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complie sans secousses, et qui devait réformer la société sans l'enlever à ses plaisirs 1

En apparence tout était encore debout, tout vivait de ce qui avait fait la gloire et la force de la monarchie française; la société se mouvait dans le même cercle, le roi conservait le même pouvoir. En réalité, royauté et société étaient mortes, leurs cadavres restaient debout, mais l'esprit ne les animait plus; chacun avait contribué à cette mort: royauté, clergé, magistrature, noblesse et peuple 2.

1. « La pudeur n'est qu'une invention de la volupté raffinée, il n'y a rien à craindre pour les mœurs de la part de l'amour, cette passion forme les génies et les gens vertueux. » (Helvétius, de l'Esprit, discours II, chap. Iv et xv.)

2. « Ceci a besoin d'un court développement : le roi, en assemblant les états généraux, a eu le plaisir d'humilier la morgue des parlements. Les parlements ont eu le plaisir d'humilier la cour. La noblesse a en le plaisir de mortifier les ministres, Les banquiers ont eu le plaisir de détruire la noblesse et de piller le clergé. Les curés ont eu le plaisir d'être évêques. Les

Des réformes sans révolution ne paraissaient pas à quelques philosophes une satisfaction assez complète accordée à cette partie du peuple français qu'ils désignaient sous le nom de déshérités. Comme à une armée victorieuse, il leur semblait indispensable de lui octroyer le sac de l'édifice si longtemps assiégé. Ce qui avait existé était condamné, chacun se réservant de faire prévaloir ses idées sur ce qui devait le remplacer. Il n'était si petit compagnon qui

avocats ont eu le plaisir d'être administrateurs. Les bourgeois ont eu le plaisir de triompher des banquiers. La canaille a eu le plaisir de faire trembler les bourgeois. Ainsi chacun a eu d'abord son plaisir, tous aujourd'hui ont leur peine, et voilà ce que c'est qu'une révolution. » ( Dernier Tableau de Paris, ou Récit historique de la révolution du 10 août 1792, etc., etc., par S. Peltier. Londres, 1794, tome I, note de la page 16.)

1. « Les phénomènes de la nature ne prouvent l'existence de Dieu qu'à quelques hommes prévenus; et les merveilles de la nature ne sont que les effets nécessaires d'une matière prodigieusement diversifiée. » (Bon sens de Jean Meslier, n. 36.)

« C'est le corps qui sent, pense et juge, l'âme

et

ne se crût appelé à fonder un nouvel ordre social; toutes les théories avaient cours, toutes les divagations des empiriques, des intrigants, des ambitieux, les folies de quelques extravagants sans moralité recrutaient des sectateurs; la démagogie voyait grossir le nombre de

n'est qu'un être chimérique.» (Bon sens de Jean Meslier, n. 20 et 100.)

« On a tort de faire de l'âme un être spirituel, rien n'est plus absurde, cette âme n'est pas un être distinct du corps.» (Helvétius, de l'Esprit, n. 4 et 5.)

« L'immortalité de l'âme n'est qu'un dogme barbare, funeste, désespérant et contraire à toute législation.» (Boulanger, Antiquité dévoilée, p. 15.)

<< La sublime vertu, la sagesse éclairée, sont le fruit des passions qu'on appelle folie: on devient stupide dès que l'on cesse d'être passionné; vouloir modérer les passions, c'est la ruine des États. » (Helvétius, de l'Esprit, discours II et III.)

« La crainte de Dieu, loin d'être le commencement de la sagesse, serait plutôt le commencement de la folie.» (Boulanger, Christianisme dévoilé, p. 163, en note.)

« Le commandement d'aimer ses père et mère est plus l'ouvrage de l'éducation que de la nature. » (Helvétius, de l'Homme, chap. vIII.)

ses courtisans, la royauté perdait les

siens.

Les novateurs en étaient arrivés à ce point d'aberration qu'ils ne comprenaient le progrès qu'au moyen d'un cataclysme de désorganisation générale.

Le mot de liberté s'échappait de leurs lèvres, et ce n'était pas seulement la liberté que voulaient ces hommes, c'était d'abord et avant tout les saturnales de la licence; aucun d'eux n'envisageait la liberté et l'égalité sous leur véritable aspect ce qu'ils décoraient de ces noms c'était l'absence de tout frein, l'abaissement de toute supériorité, la destruction de toute croyance.

Les querelles du parlement et de la royauté avaient affaibli l'autorité ; celles du jansénisme et du molinisme avaient ouvert une large brèche aux ennemis de

1. Les Anglais sont frappés d'admiration, en voyant que les parlements de France sont encore plus antiroyalistes que le parlement d'Angleterre. — London, Evening Post, jan. 1764.

l'Église, avaient introduit le public dans la discussion des choses religieuses, et, en faisant prendre parti au pouvoir entre les deux sectes qui divisaient l'Église et la France, avaient habitué les esprits à décider civilement les questions du domaine spirituel.

Rien ne fut plus fatal au respect dû à l'Église que l'administration des sacrements ordonnée par le parlement; le jour où les parlements se firent conciles, le jour où la royauté intervint dens ces querelles du parlement et de l'Église, les trois autorités furent ébranlées, la confiance en leur infaillibilité fut détruite, et toutes trois sortirent de cette lutte mortellement blessées.

Puis enfin, comme le dit Mme de Staël, dans ses Considérations sur les principaux événements de la révolution française1.

«Louis XVI eut tort de se mêler de la

1. Considérations sur les principaux événements de la révolution française, ouvrage posthume de Mme la baronne de Staël. Paris, 1818, tome I, p. 87, 88.

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