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peut demander. Ce qui renferme le droit de lever des troupes, de fortifier de plus en plus les places fortes ou d'en faire d'autres selon le besoin, et, en général, de pourvoir à tout ce qui peut ètre nécessaire pour soutenir la guerre et en faire les frais par le secours des deniers publics. (Charte, art. 14. V. la page 24.)

27. Le droit de lever des troupes renferme celui d'obliger à prendre les armes, non-seulement ceux que leurs charges militaires peuvent y engager, mais aussi ceux qui, par des engagemens particuliers, pourraient être tenus de servir dans la guerre (1). Ainsi, en France les gentilshommes, et tous ceux qui tiennent des fiefs ou arrière-fiefs, doivent ce service. Car les gentilshommes n'ont cette qualité qu'avec cette charge, et tous les vassaux la doivent à cause de leurs fiefs qui relèvent ou de la couronne, comme les premiers et les plus grands fiefs, ou de ces premiers en arrière-fiefs. Ainsi, le roi a le droit d'obliger les vassaux et les gentilshommes à prendre les armes; ce qui se fait par des ordres qu'on appelle la convocation du ban et arrière-ban. (Charte, art. 12. V. lois du 10 mars 1818 et du 9 juin 1824.)

Dans l'empire romain, on obligeait au service les personnes qu'on y trouvait propres et qui étaient choisies par des officiers qu'on appelait conquisitores, qui faisaient ce choix qu'on appelait delectus; et c'était un crime de refuser le service quand on y était appelé. Mais ce choix n'était en usage que dans les cas de nécessité, et comme les troupes étaient d'ordinaire suffisamment remplies par des soldats volontaires, on modérait les peines de ceux qui refusaient de servir y étant appelés.

28. Le droit qu'a le souverain de tirer de l'état des finances nécessaires pour tous les différens besoins qu'on vient d'expliquer, s'étend à régler les dépenses ordinaires dans les temps de paix, et à régler aussi les dépenses extraordinaires dans les temps de guerre, et à pourvoir de fonds suffisans pour les soutenir, soit par des impositions ou par d'autres voies. Ainsi, les tailles, les gabelles, les aides, et les autres impositions et contributions, sont des secours que les sujets doivent à leur souverain, et qu'il a par conséquent le droit d'exiger selon le besoin (2).

[La Chambre des députés reçoit toutes les propositions d'impôts, ce n'est qu'après que ces propositions ont été admises, qu'elles peuvent être portées à la Chambre des pairs. (Charte, 47.)

par

Aucun impôt ne peut être établi ni perçu, s'il n'a été consenti les deux Chambres et sanctionné par le Roi. (Charte, 48.) L'impôt foncier n'est consenti que pour un an. Les impositions indirectes peuvent l'être pour plusieurs années. (Charte, 49.)]

29. Outre ces fonds des finances qui doivent être moindres ou plus grandes selon le besoin, le souverain a encore d'autres sortes de droits sur des biens qui sont naturellement à lui par sa qualité de chef du corps de l'état, et indépendamment des besoins

(1) L. 4, § 10, ff. de re milit. 1. Reg. 15. 18. (2) V. le tit. 4.

publics (1). Ce qui comprend quatre divers droits qui seront expliqués dans les articles qui suivent.

30. Le premier de ces droits est celui de la confiscation des biens des condamnés à des peines qui doivent avoir cette suite, telles que sont aujourd'hui en France les peines de mort, des galères perpétuelles, et du bannissement du royaume à perpétuité. (Charte, art. 66.) Car ceux qui sont dans cet état, étant incapables de rien posséder, et méritant d'ailleurs cette peine de la confiscation, ils sont justement dépouillés des biens qu'ils avaient. Ce qui fait que ces biens, demeurant sans maître, sont acquis au public, et passent au souverain qui en a les droits. Et il faut mettre au même rang les peines pécuniaires autres que les aumônes et les intérêts civils des parties. Ce sont ces peines qu'on appelle en France amendes envers le roi, qui s'adjugent ou sur les biens confisqués, lorsque la confiscation appartient à un seigneur justicier autre que le roi, ou sur les biens qui demeurent au condamné qui n'a pas encouru la confiscation (2). (Charte, art. 1, 2, 9.)

