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