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des filles de qualité

avec

des vilains.

comme on l'a vu ici en son temps, de tous les biens de sa maison par la mort de ses deux frères sans alliance, tués tous deux à la bataille de Fleurus'. A ces grands biens il en venoit d'ajouter de plus considérables depuis [Add SS. 1639] peu d'années par l'héritage entier de tous ceux du président de Maisons. Ce Soyecourt en masque et vilain en effet étoit donc extraordinairement riche et avoit de très belles terres3. Mme de Feuquières, veuve de celui qui a laissé de si bons Mémoires de guerre', avoit des affaires si délabrées, qu'elle avoit été réduite à se mettre ainsi en condition pour vivre, et pour une protection qui lui aidât à débrouiller les biens de la maison d'Hocquincourt, dont elle étoit la dernière et l'héritière, et ceux de la maison de Pas, dont sa fille étoit aussi la dernière et l'héritière, le frère de son père étant cadet, qui avoit épousé la fille de Mignard, peintre célèbre, pour sa beauté, qui avoit plus de quatre-vingts ans, et qui n'avoit point eu d'enfants. Il y avoit de grands restes, et bons, dans ces deux succes

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1. C'est dans le tome XX, p. 250-251, que notre auteur a parlé du mariage de Marie-Renée de Belleforière de Soyecourt avec M. de Boisfranc et de la mort prématurée de ses deux frères, le marquis et le chevalier de Soyecourt. Il y avait une autre sœur, Mme de la Chesnelaye, morte jeune sans enfants.

2. Ce n'est qu'en 1732, à la mort du fils enfant du dernier Maisons (tome XXVII, p. 166) que la vieille Mme de Boisfranc (et non son mari, mort dès 1695) hérita des grands biens des Longueil. Elle était fille en effet de Marie-Renée de Longueil, fille elle-même du surintendant de Maisons.

3. Notamment celle de Tilloloy, venant des Belleforière, « une maison royale », disait Mme de Sévigné.

4. Antoine de Pas, marquis de Feuquières (tome I, p. 243), dont les Mémoires ont déjà été cités avec éloge (tomes X, p. 94-95, et XX, p. 247).

5. Jules de Pas, comte de Feuquières, qui ne mourut qu'en 1741 : tome III, p. 33.

6. Catherine-Marguerite Mignard: tomes II, p. 282, et III, p. 33. Elle ne mourut qu'en 1742, à quatre-vingt-cinq ans selon le Dictionnaire de Jal, à quatre-vingt-dix, d'après la Gazette, p. 78. En 1720, son mari n'avait que soixante-six ans environ.

sions; mais il falloit du temps, de la peine, du crédit, de l'argent pour les liquider et en jouir, et c'est ce qui faisoit, en attendant, mourir de faim Mme et Mlle de Feuquières, et la marier comme elle la fut. Ainsi ce Seiglière, car c'étoit le nom de la famille de ce faux Soyecourt', joignit encore les biens de ces deux maisons à ceux dont il avoit déjà hérité. On le marque encore ici, à dessein de montrer de plus en plus le désastre, l'ignominie, la déprédation des mésalliances si honteuses des filles de qualité dont on croit se défaire pour leur noblesse sans leur rien donner, et dont le sort ordinaire est de porter tous les biens de leurs maisons, dont elles deviennent héritières par une punition marquée, à la lie qu'on leur a fait épouser en victimes de la conservation de tous ces biens à leurs frères, qui meurent sans postérité. Pour rendre complet le malheur de ce mariage, Soyecourt, avec de l'esprit, de la figure, de l'emploi à la guerre, se perdit de débauches, de jeu, de toutes sortes d'infamies, tellement que, de juste frayeur des arrêts qui le pouvoient conduire au gibet, il sortit de France peu d'années après, se cacha longtemps dans les pays étrangers, et mourut enfin en Italie3, au grand soulagement de sa femme, de ses enfants et de MM. de Gesvres".

1. Sur les Seiglière de Boisfranc, voyez notre tome XX, p. 250, note 6. 2. Réflexions déjà faites dans le tome XX, p. 251, et répétées au tome XXII, p. 223.

3. Il mourut à Venise ou à Gênes, le 25 mars 1738.

:

4. Outre Louis-Armand, nommé dans le tome XX, p. 251, M. de Soyecourt laissait deux autres fils Antoine-Adolphe de Seiglière, titré marquis de Feuquières, né le 10 mai 1723, major du régiment de cavalerie Dauphin-étranger, grand bailli d'épée et lieutenant général de Picardie, et Joachim-Charles, comte de Soyecourt, capitaine de dragons, qui périt sur l'échafaud révolutionnaire le 23 juillet 1794.