31. Le second de ces droits est celui qui acquiert au sonverain les biens vacans, c'est-à-dire qui se trouvent n'avoir point de maître, tels que sont les biens de ceux qui meurent sans aucun parent et sans testament; c'est ce droit qu'on appelle déshérence, c'est-à-dire défaut d'héritiers, qui fait passer au prince leurs successions. (C. civ. 713, 768, 539.) Et il y a aussi d'autres sortes de biens vacans, ainsi qu'on l'expliquera dans la section 3 du titre du Domaine (3).

32. Le troisième de ces droits est celui qu'on appelle en France le droit d'aubaine, qui acquiert au roi les biens des étrangers qui meurent en France sans y avoir acquis le droit de naturalité, et sans héritier qui soit naturel français. Car personne ne pouvant leur succéder, ces biens sont dans la condition d'une espèce de déshérence, et sont acquis au roi (4). (C. civ. 726, 912.)

33. Le quatrième et le dernier de ces droits est celui qu'on appelle en France de bâtardise, qui acquiert au roi les biens des bâtards, qui meurent sans avoir été légitimés par le mariage de leur père avec leur mère, et sans testament. Car, ne pouvant avoir aucun héritier légitime, leur succession tombe comme celle des étrangers dans le cas d'une déshérence (5). (C. civ. 765, 331, s.)

34. Il faut remarquer qu'il y a cela de commun en France à ces quatre sortes de droits, que le roi dispose en trois manières différentes de ce qui peut lui être acquis par quelqu'un de ces

(1) V. les art. qui suivent et les sect. 2, 3, 4 et 5 du tit. du Domaine. (2) L. 2. C. de bon. dam. V. la sect. 2 du tit. du Domaine. (3) L. 1, ff. de success. edict. L. 1. C. de bon. vacant. V. la sect. 3 du tit. 6 du Domaine. (4) V. la sect. 4 du tit. 6 du Domaine. (5) V. la sect. 5 du tit. 6 du Domaine.

divers titres. Car si ce sont des terres, il peut les incorporer au domaine par les voies qui doivent avoir cet effet, et qui seront expliquées en leur lieu; ainsi, il y a des terres unies à la couronne par des confiscations. Ou il peut en faire des dons à des personnes qu'il veuille en favoriser, ou à qui il veuille donner quelque récompense. Et pour les amendes pécuniaires, et autres biens qui sont en deniers, il peut ou les donner, ou comprendre ces sortes de profits dans les fermes du domaine, et les laisser à ceux qui tiennent ces fermes. Car toutes ces manières qui font passer au prince ces diverses sortes de biens, ne les rendent inalienables qu'après qu'ils sont unis au domaine, ainsi qu'il sera expliqué en ce même lieu (1).

SECTION III.

Des devoirs de ceux qui ont le gouvernement souverain.

1. Le premier et le plus essentiel de tous les devoirs de ceux que Dieu élève au gouvernement souverain, est de reconnaître cette vérité, que c'est de Dieu qu'ils tiennent toute leur puissance, que c'est sa place qu'ils remplissent, que c'est par lui qu'ils doivent régner, et que c'est de lui qu'ils doivent tenir l'intelligence et la sagesse qui doivent faire en eux l'art de gouverner. Et c'est de ces vérités qu'ils doivent faire les principes de toutes les règles de leur conduite, et les fondemens de tous leurs devoirs (2). (Charte, 74. V. le serment de S. M. Charles X, p. 17.)

