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que la pensée étoit Bellence de l'ame raifonnable; il ne pouvoit donc attribuer cette faculté à la matiere; il ne pouvoit admettre les fenfations dans les brutes, fans leur accorder la penfée. Il fe trouva donc réduit à leur retrancher jufqu'au fentiment.

Je dois dire auffi que l'opinion de Pereyra fut vivement combattue en Espagne par le célebre François Valles, premier Médecin de Philippe II, dans un Ouvrage qui a pour titre la Philofophie Sacrée. Cet Ouvrage vous eft fans doute connu; il fut imprimé à Paris au commencement du dernier fiecle, & dédié au fameux Gui-Patin, avec un autre Ecrit du même Auteur Espagnol, intitulé, la Méthode de guérir. Mais ce qu'il eft poffible que vous ignoriez, c'eft le peu d'accueil qu'on fit en Espagne au Systême de Pereyra, qui fut enfuite reçu avec tant d'applaudiffemens dans toute l'Europe. Un Anonyme Espagnol publia dès l'année 1556 un petit livre intitulé, Endécalogue contre l'Antoniana Margarita. C'étoit deux ans après que cet Ouvrage eut paru. L'Anonyme prit le ton de la plaifanterie pour le combattre, & ce ton eft prefque toujours le meilleur dans certains cas. Le défenfeur des Animaux introduit & fait parler dans fon Endécalogue le Singe, la Chauve-Souris, le Crocodile, le Lion* & d'autres Oifeaux ou Quadrupedes qui citent Pereyra au Tribunal de Jupiter. Là ils fe plaignent de ce que l'Espagnol a voulu enlever à chacun d'eux plufieurs facultés qui leur font très-précieu

fes; telles que le fentiment, la foupleffe, l'adreffe, le courage, & fur-tout l'appétit dont ils jouiffent de tems immémorial. Ils choififfent des Avocats pour détailler leurs moyens, & Jupiter bien inftruit prononce en leur faveur.

Il faut avouer, Meffieurs, que le Jugement des Voyelles dans Lucien a pu faire naître à notre Anonyme l'idée de fon ouvrage. Il y a trouvé prefque toute tracée la route qu'il a suivie. J'ai encore une autre remarque à faire fur ce Dialogue du Philofophe Grec. M. Davis, qui a donné en 1743 à Amfterdam, une magnifique édition de Lucien, dit dans fes notes, en parlant de ce même Dialogue, que perfonne ne s'eft encore avifé de faire la moindre attention à la raillerie fine qui regne dans ce morceau. M. Davis auroit pensé tout autrement fi nos ouvrages Efpa gnols étoient mieux connus des Etrangers: il auroit fu, dis-je, que Jean-Baptifte Monllor avoit fait imprimer à Valence, en 1554, un excellent Difcours fur l'Entelechia d'Ariftote, où expliquant avec ce même Philofophe ce que ce mot fignifie lorfqu'il eft écrit avec un D, & remarquant avec Cicéron ce qu'il exprime lorfqu'on l'écrit avec un T, il n'oublie ni la querelle entre ces deux Lettres, rapportée par Lucien, ni l'agrément qu'il a jetté dans cette difcuffion. J'ajouterai que ce Difcours de Monllor qui femble ne porter que fur un fujet affez frivole, eft peut-être un chefd'œuvre d'érudition & de génie.

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Madrid le 15 Mai 1774.

Enfayos Sobre los medios, &c. Effais fur les moyens de remédier aux défauts des Pierres précieuses, &c. Par DON VINCENT TEXIDOR, Profeffeur d'Hiftoire Naturelle, 1 vol. in-12. A Barcelone, 1774.

