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tranquilles de leur profpérité, leur abandonnent la fortune & les reffources de l'Etat, pour fe livrer à l'indolence.

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Jettez cependant les yeux fur la conduite de nos ancêtres car, pour agir comme il convient, vous n'avez pas besoin de chercher des exemples ailleurs, vous en trouvez chez vous. Nos ancêtres n'érigeoient de ftatues & ne fe livroient avec enthousiasme ni à Thémistocle qui remporta à Salamine une victoire navale, ni à Miltiade qui commandoit à Marathon, ni à tant d'autres dont les exploits font bien fupérieurs à ceux de nos Généraux. Ils ne les honoroient pas comme les regardant au-deffus d'eux: ils ne fe privoient pas eux-mêmes, Athéniens, de la gloire des fuccès. On n'attribuoit point alors les victoires de Salamine & de Marathon à Thémistocle ni à Miltiade, mais au peuple d'Athenes. On dit aujourd'hui: Thimothée a pris Corcyre; Iphicrate a défait les troupes de Lacédémone; Chabrias a gagné, près de Naxe, une bataille navale. Par des honneurs exceffifs que vous accordez à chacun d'eux pour ces actions, vous femblez leur en céder toute la gloire. Nos ancêtres récompenfoient donc les citoyens avec bien plus de jugement & de dignité que nous; & les étrangers, comment les récompenfoient-ils? Menon de Pharfale, dans la guerre près d'Eione & d'Amphipolis, les avoit aidés d'une fomme de douze talens, & d'un renfort de deux cents hommes de cavalerie, fes propres efclaves: ils lui accorderent, non le droit de cité, mais feulement l'exemption d'impôts. Ils avoient déjà fait la même chofe à l'égard de Perdiccas qui régnoit en Macédoine, lors de l'expédition du Roi de Perfe; Perdiccas, qui tailla en pieces les reftes des Barbares, échappés de Platée, & qui par-là acheva leur défaite. Le titre de citoyen paroiffoit à nos ancêtres important, glorieux, refpectable, au-deffus de tout fervice; mais aujourd'hui, Athéniens, vous le prodiguez, vous le vendez ainfi que les plus viles marchandises à des hommes perdus, efclaves, & fils d'efclaves, & fi vous agiffez de la forte ce n'eft pas que vous foyez d'une pire nature que vos ancêtres, mais c'est qu'ils favoient s'eftimer eux-mêmes, & qu'on vous a ravi cet avantage. Il eft fans doute impoffible qu'une conduite baffe & rampante produife des fentimens nobles & élevés, comme il eft impoffible qu'une conduite noble & élevée infpire des fentimens bas & rampans. Tel genre de vie, tels fentimens : les uns font une fuite néceffaire de l'autre.

Obfervez, Athéniens, & rapprochez les principaux traits de l'adminiftration publique de vos ancêtres & ceux de la vôtre; ce parallele vous élevera peut-être au-deffus de vous-mêmes. Vos ancêtres commanderent quarante-cinq ans parmi les Grecs, qui leur étoient volontairement foumis. Ils amafferent dans le tréfor plus de dix mille talens. Ils ont érigé des trophées de leurs victoires fur terre & fur mer, dont nous nous glorifions encore aujourd'hui, & ils les ont érigés pour exciter en nous, non pas une admiration ftérile, mais le défir d'imiter leur courage.

Voilà quels étoient nos ancêtres : & nous autres, qui n'avons plus de

rivaux à craindre, voyons, je vous prie, fi nous leur reffemblons. N'avons-nous pas employé en vain plus de quinze cents talens pour les armemens de la Grece? N'avons-nous pas épuifé les maifons des particuliers, le tréfor public, & les villes des alliés? Ne venons-nous pas de perdre, dans la paix, les alliés que nous nous étions faits dans la guerre ?

Mais i la République jouiffoit alors de cet avantage, elle étoit peutêtre privée de plufieurs autres dont nous jouiffons? Il s'en faut beaucoup. Examinons tel objet qu'il vous plaira. Nos ancêtres nous ont conftruit de fi beaux édifices, ils ont orné la ville de temples fi magnifiques, de ports fi vaftes, & d'autres ouvrages pareils, qu'ils ont ôté à leurs defcendans le pouvoir de les furpaffer. Nous avons fous les yeux les veftibules, les portiques; les arfenaux, & les autres embelliffemens, dont nous leur fommes redevables. Les maifons des premiers citoyens étoient fi fimples, fi conformes aux mœurs républicaines, que ceux qui connoiffent la maison de Thémistocle, celle de Cimon, d'Ariftide, de Miltiade, & des autres grands hommes de ce temps-là, voient que rien ne les diftingue des maifons voisines. Maintenant, Athéniens, l'Etat s'occupe à réparer les chemins, à crépir des murs, à conftruire des fontaines, à des bagatelles. Ce ne font pas ceux qui ont confeillé ces ouvrages, que j'attaque, j'en fuis bien éloigné, mais vous-mêmes, fi vous croyez n'avoir rien de plus à faire. Quant aux particuliers qui ont entrepris ces ouvrages, les uns fe font bâti des maifons qui Turpaffent en magnificence celles des autres citoyens, & même les édifices publics; les autres ont acheté & poffedent plus de fonds de terre, qu'ils n'en ont jamais défiré.