[.... Je me suis reporté vers les pensées que déja j'aurais voulu réaliser, mais qui devaient être mûries par l'expérience et commandées par la nécessité. Fondateur de cette Charte à laquelle sont inséparablement liées les destinées de mon peuple et de ma famille, j'ai senti, s'il est une amélioration qu'exigent ces grands intérêts aussi bien que le maintien de nos libertés, et qui ne modifieraient quelques formes réglementaires de la Charte que pour mieux assurer sa puissance et son action, il m'appartient de la proposer. (V. Charte, art. 16.)

Le moment est venu de fortifier la Chambre des députés et de la soustraire à l'action annuelle des partis, en lui assurant une durée plus conforme aux intérêts de l'ordre public, et à la considération extérieure de l'état, ce sera un complément de mon ouvrage; plus heureux que d'autres états ce n'est pas dans des mesures provisoires, mais dans le développement naturel de nos institutions que nous puiserons notre force.

C'est au dévouement, c'est à l'énergie des deux Chambres, c'est à leur union intime avec mon gouvernement que je veux demander les moyens de sauver de la licence les libertés publiques, d'affermir la monarchie et de donner à tous les grands intérêts garantis par la Charte cette profonde sécurité que nous leur devons.

(1) V. les art. 22, 23, 24 et 25 de la sect. 1 du tit. 6 du Domaine. (2) V. l'art. 6 de la sect. I du tit. 1. 2 Paralip. 1. 9. 3 Reg 3.9. Sap. 9. 4. V. le préambule de ce tit. 1 Reg. 9. 16.

Nous poursuivons en même temps la tâche de mettre toutes nos lois en harmonie avec la monarchie constitutionnelle, vous en avez précédemment adopté plusieurs qui tendent vers ce but, et j'ai donné ordre qu'on préparât celles qui assureront la liberté individuelle, l'impartialité des jugemens, l'administration régulière et fidèle des dépar

temens et des communes.

La Providence m'a imposé le devoir de fermer l'abîme des révolutions, de léguer à mes successeurs, à ma patrie des institutions libres, fortes et durables, et vous êtes associés à ce devoir sacré (1).

Voulant affermir de plus en plus dans mes états la Charte constitutionnelle qui fut octroyée par mon frère, et que j'ai juré de maintenir, je veillerai à ce qu'on travaille avec sagesse et maturité à mettre notre législation en harmonie avec elle.

Quelques hautes questions d'administration publique ont été signalées à ma sollicitude (la loi communale et la loi départementale). Čonvaincu que la véritable force des trônes est, après la protection divine dans l'observation des lois, j'ai ordonné que ces questions fussent approfondies, et que leur discussion fit briller la vérité, premier besoin des princes et des peuples (2). ]

2. La première conséquence de ces principes est que les souverains doivent savoir ce que Dieu demande d'eux dans cette place, et quel est l'usage qu'ils doivent y faire de cette puissance qu'il leur a donnée. Et c'est de lui qu'ils doivent l'apprendre, par la lecture de sa loi, dont il leur a expressément commandé l'étude, y ayant compris les règles qu'ils doivent savoir pour bien gouverner (3),

[Lorsque pour la première fois je viens, dans cette enceinte, m'environner des grands corps de l'état, des représentans d'une nation qui ne cesse de me prodiguer les marques les plus touchantes de son amour, je me félicite d'être devenu le dispensateur des bienfaits que la divine providence daigne accorder à mon peuple (4).]

3. La première règle que donne la loi divine des devoirs du souverain est une suite de cette vérité, que c'est de Dieu qu'il tient sa puissance, et cette même loi divine qui enseigne aux princes cette vérité, et qui leur apprend l'usage naturel de cette puissance leur ordonne de n'en pas faire un instrument d'orgueil et de faste, mais de l'employer à faire tellement régner la justice qu'ils ne mettent l'autorité qu'à ce seul usage, et qu'ils l'y mettent dans toutes les occasions qui en arriveront sans que rien soit capable de les en détourner. Car un souverain doit se considérer comme père du peuple qui compose le corps dont il est le chef, et comme ayant à répondre au jugement sévère que Dieu exercera sur ceux qui auront mal usé de la puissance qu'ils tenaient de lui (5). ( Charte, 74.)

