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y arrêter les progrès de la révolte, a vu par cette démarche abandonner ses plans, qui ne furent jamais suivis ni développés par ses successeurs.

Le ministre de la justice (1) donnait des espérances aux bons Portugais; mais l'intrigue le fit succomber, et dès lors les conspirateurs agirent sans crainte, et le ministère vit de sang-froid les développemens d'une rébellion qui trouble aujourd'hui la tranquillité des deux mondes.

Des traîtres conçoivent, chez une nation voisine, le plan d'une invasion et l'exécutent. Le ministère en a connaissance en septembre, c'est le jour que doit commencer l'agression; il en connaît les préparatifs et les plans d'attaque, et cependant de son côté il ne fait aucun préparatif de défense.

«Me voilà arrivé à la triste situation d'aujourd'hui. Que faisait alors le ministère? il se reposait simplement sur le secours de nos alliés.

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Il semblait exister une lutte d'élémens coutraires dans le gouvernement qui en énervait l'action; et un ministre (2) qui s'était chargé de présenter à la princesse régente les sentimens de cette chambre reçoit pour toute réponse sa démission.

. Cependant l'on continue de voir deux ministères et le même système d'impunité pour la rébellion; aucun usage n'a été fait de la suspension de l'habeas corpus, et jusqu'à présent on n'a vu aucun résultat de la faculté accordée au gouvernement de traduire les criminels de lèse-majesté devant les conseils de guerre, et qui plus est, les rebelles conservent leurs titres et leurs grades; l'on assure même que quelques uns d'entre eux non seulement touchent les revenus de leurs biens, mais encore qu'ils ont touché leurs appointemens de novembre dernier. Les plus forts instigateurs de la rébellion demearent tranquillement chez eux, et l'instruction publique continue à être confiée aux hommes qui se sont le plus distingués dans cette coupable révolte. "Ne confondons pas la modération avec l'indifférence, l'exaltation avec l'amour de l'ordre. N'oublions pas que presque toujours un excès conduit à l'excès opposé, et que la patience épuisée conduit au désespoir.

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Messieurs, nous ne sommes pas chargés de défendre un vain système, une vaine théorie politique, c'est une loi positive, émanée de notre souverain légitime, qui est confiée à notre garde. L'Europe entière a reconnu la succession légitime de notre auguste monarque. Sortons donc une fois de la fausse position où nous ont placés les erreurs du ministère.

"

Loin de moi l'idée du sang et du carnage; mais la tranquillité de plasieurs millions d'habitans demande la prompte punition des séducteurs et des chefs de la rébellion.

Les généraux qui ont combattu dans les provinces se plaignent des chambres municipales. Qu'a fait le Gouvernement? rien. Les membres de ces chambres sont maintenus.

«L'élite de la jeunesse portugaise prend les armes, tandis que des hommes, gorgés d'or et d'emplois, abandonnent la nation; et cependant le même temps perdu par cette jeunesse ne lui est pas compté dans ses études, tandis qu'on le compte à d'autres jeunes gens partis pour joindre les rebelles, sous prétexte qu'ils sont en congé.

Une nation amie et alliée reconnaît l'agression visible d'une nation voisine, d'où partent, pour les rebelles, argent, armes et plans d'opération; et en at

(1) M. de Guerrero.

(2) M. Mello Brenner, qui avait demandé et obtenu la suspension de l'habeas corpus, et qui fat renvoyé sous le prétexte de maladie.

tendant, tandis que nos voisins recrutent contre le Portugal, notre ministère, s'appuyant sur de prétendues considérations d'une modération mal entendue, continue de sacrifier la dignité et l'honneur national.

