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Toutes les fois qu'une solennité scientifique vous rassemble, vous voyez réunies autour de vous les femmes les plus distin= guées par les qualités du cœur ou par les dons de l'intelligence.

« Ce n'est pas le sentiment d'une frivole curiosité qui peut seul les déterminer à braver l'aridité d'une séance littéraire. Celles dont la présence ajoute tant d'éclat aux récompenses que vous décernez, sont dominées par de plus nobles inspirations. Sœurs, elles s'associent aux succès d'un frère; épouses, elles s'identifient avec les goûts et la pensée d'un époux; mères, elles devancent l'avenir, et voient déjà, au milieu de vous, la place que doit

PUBL. TOM. V.

occuper un jour l'enfant dont elles dirigent les premiers pas dans la vie.

«La mère de famille a de l'admiration pour toutes les gloires, de l'enthousiasme pour toutes les illustrations. Dans l'état actuel des sociétés, son fils ne peut-il pas aspirer à tout? Qui donc peut avoir plus d'intérêt qu'elle à l'éducation qui doit former son cœur, à l'instruction qui doit orner son esprit ?

Depuis dix ans, la question d'enseignement a vivement préoccupé l'Europe entière; mais on semble avoir trop oublié que si l'État demande à l'instruction publique des savants qui l'honorent, la Patrie veut avant tout des citoyens qui la soutien nent l'éducation seule peut les lui donner.

« Ce n'est pas dans les grands établissements où elle va chercher la science, que l'enfance peut puiser les principes de vertu, de droiture et d'honneur; il faut qu'elle en ait trouvé le germe sous le toit paternel.

« Auprès du foyer domestique, il existe des institutrices qui veillent sans cesse sur l'enfant; la nature leur a donné la patience, la tendresse, le dévouement; elles sont nombreuses: car tandis que douze cents instituteurs seulement prêtent, dans le Hainaut, leurs soins à l'instruction publique pendant une partie de la journée, plus de cinquante mille mères sont appelées, à toute heure, à former le cœur de plus de cent mille enfants. Et l'on dédaigne leur influence, et l'on néglige de tirer parti de leur toute puissante intervention!

« Dans un siècle où le besoin de réforme qui tourmente les populations, a fait jeter pêle-mêle au creuset de l'examen toutes les questions sociales, la position des femmes a parfois excité la sollicitude des économistes; mais la plupart d'entr'eux, dominés

par l'inflexibilité du système dont ils préconisaient l'excellence, se sont vus entraînés dans des extrêmes qui ont été frappés par le ridicule, ou vivement repoussés par le sentiment de la justice. humanitaire.

« Les uns, dans la généreuse pensée de rendre à la femme toute sa dignité originelle, ont assimilé ses droits à ceux de l'homme, et, la posant en divinité rivale, ils ont proclamé son indépen= dance absolue: ils ont rêvé la femme libre. Les autres, épou vantés des conséquences de cette effrayante égalité, lui ont impitoyablement refusé tout droit, toute influence; ils l'ont ra baissée à la condition d'un être essentiellement passif: ils ont fait la femme esclave.

<«<Les uns et les autres se sont égarés en suivant des routes différentes; ils n'ont pas écouté les conseils de la nature. Pourquoi a-t-elle refusé à la femme la force physique? Pourquoi lui a-telle donné une constitution si fragile, un tact si exquis, des organes si impressionnables? C'est parce qu'en lui destinant une place spéciale dans l'harmonie des êtres, elle lui avait réservé une douce et paisible mission.

«Sa voix si douce peut-elle se faire entendre au milieu des tumultueux orages du forum; ses regards si timides peuvent-ils étinceler au feu des passions politiques; ses doigts délicats pour= raient-ils, sans être broyés, effleurer les rouages du char gouver nemental?

