Page images
PDF
EPUB

place lorsque l'homme, pour qui elles sont faites, en aura besoin. Le nombre se remarque dans la multitude nécessaire de tout ce qui compose cet univers; et la mesure, c'est la règle de l'usage que l'homme doit faire de toutes les créatures qui sont pour lui.

Maintenant, on peut voir que les vérités ou les lois qui règlent cet ordre, font cette justice dont nous parlons, et dont il est dit dans un prophète, que la justice s'établit dans le poids et dans la mesure, Isaiæ 28. 17; car, ce sont ces vérités qui montrent à tous les hommes en général et en particulier ce qu'il faut faire pour conserver leur société, lorsqu'elles enseignent dans ces premières notions communes à tout le monde, que tous doivent vivre dans l'ordre, que personne ne doit troubler les autres dans le leur, et qu'il faut que chacun dans le sien ait la liberté de l'usage des moyens qui lui sont nécessaires pour aller à la fin, ce que nos lois, dans leur manière, expriment ainsi, mais toujours dans le même sens : vivre dans l'honnêteté, ne faire mal à personne et rendre à chacun ce qui lui appartient, § 3. de just. et jur.; ce qui fait les premiers préceptes de la justice.

Mais comme la vérité ne paraît jamais mieux que par l'opposition du mensonge, pour voir plus clairement l'étendue et la nécessité de ses préceptes généraux, il faut voir les désordres qui s'y opposent, et qui font le sujet de la justice qui nous occupe.

Le premier désordre qui arrive dans cette société universelle, et qui est la source de tous les autres, est que la plupart s'égarent dans la recherche de la fin, et qu'au lieu d'aller à la vérité par le poids de leur amour dans la mesure de l'usage des moyens qui les y conduisent, ils s'arrêtent sur ces moyens; et parce qu'ils y trouvent quelque vestige et quelque caractère de la vérité, qui en est le modèle, ils s'attachent à ces beautés particulières par où ils devaient seulement passer; et au lieu de s'en servir dans la mesure pour la nécessité qu'ils en ont, ils en veulent jouir sans bornes pour le plaisir qu'ils y rencontrent; et comme ils ne trouvent dans aucune de toutes ces choses la félicité qu'ils y cherchent, c'est une suite toute naturelle que le besoin qu'ils en ont, le plaisir qu'ils y goûtent, et la recherche inutile du repos qu'ils n'y trouvent pas, forment une soif inquiète qui les tourne vers tous ces objets, et les attache en cent manières différentes à tous ceux où ils trouvent quelque complaisance. Or, comme presque tous les hommes sont dans le même égarement et dans la même inquiétude, et qu'il faut que les volontés, qui sont dans cette soif malade, sortent de nécessité comme au dehors, pour aller chercher cette vaine félicité, lorsque les uns se la proposent dans les plaisirs, les autres dans les honneurs, et la plupart dans tous les deux, et dans tout le reste de ce qu'ils aiment, il arrive que toutes ces volontés, sortant comme hors d'elles pour aller à cette

rence de l'ancien droit, exprimé par un organe aussi pur, et les lois nouvelles qui ont érigé en droit positif les règles de Domat.....

Nous avons entendu plusieurs membres de nos assemblées parlementaires se plaindre de ne pouvoir pénétrer dans les mystères de notre ancien et de notre nouveau droit, et exprimer le désir d'en avoir des idées élémentaires assez nettes pour bien comprendre toutes les difficultés législatives qui leur sont proposées, ou dont ils ont à chercher la solution pour s'éclairer eux-mêmes sur les matières législatives qui, si elles diffèrent dans leurs objets, ont une racine commune. Rien n'est plus propre à les satisfaire que les divers traités de Domat, accompagnés des citations nombreuses qui marquent leurs rapports semblables ou différentiels avec notre nouvelle législation ......(1).

Embarrassés dans le choix des divers traités particuliers, a dit le rédacteur de la Gazette de France, nous ne savons comment réunir la législation toute entière et mettre en rapport le droit nouveau avec le droit ancien. Cet enchaînement logique exige de longues et pénibles études; elles n'ont point rebuté l'habile jurisconsulte, éditeur des œuvres complètes de J. Domat. M. J. Remy a eu l'heureuse et persévérante idée de mettre toutes les questions traitées par le jurisconsulte législateur du 16° siècle, en corrélation avec nos lois actuelles. Il a fait marcher, il a ramené les divers ouvrages de Domat à notre siècle. Grace aux travaux de M. J. Remy, nos deux législations sont expliquées l'une par l'autre, et forment aujourd'hui le monument le plus précieux de nos droits et de nos devoirs.... (2).

Peu de livres sont en plus haute estime auprès des jurisconsultes que celui de Domat. Les plus grandes lumières du barreau français se sont plu à rendre une éclatante justice à ce célèbre auteur.....