Actes du gouvernement voisin, proclamations des gouverneurs de ses provinces, circulaires de ses employés de police, tout prend un langage hostile contre le Portugal. Le mensonge, la calomnie et la perfidie sont tour à tour employés pour nous nuire, mais nous, avec un aveuglement inconcevable, nous continuons à traiter l'Espagne comme si elle était notre meilleure amie. Les rebelles, presqu'entièrement défaits, parviennent de nouveau à occuper une province; on leur surprend une correspondance du plus haut intérêt; une partie en transpire déja dans le public, et cependant le ministère ne la connaît pas encore. »

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Ici M. Magalhaës faisait une longue et violente sortie contre le ministère que cependant il n'accusait pas de perversité, n'attribuant qu'à la désunion l'état actuel des choses, et il terminait par cette proposition:

Je demande qu'une adresse respectueuse soit présentée à la princesse régente, dans laquelle, après avoir exposé l'état actuel de la nation, la chambre demandera à S. A. les mesures que lui suggéreront ses hautes vertus; demandant en même temps que l'exécution de ces mesures soit confiée à des hommes qui n'aient pas perdu la confiance publique.

Cette proposition fut suivie d'une longue discussion dont le but était de faire déroger aux règlemens, en mettant immédiatement la proposition de M. Magalhaes en discussion; mais, sur l'observation du ministre des affaires étrangères, que la précipitation en matière si délicate pourrait être funeste à l'État, la chambre a décidé que la proposition suivrait la marche ordinaire avant d'être discutée.

On instruisait, vers la même époque, à la chambre des pairs formée en cour judiciaire, le procès du député Manuel-Christophe Mascarenhas-Figuieredo, prévenu d'avoir accepté, postérieurement à son élection, la vice-présidence d'une prétendue régence provisoire au nom du roi don Miguel, instituée par les rebelles des Algarves. (Voy. l'Ann. Hist. pour 1826, p. 494.) Un grand nombre de pairs, notamment les ecclésiastiques, s'étaient dispensés d'y prendre part. Des témoins furent appelés en grand nombre de la province des Algarves. L'accusé et son défenseur furent entendus. Enfin, après de longs débats judiciaires et une discussion secrète

fort animée, don Manuel Mascarenhas fut publiquement déclaré innocent à l'unanimité des voix et mis en liberté.

Il s'agissait ensuite de savoir s'il serait admis à siéger dans la seconde chambre comme député des Algarves. La question mise en délibération le 19 mars, un membre (M. Barretofeio) soutint que l'accusé, quoique absous par le premier corps de l'État, n'en était pas moins coupable devant l'opinion publique; mais la chambre a décidé, à une majorité de 87 voix contre 3, que M. Mascarenhas serait admis, et il a pris sa place séance tenante.

En général les débats de cette session présentent moins d'intérêt par les résultats des travaux législatifs des deux chambres que par la lumière qu'ils répandent sur l'état du pays et sur les vues des partis; aussi avons-nous passé sur des discussions d'intérêt purement local et sur des discussions de lois qui sont restées en projet.

Il nous suffit de mentionner quelques lois de finances rendues à la fin de la session: celle du timbre, dont les òrateurs libéraux sont parvenus à faire affranchir les journaux ; une autre qui autorise le gouvernement à ouvrir un emprunt de 4,000 contos de reis (environ 24 millions français,), dont l'amortissement est fixé à 1 pour 100; les intérêts et le capital avaient pour hypothèques les nouveaux droits établis sur les grains étrangers et l'impôt du timbre; et enfin le budget de 1827, qui a fixé :

les dépenses (1) à. . . . . . .

10,438,844,646 r. (envir. 63,500,000 fr.) et dont les recettes sont évaluées à 8,531,563,485 (envir. 50,000,000) d'où il résultait un déficit d'environ.

13,500,000

Il devait être comblé au moyen de l'emprunt autorisé.

Les derniers jours de la session furent marqués par des attaques plus vives que jamais contre le ministère. La proposition de M. Ma

(1) En voici les détails ou la distribution par ministère.