5. Ses cousins ci-dessus, p. 138, note 5. Saint-Simon n'a pas reproduit ici la fin de l'Addition à Dangeau indiquée ci-contre (no 1638), où il déplorait le mariage du fils aîné de ce Soyecourt avec Mlle de Saint-Aignan en 1736; voyez à ce sujet le passage des Mémoires du duc de Luynes, tome I, p. 84.

Mort du comte de Vienne;

son caractère,

Le comte de Vienne mourut assez subitement dans un âge peu avancé1. C'étoit un fort honnête homme, qui avoit de l'esprit et de la grâce, qui étoit fort du monde, au contraire de son frère aîné le marquis de la Vieuville, son extraction. dont la femme étoit dame d'atour de Mme la duchesse de Berry. Leur nom est Coskaer3; ils sont Bretons, et rien moins que des la Vieuville de Flandres, dont ils ont pris le nom et les armes, qu'ils ont avec raison trouvés meilleurs que les leurs; on en a parlé ailleurs'. Le comte de Vienne n'eut point d'enfants de sa femme, dont il portoit le nomo, et qu'on [a] vu, il n'y a pas longtemps ici, qu'il avoit perdue subitement".

Le prince de Murbach mourut en même temps vers Cologne. Il étoit frère de Mme de Dangeau, bien fait et de bonne compagnie; il avoit fait plusieurs séjours à la cour; il avoit force bénéfices et étoit riche. Le nom qu'il

1. Charles-Emmanuel Coskaer de la Vieuville, comte de Vienne, né le 25 juillet 1656, fut mestre-de-camp du régiment de cavalerie du Roi, mais s'en défit en 1693 pour raison de santé, ayant été nommé chevalier de Saint-Louis l'année précédente (Dangeau, tome IV, p. 195 et 273; Mémoires de Sourches, tome IV, p. 142, 192, 196 et 300). II mourut le 17 janvier, et Dangeau n'annonce sa mort que le 24 (p. 248); il avait soixante-trois ans.

2. René-François, marquis de la Vieuville (tome XIX, p. 341), et Marie-Louise de la Chaussée-d'Eu d'Arrest (tome IV, p. 319).

3. Saint-Simon écrit ici Coksheart.

4. Dans le tome XIX, p. 342-343; voyez la note 11 de la page 342. 5. Marie-Anne Mitte de Chevrières : tome XXV, p. 119.

6. Le nom de Vienne ne venait pas de sa femme, mais de sa mère, Françoise de Vienne, comtesse de Châteauvieux et de Confolens. C'est leur fils qui prit le nom de Saint-Chamond, terre patrimoniale des Mitte de Chevrières.

7. En 1714 tome XXV, p. 119.

8. Philippe-Éberhard de Levenstein (tome VII, p. 94, et note 2) mourut le 19 janvier dans son abbaye de Murbach en haute Alsace (Dangeau, p. 221; Gazette d'Amsterdam, Extraordinaire XI, lettre de Cologne du 2 février; Gallia christiana, tome XIII, col. 892).

9. Il était abbé de Lure (unie à Murbach) et de Gorze, et grand doyen de Strasbourg.

Mort du prince de Murbach.

[Add. S'S. 1640]

Mort de

l'impératrice mère, veuve

de l'empereur Léopold;

son deuil et

son caractère

portoit étoit celui de son abbaye commendataire de Murbach, qui donne titre de prince de l'Empire', mais qui en France n'opère aucun rang.

L'Impératrice mère, veuve de l'empereur Léopold et sœur de l'électeur palatin, etc., mourut à Vienne d'apoplexie, qui fut un deuil de six semaines pour le Roi'. C'étoit une princesse fort haute et fort absolue dans sa cour et dans sa famille, qui avoit eu un grand crédit sur l'esprit de l'empereur Léopold, et plus encore sur celui de l'Empereur son fils, ce qui lui avoit donné et conservé une grande considération. Sa prédilection de tout temps marquée pour ce prince son second fils, et l'humeur impétueuse de l'empereur Joseph, son fils aîné, l'avoit fort écartée sous son règne. Elle étoit haute, fière, altière, grossière avec de l'esprit ; elle aimoit et protégea tant qu'elle put sa maison, et fut toujours fort opposée à la France. Sans être du conseil, elle entra fort dans les affaires, excepté pendant le régne de l'empereur Joseph, et y donna un grand crédit à l'électeur palatin', même à ses autres frères.

