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COUR DE CASSATION.

Le créancier d'une rente ayant pour cause une aliénation d'immeubles, peut-il demander la résolution du contrat, à défaut d'exécution, non seulement contre le débiteur originaire, mais encore contre les tiers détenteurs des im meubles affectés hypothécairement à la garantie de sa créance? (Rés. aff.) C. civ., art. 1184.

Dans ce cas, les tiers détenteurs seraient-ils fondés à prétendre que le créancier ne peut agir à leur égard que par la voie des poursuites hypothécaires, telles qu'elles sont réglées par les art. 2167 et suiv. du C. civ.? (Rés. nég.) Dans les mêmes circonstances, le tiers détenteur de l'un des immeubles affectés à la sûreté de la rente pourraitil se prévaloir en cassation, contre le cessionnaire d'une partie de cette rente, de ce que l'action résolutoire est indivisible, s'il n'avait pas opposé ce moyen en appel? (Rés. nég.)

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CHASTENET, C. BERTON.

Par acte du 8 avril 1806, les sieur et dame Couturier firent à Étienne Couturier, l'un de leurs cinq enfants, et à sa fem , donation entre vifs de divers immeubles, sous la condition que les donataires leur serviraient une rente foncière et annuelle de 350 fr., laquelle, après la mort des donataires, serait partagée entre leurs enfants par portions égales. -En vertu de ce contrat, les sicur et dame Couturier, père et mère, prirent inscription sur tous les biens des donataires.

Quelques années après, les donateurs étant morts, le partage de la rente eut lieu entre les cinq enfants, comme le contrat de 1806 l'avait prescrit. —En 1820, Étienne Couturier vendit au sieur Chastenet une partie des immeubles affectés à la garantie de cette rente. En janvier et février 1825, le sieur Berton devint cessionnaire des deux parts ap partenant à Estelle-Julie et à Pierre Couturier, sœur et frère d'Étienne, avec subrogation dans tous les droits de ses cédants; et, le 3 juillet de la même année, il assigna Étienne! Couturier et sa femme en remboursement des deux cinquièmes du capital de la rente, par le motif qu'en aliénant quelques uns des biens hypothéqués, ils avaient diminué les sûretés promises. Le 14 novembre 1823, sentence par défaut,

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passée en force de chose jugée, qui adjuge les conclusions de Berton.Celui-ci forma plus tard, contre les époux Étienne Couturier, une demande en résolution du contrat de 1806, fondée sur son inexécution, attendu que les derniers termes de la rente n'avaient pas été payés. Il concluait en outre à ce qu'on l'autorisât à se mettre en possession des immeubles donnés, pour les deux cinquièmes qui lui appartenaient dans la rente foncière. En même temps, il assigna aux mêmes fins le sieur Chastenet, tiers détenteur d'une partie de ces immeubles.-Tierce opposition, de la part de ce dernier, au jugement du 14 nov. 1825, et offres à Berton de lui rembourser les deux cinquièmes de la rente. Le 20 août 1825, ju

gement qui donne acte à Chastenet de

la demande de Berton.

ses offres, et repousse

Sur l'appel, et le 26 juillet 1826, arrêt infirmatif de la cour royale de Limoges, ainsi conçu : « Attendu qu'aux termes de l'art. 2114 du C. civ., l'hypothèque est indivisible de sa nature; qu'elle subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles, et que le créancier hypothécaire a le droit de les suivre, dans quelques mains qu'ils passent; qué, dès lors, Berton ne peut être exposé à recevoir partiellement sa créance, ni tenu d'accepter pour débiteur personnel Chastenet, qui ne réunit dans ses mains qu'une partie de son gage;-Attendu qu'il ne résulte pas des termes des quittances données à Chastenet par les créanciers des parties de rente vendues à Berton, que ceux-ci aient reconnu Chastenet pour leur seul débiteur, et qu'ils aient entendu décharger les débiteurs originaires; que dès lors il n'y a pas eu novation; Par ces motifs, le tribunal déclare résolus l'acte du 8 avril 1806 et la vente consentie à Chastenet; condamne ledit Chastenet à abandonner lesdits biens à Berton; autorise ce dernier à s'en mettre en possession, jusqu'à la concurrence de la portion pour laquelle il est fondé. » Pourvoi par Chastenet pour violation des art. 2166, 2167, 2168 et 2169 du C. civ., relatifs aux obligations et au droit des tiers détenteurs d'immeubles hypothéqués. Tout débiteur, disait-on, a le droit incontestable de vendre les biens qu'il a grevés d'hypothèques, et, de son côté, l'acquéreur a la faculté non moins certaine ou de les conserver en payant le prix, ou de rester obligé aux dettes hypothécaires, en jouissant des termes accordés au débiteur originaire. Le créancier Tome IIIe de 1830. Feuille 2.