L'Auteur nous apprend lui-même, ce qui l'a

déterminé à écrire fur cette matiere. Il fut nom. mé, il y a quelque tems, Légataire univerfel de Tobie Vander Haffell, qui avoit fait long-tems le commerce de bijoux à la Cour de Madrid. Il trouva parmi les porte-feuilles qu'on lui remit, différens Mémoires fur le Commerce des Pierres précieufes, tous de la compofition de M. Vander Haffell. Son ftudieux légataire les lut avec la plus grande attention, & de l'ensemble de tous ces Mémoires, il compofa l'effai qu'il fe propose de publier. L'Ouvrage eft divifé en fix articles & chaque article en autant de paragraphes.

Il est précédé, en outre, d'un Dicours préliminaire où l'Auteur n'épargne rien pour engager les Artiftes en général à tenter de nouveaux efforts, & à reculer les bornes de la profeffion que chacun d'eux a embraffée. Il excite l'émulation des uns, en indiquant les progrès des autres. Il ajoute que ces mêmes progrès, qu'on admire aujourd'hui, feroient peut-être encore à naître, fi ceux qui les ont tentés les euffent cru impoffibles.

Il ajoute, & avec raison, que rien ne nuit plus à l'avancement d'un Art, que de croire, fans examen, qu'il a atteint fa perfection. On fe livre à ce préjugé par indolence, & tout refte dans la médiocrité. M. Texidor prend de-là occafion de remarquer que fi quelque profeffion a plus befoin que toute autre d'être mieux connue & pratiquée, c'est réellement celle qui a pour but le commerce des pierres précieufes. Elle ne doit pas fe reftreindre uniquement à débiter des bijoux : il faut fa voir d'où l'on tire les pierres qui les compofent; quelles font les mines qui les produifent, &c. & fur-tout quels font les moyens qu'on peut employer pour accroître leur valeur intrinfeque & même accidentelle. Ce dernier point regarde la maniere élégante dont on doit les monter. L'Auteur donne à cet égard aux Espagnols des avis fi bien raisonnés, que les Anglois, & peut-être les François eux-mêmes pourroient en faire leur profit.

Revenons à ce qui conftitue l'Ouvrage. L'auteur y parle de toutes les pierres précieuses & de leurs différentes efpeces; mais nous croyons devoir nous boner à ce qu'il dit de plus intéreffant fur le diamant & le rubis. On fait que parmi les pierres précieufes, le diamant eft la plus précieuse de toutes. Si on le confidere avec les yeux d'un Phyficien, ajoute M. Texidor, on s'appercevra que fes parties élémentaires font la terre la plus pure & la plus divifée, le feu le plus vif & l'eau la plus limpide. Mais quelle que foir

la compofition du diamant, il n'eft point de corps diaphane qui foit auffi pefant & auffi dur que celuici. C'eft fa dureté & fa pefanteur qui forment fon caractare diftinétif aux yeux du Naturalifte. Ceux qui s'appliquent à la Minéralogie, distinguent de plus quatre fortes de diamans qu'ils caractérisent par leurs figures.

Au refte, M. Texidor déclare avoir principalement écrit pour les Joailliers. Il n'envisage, en conféquence, le diamant, que comme un des fignes qui ont le plus de valeur dans le commerce. Auffi eft-ce en faveur des Diamantaires que l'Auteur propofe quelques moyens, qu'il juge propres à corriger les défauts des pierres précieufes. On fait que ces défauts viennent en partie des matieres étrangeres qui font incruftées dans le diamant, & qui caufent alors les points rouges ou noirâtres, dont il fe trouve quelquefois parfe mé; ce qui en diminue de beaucoup la valeur. Mais, ajoute M. Texidor, on lit dans le Dictionnaire de Commerce de M. Savari, que les Diamantaires Indiens, font difparoître certaines défectuofités par le moyen du feu; pourquoi mes compatriotes n'effaieroient-ils pas de les imiter? Je n'ignore point qu'on auroit eu plus de peine à le leur perfuader, il y a quarante ans. Ils croyoient aveuglément alors ce que Pline avoit avancé, liv. 34, chap. 40, que le feu ne détruit pas le diamant. Mais on commence à revenir de ce préjugé, depuis qu'on a obfervé avec étonnement que lors de l'incendie du Palais de Madrid en 1733>

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