le décider autrement serait entendre la loi contre son propre esprit, puisque alors il dépendrait des époux d'avoir des biens soumis au régime dotal ou de n'en point avoir, suivant qu'ils useraient ou non du bénéfice réservé de l'art. 1557. Il est sans doute juste de penser que le bénéfice en question n'a d'autre effet que de convertir en dot mobilière la dot qui auparavant consistait en immeubles; mais la première sabsiste toujours, et s'attache au bien du mari qui a dû autoriser la vente par l'effet d'une hypothèque légale; et, en principe, elle n'est pas moins inaliénable que ne l'était la seconde: ainsi, c'est en vain que l'on veut faire considérer l'engagement et les hypothèques de la femme comme aliénations réservées, aux termes de l'art. 1557, puisque ces aliénations tendraient à détruire la dot, tandis que cet article permet seulement de la convertir en des biens d'une autre nature. C'est plus en vain encore qu'on a voulu soutenir la décision du premier juge en disant qu'elle n'empêcherait la femme de répéter toute sa dot sur les biens de son mari, le paiement étant fait à la libération de celui-ci. Ce raisonnement est vicieux, du moins dans son rapport avec la question. Il tendrait à prouver, d'une part, que la femme pourrait encore user du sénatus-consulte Velléien, ce qui est inexact, comme il a été dit; et de l'autre, il prête au jugement un sens qu'il n'a point, car il y est formellement exprimé que la femme a pu engager et aliéner ses immeubles dotanx par hypothèque il n'a donc point entendu que ce fût sans préjudice de la répétition de toute la dot contre le pas mari. >> Le sieur Delaporte s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, pour violation des art. 1557 et 2092 du C. civ. Mais, le 25 janvier 1830, ARRÊT de la section des requêtes, M. Favard de Langlade président, M. Mestadier rapportear, M. Isambert avocat, par lequel: LA COUR,-Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocat général; - Attendu, en fait, que, par le contrat de mariage des sieur et dame Vital-Dutour, la femme s'est mariée sous le régime dotal, et s'est réservé seulement la faculté de vendre ses biens avec l'autorisation de son mari; elle ne s'est pas réservé le droit de grever ses biens d'hypothèques, soit pour des emprunts, soit pour des cautionnements, soit à tout autre titre: et, dans l'espèce il ne s'agit point d'une vente des biens de la femme, il s'agit d'un aval donné par la femme sur des billets sou scrits par son mari, aval suivi de jugement de condamnation, en vertu duquel les demandeurs ont poursuivi l'expropriation des biens dotaux de la femme d'où il résulte qu'en jugeant que les biens dotaux de la femme ne pouvaient pas être soumis à l'hypothèque résultant d'un cautionnement l'arrêt a littéralement respecté le pacte conjugal; - Attendu, en droit, qu'il résulte de l'art. 1554 du C. civ. que les biens dotaux ne peuvent être aliénés ou hypothéqués pendant le mariage, sauf les exceptions qui suivent, et que, dans les articles suivants, aucune dérogation n'est faite à la prohibition d'hypothéquer le bien dotal; d'où il suit que cette prohibition subsiste dans toute sa force; ! » Attendu qu'en aliénant l'immeuble dotal la femme ne vend pas sans recevoir une valeur équivalente; elle peut employer le prix à l'achat d'un autre immeuble plus convenable; elle peut au moins prendre ses sûretés pour le placement ou la conservation du capital; au lieu que la femme pourrait souvent, comme dans l'espèce, compromettre et perdre la dot pour des cautionnements, et sans en rien recevoir : il n'y a donc aucune identité entre le droit d'aliéner et le droit d'hypothéquer. Le législateur romain les avait distingués par la loi Julia, et par la loi 15, au Code, De rei uxoriæ actione, en prohibant l'hypothèque du bien dotal, même avec le consentement de la femme. Il résulte aussi des art. 217, 1449, 1554, 1557 et 1558 du C. civ, que les deux facultés n'ont point été