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l'efprit des Navigateurs a dirigé fes recherches vers cette pofition du globe, qui eft entre la pointe méridionale du Nouveau-Monde, le Cap de Bonne-Espérance, & le pole Auftral. Les différentes expéditions qu'on a faites pour reconnoître le continent qu'on fuppofoit dans ces parages, n'ont pas acquis toute la célébrité qu'elles auroient pu mériter, & la géographie n'en a pas retiré beaucoup de lumieres. La nation qui domine fur les mers vient de fuivre les mêines vues avec plus de fuccès; & les quatre voyages autour du monde, qu'ont exécutés les Anglois en fix ans, annoncent d'une maniere bien frappante les progrès de la navigation.

Les trois premiers. ont été fort utiles, mais le quatrieme, qu'on peut appelier une expédition vraiment philofophique, fera très-mémorable aux yeux de la polérité. Les noins de Cook, de Banks & de Solander feront fameux dans l'histoire des voyages, & l'on dira peut-être qu'il étoit plus facile de découvrir l'Amérique fituée au bout de notre Europe, que d'aller examiner les immenfes pays qu'ils ont parcourus.

Il n'eft pas poffible de dire dans un extrait, combien ils ont enrichi la philofophie morale, l'hiftoire naturelle & la géographie. La préface des Traducteurs expofe quel étoit l'état de cette derniere fcience avant les voyages que nous annonçons, & jufqu'où ils l'ont perfectionnée.

Les Navigateurs qui avoient parcouru la mer du Sud, n'avoient pas pu déterminer si la

Nouvelle Guinée & la Nouvelle Hollande ( 13 ne formoient qu'un feul Pays, ou fi c'étoient deux contrées féparées. On croyoit que la Nouvelle Bretagne étoit une feule Ifle. La côte Orientale de la Nouvelle Hollande étoit abfolument inconnue. On ne connoiffoit guere de la Nouvelle Zelande, que le petit canton où débarqua Tasman, & qu'il appella baye des Assassins, & l'on fuppofoit d'ailleurs, que cette région faifoit partie du continent méridional. Les cartes plaçoient dans l'Océan pacifique des Ifles imaginaires, qu'on n'a point trouvées, & elles repréfen toient comme n'étant occupés que par la mer, de grands efpaces où l'on a découvert plufieurs Ifles enfin, les Phyficiens penfoient que depuis le degré de latitude Sud, auquel les Navigateurs s'étoient arrêtés, il pouvoit y avoir jufqu'au pole auftral uti continent fort étendu.

,, Les Anglois, dans les quatre voyages qu'ils viennent de faire, ont reconnu que la côte orientale de la Nouvelle Hollande, appellée par eux Nouvelle Galles méridionale, étoit un pays beaucoup plus grand que l'Europe; & le Capitaine Cook a déterminé avec précision le gifement des côtes. La Nouvelle Bretagne eft composée de deux Ifles, & ces deux Ifles font féparées par un canal nommé canal St. Georges. On a fait le tour de la Nouvelle Zelande, & la carte qu'on en a dreffée, ne peut être plus exacte que celle de

(1) Au lieu de Nouvelle Zelande, il faut lire Nouvelle Hollande.

certaines côtes d'Europe. Quelques Auteurs avoient pensé que de l'Ifle de George III à la Nouvelle Zelande, il pouvoit y avoir un continent le Capitaine Cook affure qu'ils fe font trompés; mais on y a découvert un grand nombre de petites Ifles. Quant au continent méridional, il eft démontré qu'il n'y en a point au Nord du quarantieme degré de latitude Sud; nos Navigateurs n'ofent pas affurer également qu'il n'y en ait pas un au Sud de ce quarantieme degré. Le dernier voyage, fans avoir entiérement réfolu la question, a réduit à.un fj petit espace l'unique portion de hemifphere méridional où pouroit fe trouver ce continent., qu'il Teroit fâcheux qu'on ne fit pas une nouvelle teirtative pour s'affurer de la vérité..:

Nous ne parlerons ici que da dernier voyage le plus intéreffant de la collection.