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à une

galhaës, prise en considération dans la séance du 13 mars, majorité de 4 voix (49 contre 45), fut suivie (17 mars) d'une demande des lettres et documens interceptés sur les rebelles, pièces dont la publication était considérée par les uns (le général Claudino, etc.) comme indispensable, par les autres comme dangereuse pour la tranquillité de l'État, en ce qu'elles compromettaient une foule de personnages distingués. L'intérêt de cette motion disparut devant celle de M. Magalhaës, qui fut remise en discussion le 30 mars. Elle tendait à ce qu'il fût présenté une adresse à l'infante régente, 1o pour exposer à S. A R. la situation actuelle du Portugal; 2° pour lui demander que l'exécution des mesures qu'elle croirait devoir prendre ne fût pas remise plus long-temps à des hommes qui avaient perdu la confiance publique. La commission chargée de l'examiner avait invité la chambre à considérer que cette proposition étant une accusation personnelle contre tous les ministres, elle la regardait comme inconstitutionnelle quant à la forme: M. Magalhaës persistait à la soutenir. MM. les ministres des finances et des affaires étrangères menaçaient de le poursuivre comme calomniateur. Ce dernier allait même jusqu'à dire que chambre s'arrogeait un droit qu'elle n'avait pas en provoquant sa démission, expression qu'il modifia ensuite en contestant ce droit à un simple député. M. Borges Carneiro, tout en accusant luimême les ministres d'être les auteurs des maux qui désolaient le Portugal, n'en regardait pas moins l'accusation comme intempestive; et malgré tous les efforts de ceux qui la soutenaient, elle fut rejetée à une faible majorité.

la

C'est le lendemain de cette session orageuse qui a laissé des impressions funestes et des ressentimens de parti, que le ministre de l'intérieur (l'évêque de Viseu) est venu à la place de la princesse régente, encore indisposée, faire la clôture de la session par un discours dans lequel il a renouvelé l'assurance de la ferme intention où le Gouvernement était de conserver dans toute leur pureté, « de « consolider les institutions précieuses, présent mémorable d'un grand roi, et de travailler franchement à rétablir l'union néces saire au bien de tous. »

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Ann. hist. pour 1827.

30

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Quoiqu'on n'ait recueilli que les détails les plus importans de la campagne et de la session, ils suffisent pour faire juger du peu d'accord qui existait dans le Gouvernement et de la puissance du parti contraire à la constitution. L'infante régente, au milieu des difficultés, des préventions et des intrigues qu'elle avait à vaincre jusque dans sa famille, n'aspirait qu'à concilier des partis irréconciliables; elle semblait succomber sous le poids d'une autorité précaire et contestée dans l'opinion d'une grande partie de la nation, et ne trouvait même pas dans son ministère un appui si nécessaire à sa faiblesse. De là vient l'incertitude et l'incohésion qu'on remarque dans tous les actes de cette régence.

La session des cortès venait de finir lorsqu'il arriva de Rio-Janeiro (le 2 avril) un personnage qui apportait du Brésil plusieurs décrets de don Pedro; c'était le docteur Abrantès e Castro, partisau décidé du régime constitutionnel, ci-devant médecin de la princesse régente, dont il avait eu toute la confiance, mais que l'influence de l'ambassadeur anglais, sir W. A'Court, était parvenu à faire renvoyer de la cour lors de la révolte des Algarves, parce qu'il avait voulu, disait-on, organiser un corps de réfugiés espagnols en représailles de l'accueil que l'Espagne faisait aux rebelles portugais... Le docteur Abrantes, étant allé au Brésil, n'avait pas eu de peine à gagner la confiance du prince, à lui faire scutir la nécessité de fortifier le gouvernement de la régence contre les factieux, et il apportait plusieurs décrets portant, l'un que les cortès resteraient en permanence, ou que leur session serait prolongée jusqu'à ce que les lois réglementaires ou orgauiques de la charte fussent terminées; un autre, que le conseil d'État actuel serait composé de dix membres, et complété par cinq nouveaux conseillers pris dans les personnages qui s'étaient montrés dévoués aux institutions nonvelles (l'archevêque d'Elvas, membre de la chambre des pairs, l'évêque élu de Coïmbre, président de celle des députés, l'ancien ministre de l'intérieur Ferreira d'Aranjo et le desembargador Gravito de Veriga-Lima), entre lesquels devait figurer le docteur Abrantès lui-même, nommé en même temps secrétaire du cabinet de la princesse régente. Uu troisième décret contenait une promo

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