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demnifer le mari de la nourriture de l'enfant, mais encore de réparer la perte que les enfans légitimes peuvent faire en ce que l'illégitime concourt avec eux à la fucceffion.

5o. Celui qui a abufé d'une fille, foit par violence ou par artifice, doit la dédommager à proportion de ce qu'elle devient par-là moins en état de trouver à fe marier.

6o. Un larron ou un raviffeur doivent reftituer ce qu'ils ont pris, avec tous les accroiffemens naturels, & réparer auffi le dommage que le maître de la chose a souffert, tant en ce qu'il a manqué de gagner, qu'en ce qu'il a perdu pofitivement. Il faut mettre en ce rang ceux qui fraudent les impôts légitimes, établis par le Souverain: dès que ces impôts font perçus pour les befoins réels de l'Etat.

70. Ceux qui ont caufé du dommage en rendant une fentence injufte ou en formant une accufation injufte, ou en dépofant à faux contre quelqu'un, doivent auffi réparer le tort de la même maniere.

8°. Quand on a porté quelqu'un à faire un contrat ou une promeffe, par rufe, par violence, ou par une crainte injufte, on doit mettre le contractant ou le promettant en liberté de fe dédire, parce qu'il avoit droit d'exiger, & qu'on ne le trompât point, & qu'on ne le forçât point. 11 faut dire la même chofe de ceux qui n'ont voulu faire que pour de l'argent, une chofe à quoi ils étoient d'ailleurs engagés par devoir.

9°. Un maître doit dédommager de la perte caufée par un esclave ou par une bête.

10°. Enfin, outre la perfonne & les biens, on reçoit auffi du dommage en fon honneur, ou en fa réputation, lorfque quelqu'un, par exemple, nous donne des coups, ou nous dit des injures, ou médit de nous, ou nous calomnie, ou fe moque de nous, & autres femblables outrages. Ici il faut diftinguer le vice de l'action d'avec l'effet qu'elle produit. La peine répond au premier, & le Dédommagement à l'autre. Le Dédommagement fe fait en avouant fa faute, en donnant des marques d'eftime pour celui que l'on avoit outragé, en rendant témoignage à fon innocence, & par d'autres femblables fatisfactions. On peut auffi impofer une amende à l'offenfeur, fi la perfonne léfée veut fe dédommager de cette maniere : car l'argent eft la mefure commune de toutes les chofes d'où il revient quelque utilité aux hommes. Voyez Grotius, II. chap. XVII.

DÉFAUT, f. m.

UN Défaut eft ce qu'il y a de mal dans une chose, par rapport à son

légitime ufage & à fa deftination. Il fe dit en phyfique, en métaphyfique, & en morale. Un Défaut préfente une idée abfolue; & n'eft fou

vent qu'une limitation, qu'une fimple privation: mais une défectuofité offre une idée relative, & marque un mal, par rapport aux vues de celui qui juge, ou qui fe propofe de fe fervir de la chofe. Un vice indique au contraire, un mal, qui eft dans le fond & la nature de la chofe, & qui en corrompt la bonté : l'imperfection défigne, dans le physique, comme dans le moral, un mal moins confidérable, qui tient auffi au fond de la chofe.

Quand on a voulu définir & approfondir la nature de la corruption originelle de l'homme, a-t-on affez exactement diftingué ces différentes fortes de maux? N'eut-il pas mieux valu fe contenter d'en prévenir les fuites, que de tant difputer fur fa nature?

L'Abbé Girard dit qu'un Défaut eft un mal dans la chofe, fans rapport à l'auteur. On dit cependant en morale, que l'entêtement eft un Défaut qui vient fouvent de l'éducation, & quelquefois d'un vice du caractere; & en phyfique, que les lochemens de l'éguille à minutes, fecondes, font le plus grand Défaut des montres de cette efpece, & que l'horloger doit éviter avec le plus de foin. On a dit encore qu'il y avoit dans le dôme de la chapelle des Invalides à Paris, un Défaut de proportion, en ce que le diametre n'eft pas affez grand pour l'élévation; on a évité dans le dôme de St. Pierre de Rome ce Défaut, en faifant deux voûtes, l'une fur l'autre; l'une pour la vue de l'intérieur; l'autre pour la décoration de l'ex

térieur.

Un Défaut ne fuppofe pas toujours une action; mais une faute renferme toujours cette idée. Les Défauts, fi l'on n'y prend garde, font commettre des fautes.

Quoique le vice foit dans le fond & la difpofition du fujet, il n'eft pas non plus toujours en action lorfqu'il l'eft, il produit le péché, le crime, ou le forfait.'

Le péché fuppofe la violation des préceptes de la religion; & le pécheur agit contre fa confcience. Le crime part de la malice du cœur ; & le criminel agit contre les loix de la nature. Le forfait naît de l'excès de la malice, qui eft la fcélérateffe; & le fcélérat agit contre les fentimens de l'humanité, & les fondemens de la fureté publique.