«Mais si la nature elle-même semble avoir interdit à la femme toute participation aux affaires publiques, si de hautes considérations sociales l'ont placée, au point de vue légal, sous la tutelle de l'époux auquel elle s'est associée, en dehors du tourbillon des affaires, dans la paix de l'intérieur, une royauté appartient: celle du foyer domestique. Le ciel lui a prodigué

lui

tous les dons nécessaires pour l'exercer; il a placé dans son cœur un trésor inépuisable de tendresse et d'amour. Suivez-la dans toutes les phases de la vie, vous verrez ces sentiments dominer son existence: ils se révèlent dans la petite fille par les soins maternels dont elle entoure le simulacre d'enfant qu'on a placé dans ses mains; elle grandit, c'est sur sa mère qu'elle reporte la surabondance de ses affections; plus tard, elle ren= contre celui qui doit donner un nouvel aliment à son amour; elle lui abandonne sa destinée et il absorbe seul toute son existence, jusqu'au moment où elle achète douloureusement le bonheur de la maternité. Dès lors l'amant et l'époux se sont effacés, ou plutôt elle les retrouve tous deux dans son enfant, cette autre partie d'elle-même, avec laquelle elle conservera toute la vie la plus intime affinité. Personne mieux qu'elle ne pourrait remplir cette mission; le père, distrait par les préoccupations du dehors, ne donne à la famille que le temps qu'il dérobe aux affaires; les jouissances du foyer ne sont pour lui que des accessoires; ses mains sont trop robustes pour manier cette frêle créature; sa voix trop puissante l'effraie; sa tendresse, c'est le doux sentiment de la piété; pour la mère, au contraire, l'enfant c'est l'occupation prin= cipale, c'est le bonheur de tous les instants. Dès qu'il ouvre les yeux à la lumière, elle l'enveloppe de sa sollicitude, elle épie les progrès de sa petite intelligence; il reçoit d'elle les pre-= mières impressions; le premier nom que sa bouche prononce en bégayant, c'est celui de sa mère; c'est elle qu'il invoque dans ses souffrances, c'est-elle aussi qui partage ses jeux enfantins; elle descend à sa portée; avec lui elle est enfant encore; c'est un ange tutélaire que le créateur a posé à ses côtés pour le couvrir de ses ailes.

« Choisissez-la donc pour imprimer dans ce cœur si malléable encore les premiers principes de vertu. Personne mieux qu'une mère ne connait l'éloquence de l'enfance; à chaque minute du jour elle lui donne ses leçons, elle les donne en jouant, elle

les fait percevoir sous mille formes. Laissez-la faire, elle saura saisir le moment favorable; elle connait la récompense la plus désirée. Quand elle punit, elle est mère encore; la caresse qui suit la réprimande est en elle-même si douce et si pleine de regrets!

La jeune plante croitra, mais elle aura long-temps encore ses racines au sein où elle a reçu la vie; ne vous hâtez pas de l'en arracher. Si vous êtes assez heureux pour vous trouver dans une position qui ne vous fasse pas une impérieuse nécessité de livrer de bonne heure l'enfant à l'instruction publique, laissez-le croitre auprès de sa mère, laissez à celle-ci le bras de son fils pour appui, ne craignez pas, comme l'a dit un profond apprécia teur du cœur humain, qu'il devienne femme avec elle, elle deviendra plutôt homme avec lui,

« Pour que la mère puisse dignement remplir la haute et sainte mission qui doit lui être confiée, il faut que le chef de famille l'élève jusqu'à lui, qu'il fasse passer dans ses convic= tions les principes de probité, d'honneur et d'indépendance qu'elle doit graver au cœur de ses enfants; il faut que le premier il les mette sans cesse en pratique: il ne manquera pas de les retrouver un jour dans son fils; il peut s'en reposer sur la sollicitude d'une mère. Elle est toujours si fière et si heureuse de trouver de la ressemblance entre son fils et un époux aimé!

« Pour rendre complète cette assimilation entre l'époux, l'é= pouse et les enfants, assimilation sur laquelle repose le bonheur de la famille, pour rendre à jamais durable cette union intime sans laquelle il ne peut exister de repos sous le toit conjugal, pour que l'homme ne soit jamais forcé de ressaisir cette suprématie d'intérieur qu'il est si doux d'abandonner à une compagne sage et dévouée, il faut qu'il veille sans cesse autour du foyer domes= tique, qu'il en écarte impitoyablement toute influence fatale

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