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fes, chacun plus ou moins, & fur'un espace de terrein, qui, dans les bons pays, pourra contenir à peu près quatre lieues quarrées, autant qu'il fe pourra faire; chacun de ces diftricts formera un arrondiffement, où l'on réunira les paroiffes qui feront le plus à la portée d'un chef-lieu, où se tiendra le bureau de la compagnie pour ce district, & où l'on formera les affemblées, quand il en fera néceffaire; ces diftricts feront appellés fubdélégations; ainfi toutes les généralités du Royaume fe trouveront divifées en fubdélégations.

Il faudra que dans chaque fubdélégation, on forme une carte topographique exacte de la poffeffion de chaque habitant, avec une note de la nature de fes terres, de leurs qualités; pour la culture des bleds & autres plantes néceffaires à la vie animale ou au commerce, le prix ou la valeur arbitrés de ces terres, fuivant la valeur ordinaire qu'elles ont dans chaque lieu, & relativement à leur valeur naturelle & intrinfeque; on aura foin de marquer dans ces cartes jufqu'aux moindres côteaux, vallons, rivieres ruiffeaux & fources, les chemins royaux qui y paffent, ainfi que ceux de service, les villes, bourgs, villages & hameaux, les moulins & engins, le nombre des habitans, leur profeffion, leur âge, qualité & fexe; le tout fera mis en note, à la marge de chaque carte.

On en fera de même dans chaque diftrict, fubdélégation par fubdéléga tion on confervera une copie de cette carte, qui fera mise en dépôt dans le bureau de chaque fubdélégation, & on en enverra une autre au bureau de la généralité. Ce dernier bureau fera compofé de deux perfonnes que chaque diftri&t y députera, & qui feront confeillers-membres de chaque généralité. Il y aura, dans ce bureau, un grand-maître, nommé par le Roi, un procureur du Roi, un contrôleur, un infpecteur, un ingénieur, qui feront tous gens pour le Roi, à fes gages & en commiffion. Mrs. les intendans des généralités préfideront à toutes les affemblées du bureau, & y auront une voix; il y aura un directeur & un tréforier, que les agens de la généralité nommeront à la pluralité des fuffrages, mais qui feront des perfonnes choifies d'entre les principaux intéreffés, & les plus capables pour diriger les affaires; ces deux perfonnes feront électives, & leurs fonctions dureront deux ans, c'eft-à-dire, que tous les ans on en élira une & que le tréforier paffera à la direction la feconde année, pour faire place au nouveau tréforier qui fera élu. Il y aura un greffier perpétuel, que les agens de la généralité nommeront, ainfi que le nombre des commis qui feront jugés néceffaires, pour tenir les livres & les registres.

Il faut abfolument obferver que le bureau de chaque fubdélégation, fera compofé de quatre préfidens, lefquels feront choifis entre les plus notables du diftrict. On élira tous les ans un nouveau préfident, & ils pafferont tour à tour, felon leur date de réception, à la charge de premier préfident, & quand ils auront fervi un an en cette qualité, ils feront exempts de fervice, à moins qu'il ne plaise à la compagnie de les nom

mer à quelque emploi fupérieur. En général, les affemblées feront compofées, 1o. de tous les fyndics que chaque paroiffe aura nommé & député, pour y foutenir & difcuter fes droits. 2°. De tous les particuliers qui auront au moins vingt mille livres de fonds en terres dans l'étendue de la fubdélégation, on n'y en recevra jamais qui en aient moins, afin d'en écarter le petit peuple & d'éviter la confufion; d'ailleurs, il y en aura affez des fyndics qu'ils nommeront par paroiffe, pour représenter les habitans intéreffés qui n'auront pas voix délibérative.

Indépendamment de ces quatre préfidens, des fyndics & des particuliers qui auront voix délibérative dans l'affemblée, il y aura un tréforier pris dans le nombre des quatre préfidens en charge; il ne pourra l'être que tant qu'il fera quatrieme, troifieme ou fecond préfident; mais lorfque fon tour fera venu d'être premier préfident, il cédera fa charge à celui qui le fuivra immédiatement.