Après avoir recueilli et coordonné les principes des lois civiles, Domat en fit autant pour ceux du droit public, science si importante, si négligée de nos jours..... Il fut le premier et le dernier qui les mit en ordre, et en fit connaître la nature et les bases. L'ouvrage de Domat est un véritable code national; c'est de son sein, comme d'une source abondante et fertilisante, que toute notre législation est sortie. Il a été le guide et le flambeau de nos législateurs modernes, et on dénombrerait difficilement ce qu'il a improvisé d'hommes d'état, de conseillers, à une époque où l'on voulut faire croire que nos codes étaient l'œuvre de la science improvisée.....

M. J. Remy s'est proposé, non-seulement de nous restituer Domat, dégagé de toute superfluité, mais encore d'établir, si je puis m'exprimer ainsi, la génealogie et la filiation de notre droit public, de nos codes, de nos lois et de nos régiemens d'administration, en plaçant à la suite de chaque question traitée par l'auteur l'indication des articles, des dispositions fondamentales, législatives ou réglementaires qui s'y rapportent, de manière à présenter la corrélation ou les différences existantes entre l'ancien droit et le nouveau. Cet immense travail, fruit des plus laborieuses recherches, est complété par la citation des lois, arrêtés, sénatus-consultes, décrets, ordonnances, arrêtés du conseil, décisions judiciaires ou administratives.

Ainsi se trouve établi l'enchaînement du droit romain et du droit actuel dont l'œuvre de Domat a été l'intermédiaire et le principe. Ainsi se trouvent applanis les obstacles qui séparaient les deux législations. M. Remy a réuni en un seul corps trois époques et trois systèmes d'institutions, qui, quoique dérivant l'un de l'autre et ayant toutes les analogies d'une même origine, présentent des différences qui appartiennent au génie des temps..... (3).

[ocr errors]

(1) Extrait du journal du Commerce du 22 février 1830. (2) Extrait de la Gazette de France du 8 février 1830. (3) Extrait de la Gazette de France du 10 avril 1830.

PRONONCÉES

PAR J. DOMAT,

DANS LE TEMPS QU'IL EXERÇAIT LA CHARGE D'AVOCAT DU ROF AU SIEGE PRÉSIDIAL DE CLERMONT.

HARANGUE

Prononcée aux assises de l'année 1657.

CETTE Coutume que nous renouvelons toutes les années, est aujourd'hui bien éloignée de son origine, et du dessein des lois qui l'ont établie. On convoquait autrefois les assises, pour y faire la lecture des ordonnances, et pour obliger les juges d'y venir répondre de leurs jugemens: mais c'était en un temps où les lois n'étaient pas encore si multipliées, que la lecture en fût longue, ni le souvenir difficile, et où les juges portaient eux-mêmes la peine de leur injustice. Maintenant il est arrivé, par un effet bizarre du déréglement ordinaire dans la condition de toutes les choses humaines, que la multiplication des abus, ayant donné sujet à la multiplicité des lois, et celle des lois ayant encore produit de nouveau, par une malheureuse fécondité, des désordres encore plus grands, il n'a plus été possible, ni de lire les lois, ni d'en punir les violemens.

Ainsi les remèdes cédant au mal, ces assemblées qui étaient destinées à la réformation des désordres et des abus, et qui étaient considérées comme une espèce de spectacle, où l'on faisait voir la justice à tout le monde, en la faisant sentir publiquement aux manvais juges, ne servent plus qu'à la seule curiosité, et l'on n'y vient plus qu'avec le même esprit qu'on apporte aux occasions les moins sérieuses, de sorte que cette disproportion, qui se rencontre entre l'attente de ceux qui viennent nous écouter, et le dessein que nous devons avoir dans nos remontrances, serait un juste motif de nous tenir dans le silence.

Ce n'est pas sans sujet que Dieu demande aux juges l'amour de la vérité, qui peut être appelée, selon que nous la concevons, une lumière qui éclaire l'entendement, et le persuade par ellemême avec une clarté si pure, si manifeste, et toujours si égale et si invariable, qu'aussitôt qu'elle lui paraît, il l'embrasse comme son objet sans aucun mélange ni d'erreur ni de doute, et

[ocr errors]

sans aucun embarras de raisonnement. Par exemple, dans la justice dont nous parlons, cette lumière qui nous enseigne que nous ne devons pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fit, est une vérité à laquelle on consent en même temps qu'on l'a connue, et c'est aussi l'une des règles de la justice; de même tous les autres préceptes de la justice, qui participent de cette clarté et de cette certitude, sont des vérités dont tout le monde est convaincu, et des règles sur lesquelles on est jugé ou juste ou injuste, selon qu'on s'y attache, ou qu'on s'en éloigne; et parce que ces règles sont immuables et demeurent toujours les mêmes, soit qu'on s'en approche, ou qu'on s'en éloigne, il faut qu'elles soient quelque chose de plus relevé que l'esprit de l'homme qui est si changeant; ainsi, elles ne peuvent être que Dieu même.