Une foibleffe de galanterie peut n'être qu'une faute, s'il n'y a point de circonftance contraire aux loix de la nature. Toute médifance eft un péché. Les affaffinats font des crimes, & les empoifonnemens des forfaits. Un délit n'eft qu'une tranfgreffion d'une loi civile. Telle eft la contrebande.

Si toutes les loix civiles étoient conformes à la nature, à l'ordre phyfique & moral, il n'y auroit point de délit, & toute violation de la loi civile feroit un crime. On a mis quelquefois dans la claffe des délits & des fautes les duels; je les place hardiment dans celle des crimes. Une rencontre où l'on eft attaqué, & où l'on fe défend, peut, felon les circonftances,

n'être

n'être qu'un fimple délit. On a tout confondu dans la morale, & c'est ici fur-tout qu'il faut foigneufement diftinguer.

Si l'on examine en effet les décifions de grand nombre de moralistes d'après ces principes & ces définitions, que de jugemens faux & de déclamations inexactes ne trouvera-t-on pas dans leurs écrits?

S'il eft permis encore de comparer les loix criminelles & les peines établies avec ces diftinctions & ces principes, quelle difproportion ne trouvera-t-on pas entre les peines infligées & les degrés des fautes ?

Les moralistes & les législateurs ont-ils affez foigneufement diftingué entre les fuites des Défauts, & celles des vices; & entre les divers degrés du vice & ceux des actes qu'ils ont produits?

Tout comme il ne faut pas confondre les Défauts avec les vices, il faut auffi diftinguer foigneufement les imperfections des péchés. En outrant les préceptes de la morale, on l'a rendue déplaifante & impraticable on a rebuté les uns, & fourni des prétextes aux autres.

Si aucun Défaut n'eft un vice; il y a bien des Défauts au moins qui en approchent, ou qui y conduifent, fi l'on n'y prend garde; & l'on doit en conclure qu'il convient de fe garantir de bonne-heure de tous Défauts, & de travailler en tout temps à s'en corriger. Voyez VICE.

Il eft des Défauts du corps, qui influent fur le moral, fur l'humeur, fur le caractere. La médecine fournit à cet égard quelques fecours, qu'il ne faut pas négliger mais la médecine de l'efprit, tentée par Tfchirnhaus & par le Camus, eft encore, il faut en convenir, imparfaite.

On pourroit cependant prévenir dans l'enfance plufieurs de ces Défauts par des attentions & des fecours trop négligés. L'Ortopédie d'Andry, & la Differtation de Ballexfed fur l'Education phyfique, couronnée par l'académie de Harlem, fourniront d'excellens préceptes à des parens attentifs & intelligens. Mais ici il faut prendre garde de ne rien outrer: j'ai vu souvent des parens qui, pour éviter certains Défauts, prenoient des précautions, qui en enfantoient d'autres. Voyez EDUCATION.

J'en dis autant des Défauts de l'ame. L'éducation pourroit fouvent les prévenir & les corriger, comme une mauvaise éducation ou le manque de foins, & une éducation négligée les font naître. Une perfonne intelligente pourra recueillir fur cet objet important, d'excellens préceptes & d'utiles précautions dans l'Emile de M. J. J. Rouffeau, comme dans l'ouvrage ironique de Croufaz, fur l'Education des enfans, dans le livre plus férieux de Locke, fur le même fujet, enfin dans le traité de l'Education morale de M. Formey, couronné auffi par l'académie de Harlem. Voyez EDUcation. La pareffe, la diffimulation, la vanité, l'orgueil, l'emportement, l'envie, l'opiniâtreté, l'entêtement font des Défauts, des paffions, ou des vices, qui viennent trop ordinairement de la maniere, dont on éleve les enfans.

Pour fe corriger dans un âge plus avancé des Défauts, malheureufement Tome XV.

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contractés dans l'enfance ou la jeuneffe, il faut les connoître & les fentir. Dans cette vue tout homme fenfé doit fuivre ces regles. 1°. Il s'examinera foigneufement pour le bien connoître. Il fera attention aux mouvemens de fon ame, à fes difcours, à fes actions ordinaires, à fa conduite habituelle. Bientôt il découvrira les Défauts de fon efprit, ou de fon cœur. 2o. Il n'eft perfonne encore, qui ne puiffe s'inftruire fur ce point, s'il le veut, du jugement que les autres portent de lui; il n'eft perfonne auffi qui ne foit en état de fe faire un ami, dont le jugement fincere fervira à lui apprendre à connoître fes Défauts. 3°. Avec cette connoiffance il peut parvenir à celle des fuites de ces Défauts, à celle de l'influence qu'ils peuvent avoir & qu'ils ont fur fes actions, fa conduite, fon état & fon bonheur. Sentir vivement les fautes que ces Défauts nous font commettre, les conféquences qu'ils entraînent, c'eft déjà avoir fait un grand pas pour fe corriger. 4°. Une fois inftruit à tous ces égards, une attention foutenue conftante, habituelle fur foi & fur toutes les démarches eft propre à nous corriger de ces Défauts & à nous garantir de ces fautes. 5. Enfin la vue de ces Défauts dans les autres, & de leurs fuites, ou des Défauts pareils & approchans, eft un miroir inftructif, où nous devons porter les yeux, fans malignité & avec de la bonne-foi. Nous apprendrons ainfi à corriger en nous ce que nous condamnons chez les autres.

