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Charles-Théodore', prince de Sulzbach par la mort de son père, en 1733, et devenu électeur palatin à la fin de 1742. C'est de ces alliances palatines dont le duc de Bouillon d'aujourd'hui cherche à s'appuyer, en se parant du nouvel ordre de l'électeur palatin3.

Tels ont été l'esprit et les vues constantes de cette branche de la maison de la Tour depuis que par l'usurpation de Sedan elle a tâché sans cesse de se séparer de son être, de ne vouloir plus faire partie de la noblesse françoise, et de démentir son origine et leurs pères, qui de cette origine ont tiré tout leur honneur et leur lustre, qui ont vécu parmi elle sans prétention, qui se sont toujours glorifiés d'être sujets de nos rois. Les réflexions sur tout cela se présentent en foule et bien naturellement d'elles-mêmes.

Encore un mot sur l'abbé d'Auvergne. Lorsque l'abbé de Castries, sacré archevêque de Tours, passa peu après à l'archevêché d'Albi, l'abbé d'Auvergne eut celui de Tours. L'abbé de Thésut, secrétaire des commandements de M. le duc d'Orléans, qui avoit alors la feuille, travaillant avec ce prince, fit un cri épouvantable quand il entendit cette nomination, dont il dit son avis par l'horreur qu'elle lui fit. Le Régent convint de tout, y la résidence habituelle des princes de Sulzbach. Saint-Simon, comme le Moréri, écrit Hippolstein.

1. Saint-Simon a écrit en abrégé Ch.-Ph., par erreur.

2. Tome XX, p. 68; il avait dit alors qu'il allait hériter de l'électeur palatin, parce qu'il écrivait avant la mort de ce prince (31 décembre 1742).

3. Sans doute l'ordre de Saint-Hubert, créé en 1708 par l'électeur Jean-Guillaume-Joseph.

4. Son corrige leur avant origine; mais la correction n'a pas été faite avant pères.

5. Déjà dit dans le tome XXXVI, p. 372, où l'anecdote qui va suivre a été sommairement racontée.

6. La feuille des bénéfices. L'abbé de Thésut eut en juin 1721 une exspectative de conseiller d'État ecclésiastique: reg. 01 63, fol. 129 vo et 173.

Abbé d'Auvergne ; comment fait archevêque de Tours, puis de Vienne

Comte

ajouta même le récit d'aventures de laquais fort étranges
et assez nouvelles, et, comme cet énorme genre de
débauche n'étoit pas la sienne, il avoua à Thésut qu'il
avoit eu toutes les peines du monde à faire l'abbé d'Au-
vergne évêque, mais qu'il en étoit depuis longtemps si
persécuté par les Bouillons, qu'il falloit à la fin se rédimer1
de vexation. Thésut insista encore, puis écrivit la nomina-
tion sur la feuille en haussant les épaules. C'est lui-même
qui me raconta ce fait deux jours après. Cela n'a pas
empêché peu après la translation de l'abbé d'Auvergne,
sacré archevêque de Tours, à l'archevêché de Vienne,
qu'il aima mieux'. Tel fut le digne choix du cardinal
Fleury pour la pourpre
à la nomination du Roi, dont
le scandale fut si éclatant et si universel, que le cardinal
Fleury n'en put cacher sa honte. On se contentera ici de
ce mot pour achever de présenter la fortune de l'un et
montrer le digne goût de l'autre, parce que cette promo-
tion dépasse les bornes de ces Mémoires.

Le comte Stanhope, ministre d'État fort accrédité du à Paris. Paix roi d'Angleterre, dont il a été fait si souvent mention

Stanhope

1. «Se rédimer, se racheter, se délivrer. Il se dit principalement en parlant des poursuites judiciaires, et des vexations qu'on fait à quelqu'un » (Académie, 1718).

2. L'abbé d'Auvergne, nommé à l'archevêché de Tours en novembre 1719, n'était pas encore préconisé, lorsque l'archevêque de Vienne, François Berton des Balbes de Crillon, vint à mourir le 30 octobre 1720. Il demanda aussitôt à lui succéder et obtint la nomination du Roi le 9 janvier 1721; mais il ne fut sacré que le 10 mai 1722 et ne vint prendre possession de son siège qu'en août suivant.

