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duchesse d'Orléans'. Le lendemain à midi, le mariage fut célébré à la messe du Roi, avec la même assistance que la veille, et non plus. Au sortir de la messe, le Roi donna la main à la mariée et la conduisit à son carrosse, qui étoit au Roi, et dit au cocher: « A Modène, »> suivant l'usage. Le cortège étoit autour comme si elle fût partie en effet. Elle retourna au Palais-Royal3, y eut quelque temps après la rougeole', ne reçut ni devant ni après aucunes visites de cérémonie, différa tant qu'elle put, partit enfin, abrégea toutes ses journées, augmenta les séjours millions et demi, et le trousseau quinze cent mille livres. On peut croire qu'il y avait dans ces dires quelque exagération; néanmoins on écrivait à Mme de Balleroy (Les Correspondants, tome II, p. 122): « Le duché de Modène seroit, à ce qu'on dit, encombré de ce qu'elle emporte d'habits. » Voyez Édouard de Barthélemy, Les Filles du Régent, tome I, p. 369. Le contrat du mariage, dont un original signé par la Vrillière et Dubois comme notaires, existe aux Archives nationales (K 544, no 31) avec des copies manuscrites et imprimées, fournit des renseignements plus certains. Le Roi donnait à sa «< tante » trois cent mille écus, le duc d'Orléans son père quatre cent mille livres, dont la moitié en pierreries; elle apportait en outre pour quatre cent quatre-vingt-dix-huit mille huit cents livres de pierreries lui appartenant personnellement, dont le collier donné par le Roi et estimé deux cent mille livres. La dot, en lettres de change sur la Hollande et Gênes, ne fut achevée de payer qu'en 1738.

1. Il n'est pas parlé de ces dernières visites dans le Journal de Dangeau.

2. Gazette, p. 83-84; Mercure de février, p. 177-179; Gazette d'Amsterdam, no xv; Journal de Dangeau, p. 233; Les Correspondants de Balleroy, tome II, p. 121-122; Journal de Buvat, tome II, p. 27-29.

3. « Elle sortit par la porte de la Conférence et rentra par la porte Saint-Honoré », dit le correspondant de Mme de Balleroy.

4. Dangeau, p. 235, 236, 238, 240, 243 et 245; il semble qu'elle fut assez malade.

5. Tout ce membre de phrase de dix mots a été ajouté en interligne. Dangeau écrivait dès le 13 février: « Mme la princesse de Modène ne recevra point de visites chez elle en cérémonie. » Il y avait à cela des raisons de cérémonial.

6. On vient de voir que sa santé, et aussi celle de la duchesse de Villars-Brancas, - furent cause de ce retard.

et les allongea'. Elle reçut divers avis de M. le duc d'Orléans sur cette conduite, qui n'eurent pas grand effet, jusqu'à ce que, sur les plaintes réitérées du duc de Modène, le Régent envoya des ordres si absolus qu'ils firent doubler le pas2. Elle s'embarqua à Antibes, où la duchesse de Villars et les dames prirent congé d'elle et prirent le chemin du retour*.

Mme de Simiane, fille du comte de Grignan, chevalier de [Add. S-S. 1645] l'Ordre, et de la fille de Mme de Sévigné, si connue par son esprit et par ses lettres, et veuve du marquis de Simiane,

1. Elle quitta Paris le lundi 11 mars et alla coucher à Essonnes, séjourna à Fontainebleau un jour; puis, par Nemours et Montargis, elle gagna Nevers, s'y arrêta un peu et n'arriva à Lyon que le 15 avril, plus d'un mois après son départ; elle y resta neuf jours. Par Vienne et Avignon, qu'elle ne quitta que le 11 mai, elle atteignit Marseille le 21, et enfin s'embarqua à Antibes le 1er juin (Journal de Dangeau, p. 247-251, 258, 261, 271, 274, 277, 281, 289-290, 295 et 303; Gazette, p. 132; le Mercure de mars, p. 174-176, et la Gazette d'Amsterdam, nos xxv, XXIX, XXXIV, XXXVIII et XXXIX, qui donne beaucoup de détails). Édouard de Barthélemy dans les Filles du Régent (tome I, p. 373-411) a raconté les péripéties du voyage, d'après les correspondances des Affaires étrangères.