Les gens du Roi feront, un ingénieur, un infpecteur & un contrôleur, devant qui tout fera propofé & délibéré, fi l'on veut que les actes aient la valeur requife, & ces gens du Roi n'auront qu'une voix chacun. Remarquez que toutes les fois que ces affemblées fe tiendront, il ne fe fera aucun repas aux dépens de la Compagnie; chacun vivra à fes frais, ainfi qu'il l'entendra: ceux qui manqueront de fe trouver aux affemblées que le premier préfident convoquera, feront taxés à une amende pécuniaire, au profit de ceux qui feront préfens; & ceux qui s'abfenteront des affemblées générales, lefquelles fe tiendront tous les fix mois, payeront une amende qui fera fixée au fixieme du produit qui leur reviendra pour leur portion dans ladite Compagnie, & cette amende fera partagée au profit des affiftans, après que les préfidens auront pris le fol pour livre fur la fomme pour leurs droits, comme préfidens, & indépendamment de la part qui leur reviendra encore, comme membres particuliers. On ne pourra fe difpenfer d'affifter à ces affemblées, que pour caufe légitime, con me maladie, difpenfe du Roi pour avoir vaqué à fon fervice, ou pour fonctions de charges Royales qui demandent réfidence, & portent avec elle leur exemption. Les Seigneurs titrés pourront pareillement fe difpenfer, s'ils le veulent, d'affifter à ces affemblées en perfonne; mais il faudra qu'ils y envoient en leur place des perfonnes chargées de procuration, & capables de les repréfenter, encore ne pourront-ils jouir de ce privilege, que dans le cas où ils pofféderont dans le diftrict pour quarante mille livres au moins de bien en fonds de terre; les veuves, & en général toutes. les femmes, n'auront jamais de voix délibérative dans ces affemblées; mais elles pourront envoyer en leur place des perfonnes fondées de procuration, pourvu qu'elles poffedent dans le diftrict pour quarante mille livres de biens de terre, comme il a déjà été dit ci-deffus.

Ces obfervations & ces réglemens ne font imaginés que pour fixer un. certain ordre, qui fervira de regle & de point fixe à cette Compagnie..

Le lecteur peut déjà entrevoir le but de cette fociété, & fentir que l'objet de ces affemblées eft de traiter d'une voix unanime, de tout ce qui aura trait à l'agriculture, & qui peut tendre à l'avantage du commerce des Denrées. C'eft cette Compagnie qui formera d'abord un plan ou projet d'agriculture générale pour le diftrict; fes membres qui connoiffent mieux que perfonne la qualité du terroir de leur diftrict, affigneront & détermineront par paroiffe, quelles font les terres qui conviendront le mieux à chaque culture, foit en grains, en prairies, en vignes, en bois, en chanvre, &c. conformément à l'objet de la confommation, 1°. pour le . diftri&t, 2o. pour le commerce particulier du dehors du diftrict, & ce fuivant ce qui fera jugé le plus avantageux pour l'Etat & pour les particuliers. L'ingénieur pour le Roi, le contrôleur & l'infpecteur préfideront à toutes ces délibérations & donneront leurs atteftations pour les projets de réforme tendante au bien général de l'agriculture du district.

Quand les cartes & projets feront une fois dreffés, & qu'elles auront paffé à la pluralité des voix, on les enverra toutes au bureau de la généralité pour y être réunies dans une feule carte, & examinées fous d'autres points de vue plus vaftes & plus étendus pour le bien commun de la généralité, afin de donner à toutes les productions de la terre de cette généralité, la valeur la plus favorable que faire fe pourra, par un commerce égal & proportionné fur chacune, & tendant toujours au plus grand rapport & à la qualité des terroirs. Les intérêts de chaque fubdélégation seront difcutés par fes agens, qui feront tous des gens choifis, en état de connoître les véritables intérêts de leur diftrict, & qui les expoferont en pleine affemblée en préfence de Mrs. l'intendant, le grand-maître & autres officiers Royaux qui y préfideront; on pourra réunir à ce bureau la jurifdiction des eaux & forêts, & des ponts & chauffées de la généralité. On nommera ce bureau agriculture, ponts & chauffées, pour ne pas multiplier les êtres fans néceflité.

Les délibérations qui auront été faites & arrêtées dans les bureaux des généralités feront renvoyées au grand bureau général de la Compagnie, qui fera tenu à Paris.

Toutes les généralités du Royaume y députeront chacune une agent pour y difcuter leurs droits & en repréfenter tous les avantages. Ces agens feront à peu près, comme font aujourd'hui les députés du commerce de chaque ville. On choifira, pour remplir ce pofte de confiance, la perfonne qui aura le plus grand intérêt dans la généralité, & qui en même-temps raffemblera en elle toute la capacité néceffaire, & fur-tout beaucoup d'impartialité, & peu d'attachement à fon intérêt particulier. Le bureau de chaque généralité fera le maître de changer fes agens toutes les années, s'il le juge néceffaire.

Ce bureau, compofé de Mr. le controleur-général, de Mrs. les intendans-généraux des finances, de tréforiers, de directeurs, tous gens nom

més par le Roi, le Roi, & par commiffion, pour examiner & combiner les différens expofés des agens de chaque généralité, afin de les concilier tous, & de ne faire dans ce bureau, qu'une feule voix décifive pour tout ce qui concernera l'agriculture & le commerce en général de toutes les Denrées du Royaume, relativement au bien de la chofe commune, & au plus grand avantage des Provinces de l'Etat. C'eft à ce bureau, comme on vient de le dire, que feront arrêtés les ftatuts & réglemens, les diftributions des terres pour la culture des plantes à grains, à fruits, & antres pour l'utilité du commerce & pour le plus grand bien de l'Etat; fur ces délibérations & arrêtés qui auront été fcellés au bureau général, les bureaux de chaque généralité feront tirer des copies particulieres qu'ils enverront à chaque diftrict, afin que l'on s'y conforme, & que les terres foient, par ce moyen, cultivées & enfemencées, fuivant l'intention du Roi. émanée du bureau général d'agriculture.

