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onsieur Sénac de Meilhan fit imprimer à Hambourg, en 1795, un

M

livre qui a pour titre : Du gouver

nement, des mœurs et des conditions en France avant la révolution; dans le chapitre qu'il y consacre au roi et à la reine, nous trouvons la phrase suivante qui semble une prévision prophétique des jugements erronés dont la mémoire de la reine Marie-Antoinette a taut à souffrir1; voici ce que nous lisons, en effet, à la page 38 de cet intéressant volume.

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1. « Depuis la liberté de la presse, d'infâmes libelles, de coupables écrits ont peint la reine à la nation comme une Frédégonde impure, s'accommodant de

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Qui peut assurer que la postérité n'adoptera pas une partie des atroces imputations faites à la reine, et consignées dans mille affreux libelles? >>

En effet, les affreux libelles dont parle M. Sénac de Meilhan ont porté leur fruit; il est resté quelque chose de leurs calomnies sur la mémoire de la reine, et ces calomnies dénuées de preuves la ternissent cependant comme une vapeur de soupçon, presque aussi nuisible que la conviction même.

Personne ne peut nier l'héroïsme de la reine Marie-Antoinette1, son dévouement au roi son mari, sa tendresse sans borne pour ses enfants, sa noble attitude devant la mort, non pas pendant une minute, non

tous les sexes, souillée de tous les vices, et cause unique des calamités de l'empire. » (Correspondance d'un habitant de Paris, avec ses amis de Suisse et d'Angleterre, sur les événements de 1789, 1790, et jusqu'au 4 avril 1791. Paris, м. DCCXCI, p. 179.)

1. « La reine est le seul homme que le roi ait près de lui. » (Mirabeau.)

pas pendant une heure, mais pendant quatre ans; reine elle a grandi dans la prison à travers mille douleurs que le cœur humain ose à peine sonder; femme elle a élevé son courage au-dessus des forces de la femme, à la hauteur du courage le plus viril.

Aussi M. Chauveau-Lagarde, son défenseur, put-il justement s'écrier :

« Je ne suis, dans cette affaire, embarrassé que d'une seule chose; ce n'est pas de trouver des réponses, mais une seule accusation vraisemblable. »

Nous aussi, nous sommes embarrassé de n'avoir à répondre à aucune accusation vraisemblable, et de nous trouver, commenous le disions en commençant cette notice, en présence de jugements qui ne reposent sur aucune preuve. Lorsque le jour de l'impartialité sera enfin venu, quel ne devra pas être l'étonnement de nos neveux en lisant les accusations dirigées contre la dernière

reine de France? que penseront-ils de la générosité d'un grand peuple, si indulgent en général pour toutes les femmes, et qui, pour la reine Marie-Antoinette seule, s'est montré sans justice? Ils chercheront alors les fautes de cette femme, qu'Antoine Fouquier-Tinville compare à Messaline, à Brunehaut, à Frédégonde, à Catherine de Médicis, et dont il termine enfin le portrait par l'infâme calomnie que nous avons le courage de rapporter.

« La veuve Capet, immorale sous tous les rapports et nouvelle Agrippine, est si perverse et si familière avec tous les crimes, qu'oubliant sa qualité de mère et la démarcation prescrite par les lois de la nature, elle n'a pas craint de se livrer, avec LouisCharles Capet, son fils, et de l'aveu de ce dernier, à des indécences dont l'idée et le nom seul font frémir d'horreur. »

1. << Dans la matinée du 13 vendémiaire an I (14 octobre 1793), Simon, qui par l'entremise du citoyen

La postérité cherchera, comme nous, la preuve de ces crimes qui faisaient frémir d'horreur Fouquier-Tinville. Elle cherchera les preuves de cette légèreté de mœurs qui lui a été attribuée par ceux qui pensent qu'une calomnie repose toujours sur quelque fondement. La postérité fera, en un mot, ce que nous avons fait; elle ne rencontrera pas, plus que nous ne les avons rencontrées, les preuves des crimes et des légèretés de la reine.

Daujon, officier municipal, avait le mot d'Hébert, prévient Chaumette que le petit Capet se trouve disposé à répondre à toutes les questions qu'on aurait à lui faire dans l'intérêt de la justice. Le maire et le procureur de la commune décident qu'ils se rendront au Temple, accompagnés de deux membres du conseil général (Laurent et Friry). Avis est donné à Simon de se tenir prêt pour le surlendemain. Le 15 vendémiaire (6 octobre), Pache et Chaumette arrivent à la tour avec leur escorte. Leur entrée dans la chambre de Simon impose d'abord au jeune prince, dont l'ivresse, préparée avant l'heure, commençait à se passer, et dont le front perdait insensiblement la fugitive rougeur que l'eau-de-vie y avait fait éclore. L'é

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