Combien les Défauts des Souverains influent fur les mœurs des peuples. L'EXEMPLE des Souverains influe de la maniere la plus dire&e fur les mœurs de leurs fujets. Sous un Prince débauché la licence ofe lever fa tête infame pour infulter à la pudeur, & prétendre à l'impunité. On peut donc affurer que fouvent les vices & les Défauts des peuples viennent des maî tres qui les gouvernent.

Avant qu'Alexandre VI eût détruit tous les petits Souverains, qui régnoient dans la Romagne, c'étoit un pays, où l'on ne voyoit que brigandages & qu'affaffinats. Tout cela venoit moins de la malice des peuples, que de celle de leurs indignes maîtres, qui, étant pauvres, & voulant vivre en grands feigneurs, faifoient mille rapines & mille extorfions. Entre les plus grandes infamies qu'ils mettoient en ufage pour fatisfaire leurs criminelles intentions, ils faifoient des loix, par lesquelles ils défendoient tous les excès, & eux-mêmes violoient ces loix les premiers, & ne châtioient jamais les coupables, finon lorfqu'ils étoient tombés plufieurs fois dans le crime; & lorfqu'enfin ils les faifoient punir, leur motif n'étoit pas celui de la justice, mais celui de remplir leur bourse par la confiscation des biens, que le criminel avoit volés.

Ces énormités produifoient plufieurs inconvéniens; fur-tout, on voyoit que les peuples s'appauvriffoient fans fe corriger de leurs Défauts, & ceux qui fe voyoient ruinés, tâchọient de se dédommager fur ceux qu'ils croyoient

moins puiffans qu'eux; & tout cela avoit les méchantes fuites, dont nous venons de parler, & dont les Souverains feuls étoient coupables.

Cette vérité eft prouvée par Tite-Live, quand il récite l'hiftoire du don, que les Romains confacrerent à Apollon, du butin qu'ils firent fur les Véjentins car, les Ambaffadeurs de la République, qui portoient ce préfent, ayant été pris par les Corfaires de Lipari en Sicile, ils furent conduits dans cette ville, où Timafithée, qui y régnoit, s'informa de la nature du préfent, du lieu où on le portoit, & de la part de qui on le faifoit; en un mot, tout Sicilien qu'il étoit, il agit en Romain, & repréfenta à fon peuple, que c'étoit un facrilege de s'approprier un don de cette nature. Ainfi il renvoya les Ambaffadeurs & tout ce qui leur appartenoit avec l'applaudiffement de tout le monde; & l'hiftorien finit fon récit par ces termes » Timafithée remplit de dévotion & de piété le cœur du peuple, » qui est toujours femblable à fon Souverain. « Laurent de Médicis difoit auffi, » qu'un Souverain eft le modele de fes fujets, parce qu'il n'en eft >> point qui ne tourne les yeux fur lui. «

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DÉFENSE DE SOI-MÊM E.

S. I.

Du foin & du droit de fe défendre foi-même.

LA loi naturelle veut que nous aimions notre prochain; mais cet amour

ne nous est pas ordonné pour nous détruire, & nous fommes nous-mêmes notre premier prochain. Elle ne nous permet pas feulement de nous conferver, elle nous l'ordonne par cela même qu'elle nous prescrit de nous aimer. La loi, qui nous défend de fortir de la vie par l'effort de nos propres mains, nous ordonne de la fauver de la violence de nos ennemis. Tout être perfévere naturellement dans fon existence, & l'homme eft porté naturellement à faire tout ce qui dépend de lui pour arrêter les entreprises qui attaquent fon individu.

La Défense de foi-même eft donc de droit naturel.

L'obligation d'obferver les loix naturelles eft commune à tous les hommes, &, par conféquent, perfonne n'a le privilege de les violer & d'être à l'abri de ces mêmes loix qu'il enfreint.

Un agreffeur doit s'imputer le mal qui peut lui arriver d'une inobservation dont il eft lui-même la caufe. Celui qui lui nuit par le droit d'une jufte Défense, ne fait que repouffer la force par la force, fon objet n'eft que de fe défendre & d'empêcher que le droit naturel ne foit violé à fon égard, de lui qui étoit difpofé de l'obferver envers l'agreffeur. Un agref

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