L

Obfervations particulieres fur la Compagnie d'Agriculture.

E lecteur a pu déjà obferver, par les réflexions qu'on lui a mifes fous les yeux, que la compagnie d'agriculture qu'on lui propofe, eft bien différente de tout ce qu'on a encore imaginé dans ce genre. 1°. Le nombre des membres en eft très-confidérable; car elle admet, à très-peu de chofe près, tous les principaux poffeffeurs des fonds de terre qui font difperfés dans toute l'étendue du Royaume & dans les campagnes, & qui font plus à portée par eux-mêmes de régir leurs affaires communes, & plus intéreffés que qui que ce foit au bien général de l'agriculture, puifqu'ils en

font les chefs.

2o. En y faisant participer la nobleffe indiftin&tement avec la roture, je donne à cette premiere & principale partie des citoyens de l'Etat les moyens d'accroître confidérablement leurs revenus, fans que pour cela, s'ils le jugent à propos, ils foient chargés du foin, ni aftreints aux occupations qui affujettiront la roture; ils n'auront pour cet effet qu'à obtenir des difpenfes du Roi, qui leur feront facilement accordées; d'ailleurs le fervice militaire, & les fonctions des grandes charges Royales porteront leurs exemptions avec elles, pour tous ceux qui y vaqueront. Je crois même qu'il y auroit très-peu de gentilshommes qui ne fe fiffent un plaifir de fe trouver aux affemblées de leur diftrict, & d'y être admis au rang des préfidens, d'autant plus que leur intérêt particulier s'y trouveroit. Ces affemblées reffembleroient à peu près aux féances d'une académie d'agriculture. Chacun y expofera ce qu'il aura à propofer; & tous, les uns à l'envi des autres travailleront à faire des découvertes en ce genre, dont on pourroit profiter & faire usage, quand, à la pluralité des fuffrages, elles auront été jugées utiles à la fociété, & qu'elles auront été bien conftatées par des expériences. D'après cette idée, je crois qu'il n'y auroit guere de fciences

qui fuffent mieux cultivées que celle de l'agriculture, qui en effet eft la plus effentielle de toutes, & celle qui contribue le plus au bien-être & à la félicité des peuples. On ne doit pas craindre qu'une pareille affociation puiffe jamais caufer aucun défordre dans l'Etat; au contraire toutes ces opérations tendront au bien général, dès qu'il y aura des regles qui les fixeront & ne permettront jamais de s'en écarter. Nous allons propofer les plus effentielles de ces regles, qui ferviront de principes & de base à toute l'entreprise.

1o. On ne fera les districts que de dix-huit à vingt Paroiffes, qui feront comprises dans un arrondiffement où il y aura quelque chef-lieu un peu confidérable. Par ce moyen, on évitera les embarras & la confufion qui régneroient néceffairement, fi ce département étoit plus étendu. Chaque diftrict fera contenu dans ces limites, & tiendra fes affemblées particulieres, fans que, fous aucun prétexte, ils aient rien à difcuter les uns avec les autres, fi ce n'eft vis-à-vis du bureau de la généralité, qui fera, à proprement parler, le tribunal de la feconde jurifdiction, qui décidera des conteftations entre diftri&t & diftri&t. On pourra, fi on le juge à propos, en appeller au bureau général d'agriculture de Paris, qui fera la jurifdiction fouveraine; tous ces juges feront Royaux, les confeillers feront des députés ou agens des généralités, gens confommés dans la pratique de l'agriculture, de même que les juges ou magiftrats nommés par le Roi, seront pleinement inftruits des vues politiques & générales du commerce, & de l'intérêt de la Nation, afin de veiller à ce que le bon ordre soit maintenu, & qu'il regne cette harmonie qui eft abfolument néceffaire dans toutes les différentes parties qui compofent le Gouvernement. Mr. le contrôleur-général fera au confeil-privé du Roi le rapport de toutes les affaires intéreffantes de cette compagnie, afin d'obtenir, fuivant les occafions, les nouveaux édits & déclarations qui leur paroîtront néceffaires, & que la compagnie aura demandés. On voit fous ce point de vue général, que les intérêts de la compagnie fe réuniront tous avec celui de l'Etat, & que ces opérations feront toujours dépendantes de la volonté du Souverain qui en fera le chef, & comme un pere de famille. Encore une fois, il n'y aura jamais rien à craindre de funefte à l'Etat de la part de cette compagnie; car étant partagée en différens diftri&s, qui auront chacun leurs intérêts particuliers à conduire, ils ne fe mêleront jamais des affaires les uns des autres: il n'y aura, comme on l'a dit plus haut, que les feuls bureaux des généralités qui en auront l'infpection; car chacun des bureaux des diftricts particuliers fera obligé de faire part au bureau de leur généralité, de toutes leurs délibérations, qui ne pourront avoir de force, que quand elles auront été reçues & approuvées dans le bureau-général, sur-tout lorfqu'il s'agira de quelque innovation qui fera jugée importante pour leur intérêt, relativement à l'agriculture & au commerce des denrées.

Cette

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