Aussi est-il certain qu'il n'y a que Dieu seul qui soit toute vérité et toute justice, parce que la vérité est une règle et un modèle qui ne peut changer; et il n'y a que Dieu qui ne change point, et qui est l'idée et le modèle de toutes choses. Car, pour ne toucher que ce qui regarde notre sujet, lorsque Dieu, par exemple, établit l'ordre général de tout l'univers, et qu'il ordonne des devoirs de l'homme, il le fait en lui proposant sa loi, qui est la vérité, ce qu'un père de l'église a dit en ces deux paroles, la loi de Dieu, c'est la vérité, et la vérité c'est Dieu méme, Aug. 4. Conf. c. 9; et cette loi s'appelle justice. Ainsi, cette justice est la vérité; et si nous voulons monter jusques à la source, cette vérité c'est Dieu mème; mais pour descendre de cette loi et de cette justice universelle, qui comprend en général tous les devoirs de l'homme, à la justice dont nous pensons nous dispenser à cause de l'enchaînement où sont toutes les lois entre elles, de remarquer la disposition de l'ordre où Dieu a placé l'homme parmi le reste des créatures.

Cette disposition est telle que tous les hommes ensemble font une société naturelle, où tous sont destinés à une fin qui leur est commune; cette fin de l'homme, c'est la vérité, ou Dieu même qui la règle, et qui le dispose de telle sorte, qu'il est au-dessous d'elle, parce qu'elle est au-dessus de tout, et qu'en même temps il est au-dessus de tout le reste des créatures, qui lui sont soumises autant par la nécessité que par la dignité de sa condition, comme des moyens qui lui sont donnés pour le conduire à cette fin.

C'est de cet ordre qu'il est dit dans la sagesse, que toutes choses ont été faites avec poids, nombre et mesure, Sap. 11. 21; car le poids dans les hommes, c'est l'amour qui leur est donné pour les porter à cette fin; et, dans toutes les autres créatures, le poids, c'est la pente qui les porte chacune en leur lieu, pour conserver Vordre naturel de tout l'univers, afin qu'elles se trouvent en leur

place lorsque l'homme, pour qui elles sont faites, en aura besoin. Le nombre se remarque dans la multitude nécessaire de tout ce qui compose cet univers; et la mesure, c'est la règle de l'usage que l'homme doit faire de toutes les créatures qui sont pour lui.

Maintenant, on peut voir que les vérités ou les lois qui règlent cet ordre, font cette justice dont nous parlons, et dont il est dit dans un prophète, que la justice s'établit dans le poids et dans la mesure, Isaiæ 28. 17; car, ce sont ces vérités qui montrent à tous les hommes en général et en particulier ce qu'il faut faire pour conserver leur société, lorsqu'elles enseignent dans ces premières notions communes à tout le monde, que tous doivent vivre dans l'ordre, que personne ne doit troubler les autres dans le leur, et qu'il faut que chacun dans le sien ait la liberté de l'usage des moyens qui lui sont nécessaires pour aller à la fin, ce que nos lois, dans leur manière, expriment ainsi, mais toujours dans le même sens : vivre dans l'honnêteté, ne faire mal à personne et rendre à chacun ce qui lui appartient, § 3. de just. et jur.; ce qui fait les premiers préceptes de la justice.

Mais comme la vérité ue paraît jamais mieux que par l'opposition du mensonge, pour voir plus clairement l'étendue et la nécessité de ses préceptes généraux, il faut voir les désordres qui s'y opposent, et qui font le sujet de la justice qui nous occupe.

Le premier désordre qui arrive dans cette société universelle, et qui est la source de tous les autres, est que la plupart s'égarent dans la recherche de la fin, et qu'au lieu d'aller à la vérité par le poids de leur amour dans la mesure de l'usage des moyens qui les y conduisent, ils s'arrêtent sur ces moyens; et parce qu'ils y trouvent quelque vestige et quelque caractère de la vérité, qui en est le modèle, ils s'attachent à ces beautés particulières par où ils devaient seulement passer; et au lieu de s'en servir dans la mesure pour la nécessité qu'ils en ont, ils en veulent jouir sans bornes pour le plaisir qu'ils y rencontrent; et comme ils ne trouvent dans aucune de toutes ces choses la félicité qu'ils y cherchent, c'est une suite toute naturelle que le besoin qu'ils en ont, le plaisir qu'ils y goûtent, et la recherche inutile du repos qu'ils n'y trouvent pas, forment une soif inquiète qui les tourne vers tous ces objets, et les attache en cent manières différentes à tous ceux où ils trouvent quelque complaisance. Or, comme presque tous les hommes sont dans le même égarement et dans la même inquiétude, et qu'il faut que les volontés, qui sont dans cette soif malade, sortent de nécessité comme au dehors, pour aller chercher cette vaine félicité, lorsque les uns se la proposent dans les plaisirs, les autres dans les honneurs, et la plupart dans tous les deux, et dans tout le reste de ce qu'ils aiment, il arrive que toutes ces volontés, sortant comme hors d'elles pour aller à cette

« PreviousContinue »