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Quand l'insurrection lui demanda de se décimer, elle imagina de se montrer à l'insurrection, fut bafouée, eut peur et se décima. Quand le Comité de salut public lui prit Danton et ses plus illustres chefs, elle eut peur et les laissa guillotiner, comme s'il ne se fût agi que du roi et de la reine de France. Quand Robespierre lui proposa de renoncer au droit de la défense pour ses propres membres, elle frémit, hésita entre deux peurs, et chacun espérant ne livrer que la tête de ses voisins, tous cédèrent. Quand Robespierre fut vaincu, elle l'insulta mort, comme elle le révérait vivant. A la fin elle tomba sous le poids de l'horreur publique 1. »

Ni pendant les quinze années de la monarchie de 1815, ni pendant les dix-huit années de la monarchie de 1830, les gouvernements n'eurent l'idée d'intéresser l'o

1. Seise mois de la révolution et les révolutionnaires, par N. A. de Salvandy, 1831, p. 424, 425.

pinion publique aux malbeurs de la royaute: les Bourbons de la branche ainee instan rent, il est vrai, la ceremonie expiatare in 21 janvier, mais alors même que la fe de la victime se nommait la daup.ee France, le 16 octobre resta une date sa retentissement solennel, et, dans un tempe où les statues se prodiguant aux les plus ordinaires, la statue de la re Marie-Antoinette fut enfouie dans le ra veau sépulcral du monument de la me d'Anjou.

Quant à la royauté de 1830, elie supprima la cérémonie du 21 janvier et rappela les régicides!

L'esprit révolutionnaire triompła se seconde fois, et de même qu'au se pr cédent, la philosophie encyclopediste mat conduit à la Terreur, l'exhumation drs même doctrines nous ramena presque n mêmes conséquences en 1848.

Sous la Restauration, les éditions de Vil toire et de Rousseau se succederent sans

interruption. Les villes, les villages, les campagnes en furent inondées. Sous la monarchie de 1830, le philosophisme ne fut plus qu'une arme surannée. On cria publiquement sous les fenêtres du roi des Français les immortels discours de Robespierre.

Un ministre osa déclarer à la tribune de la Chambre des députés que le roi LouisPhilippe régnait, non pas à cause de ses pères, mais malgré ses pères; et un tribunal de police correctionnelle, approuvé par une Cour royale, acquitta l'auteur d'une chanson où se trouvent ces deux vers:

Philippe portera la tête

Sur ton autel, ô Liberté!

Le goût du régicide était revenu; les sociétés secrètes aiguisaient leur appétit de sang royal; on ne peut donc être surpris qu'en ces jours malheureux, la mémoire de la reine Marie-Antoinette, non vengée par la Restauration, ait été sacrifiée à la glori

fication de Robespierre, de Saint-Just, de Danton et même de Marat!

Nous n'exagérons rien, et, pour convaincre les plus incrédules, il suffit de s'arrêter sur les quelques lignes que nous empruntons au livre déjà cité de M. le comte de Salvandy:

« On est arrivé à la Terreur de plein saut. C'est en la connaissant, en sachant ce que ce peut être, qu'on s'y complaît. On se vante de ce qu'on n'a pas fait, de ce qu'on voudrait faire c'est la forfanterie du crime. On a, ou ce qui est pis peut-être, on affecte la passion malheureuse du sang; on se rejette dans le passé pour la satisfaire, comme les oiseaux de proie qui, faute de mieux, fouillent les tombeaux. Il y a vingt siècles, les barbares dont nous descendons, dressaient des bûchers triangulaires, y plantaient une épée, immolaient des victimes humaines et adoraient. Notre jeunesse est conviée au pied d'un autel où brille aussi

le glaive, où les victimes humaines ont été égorgées par milliers. Les barbares l'appellent Yautel de la liberté, et le dirai-je? cet autel, c'est la hideuse guillotine '!

1. Seize mois de la révolution et les révolutionnaires, 1831, par N. A. de Salvandy.

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