2. D'après Dangeau, p. 274, le Régent lui écrivit de se presser davantage; mais il n'est pas question de réclamation de la cour de Modène. Pendant ce long voyage d'ailleurs, son fiancé était allé, pour se distraire, passer le carnaval à Venise, où il resta six semaines (Gazette d'Amsterdam, no xxII et Extraordinaire XL).

3. Le 1er juin, et elle débarqua à Gênes le 3; elle y resta jusqu'au 10 au soir, et prit la route de terre pour arriver à Modène le 21 dans l'après-midi, où l'évêque donna dès le soir même la bénédiction nuptiale aux nouveaux époux (Dangeau, p. 303, 305, 307, 314 et 317; Gazette, p. 321 et 324; Gazette d'Amsterdam, nos LII, LIV et LVI, et Extraordinaire LIII).

4. Les dames conduisirent la princesse jusqu'à Gênes, où elle trouva ses dames italiennes. Mme de Bacqueville avait projeté d'aller passer quelques mois à Modène; mais elle eut ordre formel de revenir comme les autres. Mme de Villars, revenue en poste, arriva à Paris le 12 juillet (Dangeau, p. 305 et 320; Gazette d'Amsterdam, Extraordinaire LIII; Les Filles du Régent, p. 405-408).

5. Pauline Adhémar de Grignan (tome XXVI, p. 69), fille de

premier gentilhomme de la chambre1 de M. le duc d'Orléans, et lieutenant général de Provence après son beau-père', demeura en Provence et n'en revint plus. Mme [de] Goyon étoit fille de Mme des Bordes, qui avoit passé sa vie sousgouvernante des enfants et des petits-enfants de Monsieur, quoique femme d'un huissier de sa chambre ; mais elle avoit un vrai mérite, et, quoique le mari de sa fille ne fût qu'écuyer de la grande écurie, il ne laissoit pas d'être homme de qualité et de même nom que MM. de Matignon. D'ailleurs elle avoit été élevée auprès des filles de M. le duc d'Orléans, qui l'aimoient toutes beaucoup. Pour [Add S-S. 1646] Mme de Bacqueville, il n'y eut personne qui n'en fût Françoise-Marguerite de Sévigné (tome III, p. 77) et de François Adhémar de Monteil, comte de Grignan (tome XII, p. 287).

1. Les mots de la ch. ont été ajoutés en interligne.

2. Nous avons vu mourir en 1718 Louis, marquis de Simiane : tome XXXIII, p. 52.

3. Élisabeth-Bibiane d'Assigny était fille de Pierre d'Assigny, seigneur des Bordes, non pas huissier de la chambre de Monsieur, mais écuyer cavalcadour de son écurie en 1672 et, plus tard, gentilhomme de sa chambre, dont la femme, Henriette Cartor, dame des Bordes, fut en effet sous-gouvernante des enfants du second mariage de Monsieur. Elle épousa M. de Goyon (ci-dessous) le 26 juin 1710 et mourut le 15 septembre 1753. Ce des Bordes avait soutenu la queue du manteau de la duchesse de Berry lors de son mariage (notre tome XIX, p. 537).

4. Guillaume de Goyon, de la branche de Légoumar, très éloignée de celle des Matignon, était né le 5 juillet 1669, fut cornette de dragons dès 1689, et obtint en mars 1701 le petit gouvernement des Pontsde-Cé. En août 1710, il fut « retenu » comme écuyer ordinaire de la grande écurie, et mourut le 9 janvier 1732.

5. M. de Caumartin de Boissy ne l'estimait guère; il écrivait d'elle (Les Correspondants de Balleroy, tome II, p. 126): « Comme elle ne sera pas dans le carrosse, elle n'ennuiera pas la princesse. C'est une des sottes bégueules que je connoisse, qui, ne croyant rien de si grand qu'une charge d'écuyer cavalcadour du Roi, ne dit pas mot sans parler de l'écurie. »

6. Pulchérie de Châtillon, dont nous avons vu le mariage se faire en 1714 avec Jean-François Boyvin de Bacqueville: tome XXIV, p. 302. Très intime avec la princesse, elle eut sur elle une influence déplorable voyez les Filles du Régent, p. 392 et suivantes.