confondues, comme identiques, par le législateur français; il en résulte que le bien dotal ne peut pas être hypothéqué pendant le mariage, et que, dès lors, la cour royale d'Agen a fait une juste application des lois sur la matière. REJETTE. » COUR DE CASSATION. S. Bien qu'il n'appartienne pas au jury de décider si le faux qui lui est soumis est ou n'est pas un faux en matière de commerce, néanmoins, lorsque l'existence d'une lettre de change n'est pas contestée, le jury peut-il déclarer que le faux a été commis SUR CETTE LETTRE DE CHANGE, et cette déclaration doit-elle entraîner l'application de l'art. 147, et non de l'art. 150 du C. pén. ? (Rés. aff.) · COUPEUX. Le jury, interrogé sur la question de savoir si H. Coupeux était coupable d'avoir fabriqué une fausse acceptation de lettre de change, répondit affirmativement. La cour d'assises n'appliqua néanmoins à Coupeux que la peine de la réclusion prononcée pour faux en écriture privée, parce qu'elle considéra « qu'il n'appartenait point au jury de donner aux actes leur qualification légale, et que la question de savoir si un billet est une lettre de change est une question de droit, qui ne peut être décidée que par la cour et d'après les faits constitutifs de la lettre de change, déclarés constants par le jury; -Que le jury n'avait point été interrogé sur ces faits; que dès lors Coupeux ne devait être considéré que comme étant coupable de faux en écriture privée. »> Pourvoi en cassation de la part de Coupeux; et la cour, en rejetant ce pourvoi, a rendu l'arrêt suivant dans l'intérêt de la loi. Le 22 janvier 1830, ARRÊT de la section criminelle, M. Bastard président, M. Chauveau-Lagarde avocat, par lequel: « LA COUR, Sur les conclusions de M. de Gartempe, avocat-général; - Statuant sur le réquisitoire de M. l'avocat-général, tendant à ce que la cour casse l'arrêt attaqué dans l'intérêt de la loi; Attendu que, s'il est vrai de dire (ainsi que l'a fait l'arrêt attaqué) qu'il n'appartient pas au jury de donner aux actes leur qualification légale, et par conséquent de décider si le faux qui lui est soumis est ou n'est pas un faux en matière de commerce, parce que c'est là une question de droit, qu'il n'appartient qu'aux cours d'assises de juger; néanmoins, il ne suit de là que, lorsque l'existence d'une lettre de change n'est point contestée, le jury ne puisse pas répondre à la question qui lui est soumise,. de savoir si le faux a été commis sur cette lettre de change, puisque ce n'est là qu'une question de fait, dont la décision rentre dans ses attributions; Attendu que, dans l'espèce, le jury n'a rien fait autre chose que de prononcer sur cette question de fait, telle qu'elle lui était soumise, et que sa décision affirmative devait entraîner l'application de l'art. 147 du C. pén.; - Par ces motifs, CASSE, dans l'intérêt de la loi, l'arrêt rendu par la cour d'assises de la Seine-Inférieure, pour fausse application de l'art. 150 du C. pén. » COUR DE CASSATION. S. Ier, S. En matière criminelle ou correctionnelle, les motifs des jugements et arrêts doivent-ils, à peine de nullité, étre prononcés publiquement, à l'audience, de même que le dispositif? (Rés. aff.) Loi du 20 avril 1810, art. 7. Suffirait-il néanmoins de prononcer à l'audience le précis, le fond des motifs qui ont déterminé les juges, sauf à déposer ensuite au greffe des motifs plus complets et plus développés? (Rés. aff.) MAIRE, C. LE MINISTÈRE PUBLic. Du 23 avril 1829, ARRÊT de la cour de cassation, chambre criminelle, M. Bailly président, M. Ollivier rapporteur, Odilon Barrot avocat, par lequel : • LA COUR, 7 de la loi du 20 av. 1810; M. Vu les art. 190 et 211 du C. d'inst. crim., et l'art. Attendu que de l'ensemble de ces dispositions il résulte que les motifs sont de l'essence des arrêts et jugements; que, par conséquent, il faut, à peine de nullité, que tout arrêt ou ju gement soit prononcé à l'audience avec des motifs; Que l'observation de cette règle est