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Voici la caufe de ces défordres. Autrefois le peuple étoit maître absolu, arbitre de toutes les graces; on fe contentoit de pouvoir obtenir de lui les honneurs, les dignités, tous les avantages. Mais de nos jours, ce font des citoyens puiffans qui difpofent des graces; tout fe fait & s'obtient par eux. Vous autres, citoyens avilis, regardés comme des valets, comme une popuiace faite feulement pour le nombre, vous êtes trop heureux qu'on vous faffe quelques diftributions.

Delà, tel eft l'état actuel de votre République; fi on lit d'abord vos décrets, & qu'enfuite on entre dans le détail des faits, on ne peut croire que les uns & les autres foient du même peuple. Par exemple, vous avez réfolu dans vos décrets de marcher contre les impies Mégariens, qui labouroient un terrein facré, de réprimer & de punir leur impiété, de fecourir les Phliafiens, chaffés derniérement de leur pays, d'empêcher les maffacres qui fe commettent dans leur ville, d'inviter les Péloponéfiens à fe joindre à nous pour cette expédition. Toutes ces réfolutions étoient belles, juftes, dignes de la République; les actions qui devoient fuivre, où font-elles? Vous vous affichez pour ennemis dans vos décrets, fans pouvoir rien exécuter de ce qu'ils ordonnent. Les décrets que vous portez font conformes à la dignité d'Athenes; mais vos forces ne répondent point

373 à vos décrets. Pour moi je vous confeille, (qu'on ne m'en veuille pas de parler ainfi) ou de ne vous occuper que de ce qui vous regarde, fans avoir des fentimens fi hauts, ou de vous procurer de plus grandes forces. Si je vous croyois ou des Syphniens, ou des Cythniens, ou d'autres peuples de cette efpece, je vous confeillerois de rabaiffer vos fentimens ; mais vous êtes Athéniens, je vous confeille donc de vous procurer des forces qui répondent à votre nom; car ce feroit le comble du déshonneur, de renoncer à cette grandeur d'ame que vous ont tranfmis vos ancêtres; & même il n'eft pas en votre pouvoir, quand vous le voudriez, de trahir les intérêts de la nation, après ce que vous avez fait pour elle dans tous les temps. Il feroit déshonorant pour vous d'abandonner vos amis, & il ne vous feroit pas libre de vous fier à vos ennemis, de fermer les yeux fur leurs progrès. En un mot, vous êtes, à l'égard des Grecs, ce que font, à l'égard de vous, les 'Miniftres qui vous gouvernent, (vous gouvernez auffi dans la Grece); ils ne peuvent pas renoncer, quand ils veulent, à l'adminiftration des affaires.

Enfin, Athéniens, & c'eft-là le point effentiel, vos orateurs ne vous rendent ni meilleurs, ni pires; c'eft vous qui les rendrez tels que vous les fouhaiterez : car ce n'eft pas vous qui vous prêtez à leurs défirs; ce font eux qui cherchent à flatter les vôtres. Commencez donc vous-mêmes par ne vouloir que ce qui eft utile, & tout ira bien. Un orateur ne donnera que de bons confeils; ou il parlera inutilement, ne trouvant perfonne qui l'écoute. »

Nous ne finirons point cet article fans convenir que Démofthene, zélé Républicain, bon patriote, & profond politique, fe déshonora par des traits odieux, fi pourtant quelques vices peuvent ternir l'éclat de fes grandes qualités. Efchine lui reprocha d'avoir compolé à prix d'argent des plaidoyers qu'il livroit à la partie adverfe, d'avoir remis à Apollodore qui pourfuivoit Phormion au criminel, un plaidoyer qu'il avoit compofé pour ce même Phormion qui le lui avoit payé. Efchine ne feroit peut-être pas croyable, fi le fait qu'il avance étoit deftitué de preuves. Mais il eft fûr que Démofthene, après avoir compofé un difcours pour Phormion contre Apollodore, il en compofa un pour Apollodore contre Etienne, un des principaux témoins de Phormion: il accufa cet Etienne d'avoir témoigné le faux pour Phormion qui l'avoit, difoit-il, fuborné. Ces deux plaidoyers exiftent, & l'on eft fâché de voir un auffi grand homme que Démofthene foutenir le pour & le contre, uniquement par amour pour l'argent, paffion baffe qui le porta à des actions que fes ennemis lui reprocherent avec juftice, & que ces amis ne purent s'empêcher de blâmer, que la postérité même ne lui pardonne pas malgré fon admiration pour les talens & fes excellentes qualités.