scandalisé. A la vérité, elle étoit fille du marquis de Châtillon, chevalier de l'Ordre, premier gentilhomme de la chambre de Monsieur, etc.; mais, comme elle n'avoit rien, on l'avoit mariée à ce Bacqueville, qui étoit riche, mais le néant. Son nom est Boyvin'. Son père, qui s'appeloit Bonnetot, étoit premier président de la chambre des comptes de Rouen, d'une avarice sordide, dont le père étoit un fermier, laboureur en son jeune temps, qui s'étoit enrichi au commerce des blés. Ce Bacqueville voulut être homme d'épée; son mariage lui valut un régiment. Il y montra de la valeur, mais tant d'avarice et de folies qu'il fut cassé. Il se brouilla bientôt avec sa femme, à qui il ne donnoit rien et qu'il accabloit d'extravagances, qui les fit séparer. Il n'en a pas moins fait depuis dans l'obscurité où il est tombé. Sa soeur avoit épousé Aligre, président à mortier, dont elle a été la seconde femme3. Je ne sais ce qu'on donna à ces dames pour leur voyage; la duchesse de Villars eut cent mille francs'. Son choix fut une nouveauté : jamais duchesse n'avoit conduit de princesse du sang. Cet honneur jusqu'alors avoit été réservé aux filles de France et aux petites-filles de France depuis qu'il y en eut; mais c'étoit la fille du Régent, qui venoit de faire duc et pair le beau-père de la duchesse de Villars, et son mari par conséquent, dont on a vu l'histoire ici en son lieu, et le duc de Brancas presque tous les soirs des soupers de M. le duc d'Orléans, et familièrement bien avec lui de toute sa vie. Madame la Grande-Duchesse, embrassant

1. Tout cela, et ce qui va suivre, a déjà été dit au tome XXIV, et répété dans le tome XXIX, p. 202.

2. Elle plaidait en séparation dès 1716.

3. Étienne IV d'Aligre (tome IV, p. 272), veuf en premières noces d'une fille du contrôleur général le Peletier, et en secondes de MarieAnne Fontaine des Montées, épousa en troisièmes noces Marie-Catherine Boyvin de Bonnetot, qu'il laissa veuve en 1725 et qui vivait encore en 1769.

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6. Marguerite-Louise d'Orléans, grande-duchesse de Toscane, reti

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Désordre

et de la

Banque de Law se manifeste

et produit

des suites les plus fâcheuses et infinies.

la princesse de Modène pour lui dire adieu : « Allez, mon enfant, lui dit-elle, et souvenez-vous de faire comme j'ai fait ayez un enfant ou deux, et faites si bien que vous reveniez en France; il n'y a de bon parti que celui-là. >> Leçon étrange, mais dont la princesse de Modène ne sut que trop bien profiter1.

:

Le système de Law tiroit à sa fin. Si on se fût contenté du Système de sa Banque, et de sa Banque réduite en de justes bornes et sages, on auroit doublé tout l'argent du royaume et porté une facilité infinie à son commerce et à celui des particuliers entre eux, parce que, la Banque toujours en état de faire face partout, des billets continuellement payables de toute leur valeur auroient été de l'argent comptant et souvent préférables à l'argent comptant par [Add SS. 1647] la facilité du transport. Encore faut-il convenir, comme je le soutins à M. le duc d'Orléans dans son cabinet, et comme je le dis hardiment en plein conseil de régence, quand la Banque y passa, comme on l'a vu ici alors2, que, tout bon que pût être cet établissement en soi, il ne pouvoit l'être que dans une république, ou que dans une monarchie telle qu'est l'Angleterre, dont les finances se gouvernent absolument par ceux-là seuls qui les fournissent et qui n'en fournissent qu'autant et que comme il leur plaît; mais, dans un État léger, changeant, plus qu'absolu, tel qu'est la France, la solidité y manquoit nécessairement, par conséquent la confiance, au moins juste et sage, puisqu'un roi, et sous son nom une maîtresse, un ministre, des favoris, plus encore d'extrêmes nécessités, comme celles où le feu Roi se trouva dans les années 1707, 8, 9 et 1710, cent choses enfin pouvoient

rée en France depuis 1675 (tome III, p. 59-60), et que nous verrons mourir en 1721.

1. Voyez le tome II des Filles du Régent, où le comte Éd. de Barthélemy raconte la vie de la princesse à Modène; il semble qu'il y eut plus de mésintelligence avec son beau-père qu'avec son mari.

2. Tome XXX, p. 91-92.

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