indispensable pour assurer la bonne administration de la justice; Attendu que, si, après avoir prononcé à l'audience publique le précis, le fond des motifs qui ont déterminé les juges, et après avoir immédiatement prononcé le dispositif du jugement ou de l'arrêt, les motifs, plus complets et plus développés, étaient déposés au greffe, il n'y aurait contravention en cela ni à la règle sacramentelle de la publicité voulue par la loi, ni de la nécessité des motifs prescrite à peine de nullité par l'art. 7 de la loi du 20 av. 1810; mais qu'il y a violation expresse de cet article lorsqu'il n'y a eu prononciation publique que du dispositif de la décision; - Et attendu, en fait, qu'il est constant, dans l'espèce, qu'il n'a été prononcé à l'audience publique que le dispositif de l'arrêt attaqué, rendu par la cour royale de Grenoble, chambre des appels de police correctionnelle, le 24 janv. 1829, sans que cette prononciation ait été précédée ni accompagnée de celle d'aucuns motifs, en quoi cet arrêt a fait une violation expresse tant desdits art. 190 et 211 du C. d'inst. crim., que notamment de l'art. 7 de la loi du 20 av. 1810; GASSE. » § II. Un arrêt motivé sur ce que c'EST AVEC JUSTE RAISON que le tribunal de première instance a adopté les bases de bornage proposées par une partie, en écartant celles proposées par l'autre, est-il censé avoir adopté les motifs des premiers juges ? (Rés. aff.) Un pareil arrêt peut-il étre cassé pour défaut de motifs? (Rés. nég.) Loi du 20 avril 1810, art. 7. En matière civile, les motifs des jugements et arrêts doivent-ils, à peine de nullité, étre prononcés publiquement, à l'audience, de même que le dispositif? (Rés. aff.) Loi du 20 avril 1810, art. 7, et loi du 16 août 1790, art. 14. Peut-on être admis devant la cour de cassation à s'inscrire en faux incident contre l'arrêt dénoncé, à l'effet de prouver que les motifs qu'il renferme n'ont pas été prononcés à l'audience, mais insérés après coup? (Rés. aff.) Or donn. de 1737, art. 1er, tit. 2; règlem. de 1738; C. proc. civ., art. 214. Fat La cour de cassation, à qui l'on demande l'autorisation de lips'inscrire en faux, peut-elle la refuser, si la fausse énonciation qu'on allègue lui paraît dépourvue de vraisemjtblance? (Rés. aff.) ell: SUERUS C. LALLIGANT. Sur une demande en bornage formée par les sieur et dame Suérus contre les héritiers Lalligant, il intervint le 24 mars 1828 un jugement qui, par divers motifs, ordonna la plantation des bornes d'après les bases proposées par les héritiers Lalligant. La cour de Dijon, saisie de l'appel de ce jugement, rendit, le 4 août 1829, un arrêt confirmatif dont il importe de connaître les passages suivants : « Sur la première question, considérant que c'est avec une juste raison que le tribunal de première instance de Dijon a adopté, par son jugement du 24 mars 1828, les bases de bornage proposées par la veuve et les héritiers Lalligant, en écartant celles proposées par les mariés Suérus; que ce n'est donc pas le cas de faire droit sur l'appel principal; - Sur la deuxième question, etc. L'arrêt se termine ainsi : « Fait, jugé et prononcé en l'audience publide la cour royale, etc. » que Pourvoi en cassation, fondé sur deux moyens : 1o Violation de l'art. 7 de la loi du 20 av. 1810, en ce que l'arrêt ne contient pas de motifs. Décider qu'un jugement est bien rendu parce que le tribunal a eu juste motif de juger ainsi, ce n'est vraiment pas, a-t-on dit, motiver un arrêt; c'est décider la question par la question. Il est impossible de trouver dans une pareille considération autre chose qu'une pétition de principes, ou une absence totale de motifs. 7 2o Violation de l'art. 14 de la loi du 16 août 1790, et nouvelle violation de l'art. de la loi du 20 av. 1810, en ce que les motifs de l'arrêt n'avaient pas été prononcés en audience publique. Les sieur et dame Suérus demandaient à prouver cette assertion par la voie de l'inscription de faux. Dans leur intérêt, |