1. Notre tome VII, p. 94, note 1. Saint-Simon écrit Murbach et Murback.

2. Éléonore-Madeleine-Thérèse de Bavière-Neubourg mourut le 19 janvier 1720 (c'est par erreur qu'on a imprimé 17 février dans notre tome III, p. 305, note 4); elle avait eu une attaque d'apoplexie le 31 décembre (Gazette, p. 38-39, 52 et 63-65; Journal de Dangeau, p. 222; Gazette d'Amsterdam, nos VI-IX et Extraordinaire x ; le n° XI contient l'énumération de ses neuf enfants et de ses seize frères et sœurs; Mercure de février, p. 135-137).

3. Le baron de Pentenrieder, ambassadeur impérial, donna part officielle de la mort de l'impératrice le 20 février, et le Roi prit le deuil le 25 (Dangeau, p. 238 et 240).

4. Le maréchal de Villars, qui fut ambassadeur à Vienne en 1698, confirme ce portrait (Mémoires, tome I, p. 202).

5. Déjà dit dans notre tome VI, p. 2-3.

6. Cependant les instructions données au comte du Luc en 1715 disent que l'Empereur (Charles VI) ne laisse «< nul crédit à l'Impératrice sa mère » (Recueil des instructions données aux ambassadeurs: Autriche, p. 165).

7. Deux de ses frères furent successivement électeurs palatins pen

Le cardinal de la Trémoïlle mourut à Rome', assez méprisé et à peu près banqueroutier. Il avoit pourtant des pensions du Roi, et les fortes rétributions attachées au cardinal chargé des affaires du Roi, le riche archevêché de Cambray, et cinq abbayes, dont deux fort grosses, SaintAmand et Saint-Étienne de Caen. Son ignorance, ses mœurs, l'indécence de sa vie, sa figure étrange, ses facéties déplacées, le désordre de sa conduite, ne purent être couvertes par son nom, sa dignité, son emploi, la considération de sa fameuse sœur la princesse des Ursins, quoique raccommodé avec elle par sa promotion, qu'elle avoit arrachée. C'étoit un homme qui ne se soucioit de rien, et qui pourtant craignoit tout, tant il étoit inconséquent, et qui, pour plaire ou de peur de déplaire, n'avoit sur rien d'opinion à lui. On a assez parlé ici de lui, en d'autres endroits, pour n'avoir rien à en dire davantage.

Б

Mort du cardinal de la Trémoïlle.

Etrange friponnerie, et bien effrontée de l'abbé d'Auvergne pour lui

escroquer son de Cambray.

archevêché

Sa mort me fait réparer un oubli qui mérite de trouver [Add. SS. 1641]

dant son règne et celui de ses fils : Jean-Guillaume, mort en juin 1716, et Charles-Philippe, qui lui succéda.

1. Le 9 janvier; il n'était malade que depuis trois jours et n'avait que soixante et un ans; ses obsèques se firent le 13 à Saint-Louis-desFrançais, où on lui éleva un monument avec son buste en marbre (Gazette, p. 47, 55-56 et 68; Dangeau, p. 210-211; Journal de Buvat, tome II, p. 5; Gazette d'Amsterdam, n° x; Mercure de janvier, p. 165).

2. Buvat (Journal, tome II, p. 18) dit qu'il laissa cinq cent mille livres de dettes. Il y a aux Archives nationales, carton G7543, deux lettres du duc de Noirmoutier, son frère, au contrôleur général, qui montrent sa situation pécuniaire comme très embarrassée en 17081709; voyez aussi A. Geffroy, Lettres de la princesse des Ursins, p. 337-338.

3. Nous connaissons déjà ces deux abbayes: tome XX, p. 69 et 89; les trois autres étaient Sorrèze, Bonnecombe et Grandselve.

4. Voyez le portrait déjà fait dans notre tome XIII, p. 68-69, et celui qu'a tracé Albert Le Roy dans la France et Rome de 1700 à 1715, p. 205-207; Maurepas parle de lui dans ses Mémoires, tome I, p. 63-67.

5. Il y a bien couvertes, au féminin pluriel, dans le manuscrit. 6. Tome XIII, p. 69-72 et 243-244.

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