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révolution française, mais comme les instigateurs de la Terreur, les complices antécédents de Robespierre. Nous citerons, pour corroborer notre opinion, l'aveu même que Robespierre fit dans son fameux discours du 18 floréal an 11 de cette paternité et de cette complicité.

"La raison humaine marche depuis longtemps contre les trônes, à pas lents et par des routes détournées, mais sûres.... Dès longtemps les observateurs éclairés pou

1. Le Mercure de France du samedi 7 août 1790, rendant compte de la vie de Voltaire par le marquis de Condorcet, s'exprime ainsi :

« Il semble qu'il étoit possible de développer davantage les obligations éternelles que le genre humain doit à Voltaire. Les circonstances actuelles fournissoient une belle occasion. Il n'a point vu tout ce qu'il a fait; mais il a fait tout ce que nous voyons. Les observateurs éclairés, ceux qui sauront écrire l'histoire prouveront à ceux qui savent réfléchir, que le premier auteur de cette grande révolution qui étonne l'Europe, et qui répand de tout côté l'espérance chez les peuples et l'inquiétude dans les cours c'est sans contredit Voltaire. C'est lui qui a fait tom

ses courtisans, la royauté perdait les

siens.

Les novateurs en étaient arrivés à ce point d'aberration qu'ils ne comprenaient le progrès qu'au moyen d'un cataclysme de désorganisation générale.

Le mot de liberté s'échappait de leurs lèvres, et ce n'était pas seulement la liberté que voulaient ces hommes, c'était d'abord et avant tout les saturnales de la licence; aucun d'eux n'envisageait la liberté et l'égalité sous leur véritable aspect : ce qu'ils décoraient de ces noms c'était l'absence de tout frein, l'abaissement de toute supériorité, la destruction de toute croyance.

Les querelles du parlement et de la royauté avaient affaibli l'autorité ; celles du jansénisme et du molinisme avaient ouvert une large brèche aux ennemis de

1. Les Anglais sont frappés d'admiration, en voyant que les parlements de France sont encore plus antiroyalistes que le parlement d'Angleterre. London, Evening Post, jan. 1764.

l'Église, avaient introduit le public dans la discussion des choses religieuses, et, en faisant prendre parti au pouvoir entre les deux sectes qui divisaient l'Église et la France, avaient habitué les esprits à décider civilement les questions du domaine spirituel.

Rien ne fut plus fatal au respect dû à l'Église que l'administration des sacrements ordonnée par le parlement; le jour où les parlements se firent conciles, le jour où la royauté intervint dens ces querelles du parlement et de l'Église, les trois autorités furent ébranlées, la confiance en leur infaillibilité fut détruite, et toutes trois sortirent de cette lutte mortellement blessées.

Puis enfin, comme le dit Mme de Staël, dans ses Considérations sur les principaux événements de la révolution française1.

<< Louis XVI eut tort de se mêler de la

1. Considérations sur les principaux événements de lá révolution française, ouvrage posthume de Mme la baronne de Staël. Paris, 1818, tome I, p. 87, 88.

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guerre entre l'Amérique et l'Angleterre, quoique l'indépendance des États-Unis fût désirée par toutes les àmes généreuses. Les principes de la monarchie française ne permettaient pas d'encourager ce qui devait être considéré comme une révolte d'après ces mêmes principes.

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La cause de l'Amérique et les débats du parlement d'Angleterre à ce sujet exciterent un grand intérêt en France. Tous les Français qui furent envoyés pour servir avec le général Washington revinrent pénétrés d'un enthousiasme de liberté qui devait leur rendre difficile de retourner tranquillement à la cour de Versailles, sans rien souhaiter de plus que l'honneur d'y être admis. Il faut attribuer la révolution à tout et à rien; chaque année du siècle y conduisait par toutes les routes. »

Sans doute la guerre d'Amérique ne fut pas la seule cause de la révolution, mais

personne ne peut nier l'influence qu'elle exerça sur sa marche et l'enthousiasme irréfléchi qu'elle fit naître pour les idées républicaines. Le peuple français, à la voix de La Fayette, se crut jeune comme le peuple américain. Cette opinion est parfaitement développée dans un livre récent qui a pour titre : Etudes historiques sur la révolution française de 1789, par un étranger1.

« Le résultat de la guerre d'Amérique, en amenant l'émancipation des colonies, sanctionnant en quelque sorte les efforts d'un peuple pour obtenir son indépendance

par la voie de l'insurrection: tout cela devenait très-contagieux pour les Français, dans un temps où la discussion des doctrines touchant l'émancipation générale des peuples faisait jaillir une foule de maximes hardies. Dès lors, les partisans des garanties constitutionnelles, même d'une liberté

1. Études historiques sur la révclution française de 1789, par un étranger.-Paris, 1857, t. I, p. 203, 204.

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