DENBIGHSHIRE, Province d'Angleterre, dans la partie Septentrionale de la Principauté de Galles.

CETTE Province confine à la mer d'Irlande, & aux Comtés de Flint,

de Chester, de Shrop, de Montgomery, de Merioneth & de Caernarvon. On lui donne 40 milles de longueur, 21 de largeur, & 118 de circonférence. C'est un pays montueux & pierreux, ftérile en plufieurs endroits, mais très-fertile en d'autres : l'on vante fur-tout, à ce dernier égard, la vallée de Clwyd, dont les habitans parviennent, pour l'ordinaire, à un âge très-avancé. Les rivieres qui arrofent cette Province, font la Clwyd Elwy, la Dee, & la Conwey. Ses productions naturelles font des grains, & des pâturages pour bœufs, chevres & brebis. Il y a du poiffon, du gibier & des mines de plomb. L'on y compte quatre bourgs où l'on tient marché, cinquante-fept paroiffes, qui font les unes du Diocefe de Bangor, & les autres de celui de St. Afaph; 6,400 maifons, & environ 38 mille habitans. Un chevalier la repréfente au Parlement du Royaume. Ses habitans, du temps des Romains, étoient les Ordovices. Elle a confervé quelques monumens des anciens Druïdes, mais avec des infcriptions indéchiffrables.

Denbigh eft la capitale de cette Province. C'eft une ville fituée sur une des branches de la riviere de Clwyd. Elle a le titre de Comté, que porte un Lord Fielding, & elle eft la capitale d'une province de fon nom. C'eft une jolie ville, bâtie fur une éminence, au pied de laquelle eft un vallon fertile & bien cultivé : elle eft abondaminent pourvue à la ronde de grains, de bétail & de bonnes denrées; & fon commerce principal eft en peaux & en cuirs, qu'elle fait apprêter & travailler avec beaucoup de fuccès. Sa Magiftrature eft compofée d'un Aldermann, d'un Confeil de vingtcinq bourgeois & de divers Officiers de Police. Elle fournit un membre à la Chambre des communes de la Grande-Bretagne. Long. 24. 5, lat. 53. 25.

DÉNOMBREMENT, f, m.

Du Dénombrement, ou cens des fujets, & de la déclaration de leurs biens.

LE Dénombrement a été en usage de tous les temps chez les anciens. Il fut pratiqué par Moife, & les Romains l'avoient emprunté des Grecs. Romulus fit un Dénombrement lorfqu'il fonda Rome: Servius en fit une

regle pour l'avenir, & y ajouta, que chaque Citoyen donneroit fes biens par déclaration.

Le Dénombrement fe faifoit tous les trois ou tous les cinq ans, quelquefois plus fréquemment. Il comprenoit le nombre des perfonnes, leurs qualités ou profeffions, & l'eftimation de leurs biens.

Lorfqu'après avoir chaffé les Rois, on abolit leurs loix; on conferva la cenfure, comme le fondement des finances & la mefure des charges publiques. Les Confuls l'exercerent d'abord; mais lorsqu'ils fe trouverent occupés au-loin par les guerres, on érigea des offices de cenfeurs. L. Sempronius & L. Papirius furent les premiers. Leur commiffion dans l'origine duroit cinq ans : bientôt après elle fut réduite à dix-huit mois.

Cette coutume fut fuivie par les Colonies Romaines, & encore par toutes les villes affociées d'Italie. Les regiftres de leur cens fe portoient à Rome. Céfar exerça la cenfure étant dictateur. Augufte reçut du Sénat le titre de cenfeur perpétuel, fous le nom de Præfedus morum. Il fit trois fois le Dénombrement des citoyens & de leurs facultés, non-feulement de ceux qui habitoient Rome, mais encore de tous ceux qui étoient répandus dans le vafte contour de l'Empire; il y ajouta celui des fujets de chaque province aucun Empereur ne laiffa l'Etat aufli floriffant.

Le Roi Servius, dans un temps où l'écriture étoit un travail, avoit ordonné que l'on mettroit un denier dans un tronc placé au temple de Juno Lucina, à la naiffance de chaque enfant; un au temple de la Déeffe Juventa, pour chaque adolefcent qui atteignoit l'âge de dix-fept ans, temps auquel on prenoit la robe virile ; & un autre au temple de Vénus Libitina pour chaque perfonne qui mouroit. Cet ufage rempliffoit deux objets : c'étoit une offrande pour les Dieux, & une inftruction dans les intervalles du Dénombrement.

Voyez les Articles CENS; CADAStre.

DENRÉE, f. f. Fruits, légumes, vins, grains, & autres chofes femblables, propres à la nourriture de l'homme & des animaux.

O

N diftingue communément les groffes & les menues Denrées. Les groffes font le bled, le vin, le foin, le bois, &c. Les menues font les fruits & les légumes, comme artichaux, carotes, navets, choux, &c.

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