3. L'archevêque de Vienne fut nommé cardinal dans le consistoire du 10 décembre 1737, et prit le nom de cardinal d'Auvergne, comme on l'a déjà dit.

4. Lors de la promotion, le duc de Luynes en parle discrètement dans ses Mémoires (tome I, p. 484-435); mais l'avocat Barbier (Journal, édition Charpentier, tome III, p. 118), moins réservé, dit que le nouveau cardinal est «< véhémentement soupçonné du libertinage romain ».

5. Saint-Simon avait d'abord écrit monstrer; il l'a remplacé par présenter, lorsqu'il s'est aperçu de la répétition.

dans ce qui a été rapporté ci-devant d'après Torcy sur les affaires étrangères', vint de Londres conférer avec l'abbé Dubois et M. le duc d'Orléans à l'occasion de la paix où l'Espagne ne tarda pas d'accéder dès qu'Alberoni fut chassé3. Cette grande démarche fut même accom1. Voyez nos tomes XXXII, XXXIII et XXXIV.

2. Le comte Stanhope arriva à Paris le 8 janvier et eut des entretiens fréquents avec Dubois et avec le Régent (Dangeau, p. 203, 204 et 206; Gazette d'Amsterdam, no vi, de Londres, vII et vIII, de Paris). C'est à propos de son arrivée que Saint-Simon a fait au Journal de Dangeau l'Addition qui a été placée dans notre tome XVIII en regard de la page 49, sous le no 894. Le ministre anglais repartit le 19 ou le 20 janvier, très satisfait de son voyage. Le Régent lui avait fait un cadeau de vins de Bourgogne et de Champagne (Dangeau, p. 210; Gazette d'Amsterdam, no viii et Extraordinaire IX).

3. Saint-Simon ne reviendra pas sur la paix conclue avec l'Espagne; il convient donc d'en résumer les phases. Dès le 3 janvier, Philippe V écrivait aux États-Généraux des Provinces-Unies pour déclarer qu'il adhérait à la Quadruple alliance et donnait pleins pouvoirs à son ambassadeur Beretti-Landi pour signer en son nom, moyennant l'adoption des onze conditions dont il joignait l'énoncé à sa lettre. Ces conditions, apportées à Paris le 16 janvier, parurent exorbitantes de la part d'un vaincu. Stanhope, alors à Paris, signa avec Dubois la déclaration du 19 janvier, qui les repoussait et demandait une acceptation pure et simple. Dubois écrivait en même temps deux lettres conformes à l'abbé Landi et au marquis Scotti, ministres de Parme à Paris et à Madrid, et Schaub fut envoyé en Espagne pour y porter ces documents. Philippe V, dès son arrivée, reconnaissant son erreur, signa le 26 janvier l'acceptation des conditions de la convention de Londres du 18 juillet 1718, et donna pleins pouvoirs à Beretti. La nouvelle en parvint à Paris dès le 3 février, et, le 17, Beretti signait à la Haye, avec les plénipotentiaires des quatre puissances, l'instrument qui mettait fin à la guerre, et qui fut régularisé par le traité de Madrid, 13 juin 1721. Tous les documents que nous venons d'énoncer furent publiés par la Gazette d'Amsterdam, nos x et XIII, et Extraordinaires VIII, IX, X et XIII, et les derniers se trouvent dans le Corps Diplomatique de Du Mont, tome VIII, deuxième partie, p. 17, 26 et 33-36; voyez aussi le Journal de Dangeau, p. 207, 209, 218, 224, 225 et 227; Baudrillart, Philippe V et la cour de France, tome II, p. 400-402; Dom H. Leclercq, Histoire de la Régence, tome II, p. 382-383, et les correspondances du Dépôt des affaires étrangères, Espagne, Correspondance diplomatique, vol. 294, et Mémoires et documents, vol. 142.

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d'Espagne. Grimaldo

supplée

presque

en tout aux fonctions de premier

ministre d'Espagne

sous le titre de secrétaire des Dépêches Sa fortune, son caractère.

universelles.