L'Endeavour, monté par le Capitaine Cook, MM. Banks & Solander, & les autres Obfervateurs qui les accompagnoient, partit de Plimouth le 26 Août 1768. Comme ils avoient ordre d'aborder promptement à l'Ile d'Otahiti, pour y obferver le paffage de Vénus au deffus du difque du foleil, & faire enfuite des découvertes dans la mer du Sud, ils fe hâterent d'arriver à leur deftination. Nous ne devons pas omettre deux faits qui feront une preuve des obftacles fans nombre & de toute efpece, qu'ont eu à combattre nos philofophes dans leur expédition. Lorfqu'ils furent fur les côtes du Bréfil, ils voulurent

relâcher à Rio-Janeiro, pour y prendre des rafrafchiffemens, & examiner l'état du pays & fes productions naturelles. Le Vice-Roi permit au Capitaine d'acheter des provisions pour fon équipa ge; mais il défendit à MM. Banks & Solander & aux autres Anglois, de débarquer. Ils parlerent en vain du motif de leur voyage, le Portu gais fut inflexible; il les regardoit comme efpions, & il s'embarraffoit fort peu du progrès des fciences. MM. Banks & Solander voulurent employer des ftratagêmes & des déguifemens pour péné trer dans la campagne; mais ils apprirent bientôt qu'ils étoient pourfuivis par les patrouilles du pays, & qu'on avoit faifi quelques-uns de leurs compagnons de voyage.

Au lieu de paffer le détroit de Magellan, ils doublerent le Cap de Horn, & pendant qu'ils. étoient fur les côtes de la Terre de Feu, il leur arriva un accident, trifte préfage des maux qui les attendoient dans le courant de leur voyage. MM. Banks & Solander virent, une montagne dans l'intérieur des terres, & ils réfolurent d'y aller chercher des plantes. Ils fe mirent en rou te, fuivis du Chirurgien de l'équipage, de Mr. Gréen l'Aftronome, de deux Deffinateurs, de leurs Domeftiques & de deux Matelots. Ils trouverent un terrein marécageux couvert de buiffons fi bien entrelacés les uns dans les autres. qu'il étoit impoffible de les écarter pour s'y frayer un paffage. Le tems devint très-froid tout-àGoup; il tomba de la neige, & la nuit les furprit.

Il leur étoit impoffible de retourner au vaiffeau, & ils n'eurent plus d'efpoir que de trouver un abri où ils puffent allumer du feu & attendre le lendemain dans cet état cruel. Ils crurent appercevoir un lieu convenable pour cela, & chacun s'efforça de s'y trainer. La plupart tomberent bientôt fur la neige fans pouvoir fe relever; ceux qui étoient les moins engourdis prirent les devans, afin de préparer le feu, & d'autres s'emprefferent de donner du fecours aux malades. Enfin, deux hommes furent trouvés morts le lendemain, & ils coururent tous le plus grand danger de périr de faim & de froid dans cette forêt.

Nos voyageurs arriverent à Otahiti le 10 Avril 1769. Ils y ont féjourné trois mois, & ils ont employé tout ce tems à faire des obfervations fur les mœurs & les ufages du peuple qui l'habite. Ces Infulaires vivent dans un climat & fur un fol qui les met au deffus du besoin des arts, & d'après tout ce qu'on en a rapporté, on eft forcé de penfer que c'eft le peuple le plus fortuné de la terre. La fituation où ils fe trouvent eft véritablement l'état de nature tel qu'il peut exifter fur le globe; & fi nous avions paffé par cet état avant de nous policer, on auroit lieu de regretter, avec M. Rouffeau, notre ancienne barbarie. Les partifans de cet éloquent Philofophe ne manquerons pas de citer les Otahitiens pour appuyer leur fyftême; mais on peut répondre d'avance, que les circonftances réunies en leur

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