(1) 29 novembre 1819, discours du Roi à l'ouverture de la session des Chambres. (2) 5 février 1828, discours du Roi à l'ouverture de la session des Chambres. (3) Deuter. 17. 18. Jos. 1. 8. (4) Séance royale du 4 juin 1814. (5) Deuter. 17. 20. Sap. 6. 3.

[.... J'ai attendu, en silence, cette heureuse époque, pour m'occuper de la solemnité nationale où la religion consacre l'union intime du peuple avec son roi. En recevant l'onction royale au milieu de vous (son sacre qui n'a pas eu lieu), je prendrai à témoins le Dieu par qui règnent les Rois, le Dieu de Clovis, de Charlemagne et de saint Louis, je renouvellerai, sur les autels, le serment d'affermir les institutions fondées par cette Charte, que je chéris davantage depuis que les Français, par un sentiment unanime, s'y sont franchement ralliés.

Dans les lois qui vous seront présentées, j'aurai soin que son esprit soit toujours consulté, afin d'assurer, de plus en plus, les droits publics des Français, et conserver à la monarchie la force qu'elle doit avoir pour préserver toutes les libertés qui sont chères à mon peuples (1).]

4. Ce devoir des souverains de n'employer leur autorité que pour la justice, renferme celui d'un grand amour de cette justice qu'ils sont obligés de faire régner, et d'une grande application à connaître et à faire observer ce qu'elle demande (2).

5. C'est une suite de l'amour de la justice dans le cœur du prince, qu'il se rende accessible aux plaintes des personnes qui souffrent quelque violence ou quelque injustice, soit de la part de ceux qui abuseraient de l'autorité de la justice (P. 114, 115, s., 34, 117.), dont ils exerceraient quelque ministère, ou de ceux qui, par leur condition étant élevés au-dessus des autres, se serviraient de cet avantage pour les opprimer (3).

[La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre ceux qui gouvernent (4). ]

6. Comme le souverain ne peut exercer par lui-même toutes les fonctions où la puissance et l'autorité doivent faire régner la justice, et qu'il est obligé de diviser à un grand nombre de ministres et d'officiers ces différentes fonctions; la dispensation de la puissance souveraine qu'il tient de Dieu lui fait un autre devoir du bon choix des ministres et des officiers à qui il fait part de l'autorité. (Charte, art. 57, 14, 13, 54.) Ce qui l'oblige à connaître les personnes dans le cas où c'est lui-même qui doit en faire le choix, et pour les autres à faire observer les réglemens de son état, et ceux qu'il peut avoir faits pour pourvoir à remplir les charges de bons officiers, par leur capacité et leur probité, et à s'informer du bon ou mauvais usage qu'ils peuvent faire de l'autorité qu'ils ont en leurs mains (5).

[.... J'ai plus que jamais besoin de l'accord du peuple avec le trône, de cette force sans laquelle l'autorité est impuissante; plus cette autorité est forte, moins elle est contrainte à se montrer sévère. La manière dont les dépositaires de mon pouvoir ont usé de celui dont les lois les ont investis a justifié ma confiance (6).]

(1) 10 décembre 1818, discours du Roi à l'ouverture de la session des Chambres. (2) Sap. 1. 1. 3 Reg. 3. 9. (3) Jer. 21. 12. 1 Reg. 10. 1. (4) Acte constitutionnel et déclaration des droits de l'homme, du 24 juin 1793, art. 8. (4) % Paralip. 19. 5. Eccli. 6. 6. (6) 1 novembre 1817, discours du Roi à l'ouverture de la session des Chambres.

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