[Add. S*S. 1642]

pagnée d'une lettre très amiable1 du roi d'Espagne au Régent, en sorte que la bonne intelligence parut rétablie. La place de premier ministre d'Espagne ne fut point remplie. Alberoni en avoit dégoûté Leurs Majestés Catholiques, et leurs sujets exultèrent de n'en avoir plus; mais elle fut en quelque sorte remplacée sans titre et sans puissance personnelle par un homme qui doucement en fit toutes les fonctions d'une manière plus agréable3, c'est-àdire qu'il fut comme le seul qui travaillât avec le roi sur toutes les matières des autres bureaux, dont les secrétaires d'État lui envoyoient les affaires qui se devoient rapporter, à qui il les renvoyoit avec l'ordre du roi sur chacune. Ainsi les autres secrétaires d'État travailloient; c'étoit à eux qu'on s'adressoit pour les affaires de leur département; la direction et le détail leur en demeuroit; mais ils n'alloient au roi presque que par Grimaldo', hors des occasions fort rares, et c'étoit toujours à lui à qui il en falloit dire un mot, et tâcher de l'avoir favorable, après avoir sollicité les autres secrétaires d'État, chacun selon que l'affaire le regardoit, et qu'elle étoit envoyée à Grimaldo pour en parler au roi.

Ce Grimaldo étoit un Biscayen de la plus obscure naissance et d'une figure tout à fait ridicule et comique, surtout pour un Espagnol ; c'étoit un fort petit homme blond comme un bassin, gros et fort pansu, avec deux petites mains appliquées sur son ventre, qui, sans s'en décoller, gesticuloient toujours, avec un parler doucereux, des yeux bleus, un sourire, un vacillement de tête qui don

1. Adjectif déjà rencontré dans le tome IV, p. 233.

2. Nous ne connaissons pas le texte de cette lettre, qui sans doute ne nous est pas parvenue.

3. Agreable est en interligne, au-dessus de douce, biffé.

4. Joseph Guttierez, titré marquis Grimaldo: tome VIII, p. 156.

5. Dans l'Addition indiquée ci-contre, il avait dit plus clairement :

<< blond comme un bassin de vermeil »>.

6. Saint-Simon écrit pensu, et plus loin doucerreux; ces deux mots sont dans l'Académie de 1718.

noient l'accompagnement du visage à son ton et à son discours, avec beaucoup d'esprit; il l'avoit très fin, très adroit, très insinuant, très politique, bas et haut à merveilles, suivant ce qui lui convenoit et à qui il convenoit, et avoit l'art de ne s'y point méprendre. La première fois que le duc de Berwick, qui me l'a conté, fut en Espagne, on le lui voulut donner pour secrétaire espagnol, et il l'auroit pris s'il eût su l'espagnol, dont il ne savoit pas un mot alors, ou si Grimaldo eût entendu tant soit peu le françois1. Hors d'espérance de cette condition, il en chercha une autre, et il entra commis dans les bureaux d'Orry avant qu'Orry fût devenu homme principal en Espagne. Il goûta Grimaldo par son esprit et sa douceur, plus encore parce qu'il le trouva net et infatigable au travail, fécond en ressources, et ne se rebutant jamais de rien. Ces qualités le portèrent à la tête d'un des bureaux de son maître, et ce bureau crût en commis sous lui et en affaires, à mesure qu'Orry crût en autorité et en puissance. Orry le fit goûter et connoître à la princesse des Ursins, et par eux2 du roi et de la reine, approché d'eux,

et peu à peu admis à travailler avec eux au lieu d'Orry, quand celui-ci n'en avoit pas le temps ou ne vouloit pas le prendre. De là il parvint à être secrétaire d'État avec le département de la guerre, où il n'avoit rien à faire qu'à recevoir et à exécuter les ordres d'Orry et de Mme des Ursins, auxquels il faut dire à son honneur qu'il demeura fidèle à tous les deux après leur chute, et à leurs amis et créatures tant qu'il a vécu. Dans une telle dépendance, on peut juger qu'il fut un des premiers dont Alberoni se défit, et qu'il ne le laissa pas rapprocher tant qu'il fut le maître. Dans cette espèce d'exil, Grimaldo, tou

1. Dans la suite des Mémoires, tome XVII de 1873, p. 347, il dira que Grimaldo entendait parfaitement le français, mais ne le voulait pas parler. 2. Et il le fut par eux.

3. En 1705, lorsque ce département fut érigé en secrétairerie d'État. 4. Notre auteur avait dit le contraire en 1717 (notre tome XXXI,

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