ne peut pas, par le seul fait de cette vente, exiger de l'acqué reur sou paiement immédiat; il doit attendre, et il le peut sans danger, puisque son hypothèque subsiste toujours sur l'immeuble. Eh bien, il doit en être de même lorsque le débiteur n'a fait qu'une vente partielle des immeubles hypothéqués. En vain le créancier exciperait-il des dangers d'un remboursement partiel, puisque, l'hypothèque étant indivisible, aux termes de l'art. 2114 da C. civ., il aura toujours le droit de demander son remboursement intégral à chacun des détenteurs des biens grevés : il est donc indifférent pour lui que ces biens, affectés à la sûreté de sa créance, soient dans les mains d'une seule personne ou de plusieurs. Ajoutons que l'action résolatoire est indivisible, et que le contrat dont la résolution est demandée ne peut pas subsister à l'égard d'une partie et être nul à l'égard des autres. Comment donc l'acte de donation pourrait-il être résolu en ce qui concerne seulement les deux cinquièmes de rente vendus à Berton? Mais il y a plus : quel est le droit exclusif des créanciers hypothécaires? De faire vendre, avec les formalités prescrites, les biens hypothéqués à leurs créances; la loi ne leur en accorde pas d'autres telle était donc la seule marche qu'aurait dû régulièrement suivre le sieur Berton. On ne conçoit pas que la cour de Limoges, créant un droit nouveau, ait décidé que ce créancier hypothécaire avait le droit de se mettre en possession des biens hypothéqués.

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Le défendeur répondait : La véritable question du procès est de savoir si, lorsque le créancier d'une rente ayant pour cause une aliénation d'immeubles a obtenu un jugement qui l'autorise à se faire rembourser le capital de la rente, il peut, à défaut de paiement, demander la résolution du contrat, tant contre le débiteur originaire que contre les tiers détenteurs des immeubles aliénés. Or la réponse doit évidemment être affirmative. Sans doute le créancier aurait pû, s'il l'eût voulu, poursuivre en expropriation le tiers détenteur de l'immeuble affecté à sa créance; mais de ce que cette voie lai était ouverte il ne s'ensuit nullement qu'il n'ait pas pu recourir à l'autre, c'est-à-dire à la demande en résolution du contrat, faute de paiement. Le système du demandeur pourrait tout au plus être accueilli si le sieur Berton pouvait être considéré comme un créancier hypothécaire; mais il ne faut pas oublier qu'il est au lieu et place de ceux qui ont ori

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ginairement donné les immeubles, et qu'à ce titre il était fondé à demander la résolution, non pas directement contre Chastenet, mais contre les époux Etienne Couturier, obligés par l'acte de 1806. La résolution du contrat secondaire ne ots'opère ici que par suite et comme conséquence de la résolution du contrat primitif. Quant au moyen tirée de la prétendue indivisibilité de l'action résolutoire, il ne peut être dr proposé devant la cour de cassation, puisqu'il ne l'a pas été en appel.

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Le 23 décembre 1829, ARRÊT de la section civile, M. Portális premier président, M. Henry-Larivière rapporteur, MM. Jouhaud et Odilon-Barot avocats, par lequel:

.LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Joubert, premier avocat-général; Attendu que Berton avait acquis deux cinquiè mes de la rente foncière et annuelle qui avait été constituée par l'acte de donation en date du 8 av. 1806, et qu'il se trouvait ainsi subrogé aux droits de son vendeur; — Qu'il demandait la résolution du contrat pour défaut d'exécution et de paiement; que l'exception d'indivisibilité de l'action résolutoire n'a point été opposée par Chastenet, ét qu'en statuant sur cette demande l'arrêt attaqué n'a pu violer les art. 2167, 2168 et 2169 du C. civ., concernant les obligations et les droits des tiers détenteurs d'immeubles contre lesquels des créanciers hypothécaires ou privilégiés exercent des droits, puisque ces articles sont étrangers à l'action résolutoire sur laquelle il a été statué; d'où il suit que l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi; · REJETTE. »

COUR DE CASSATION.

L.

La femme qui s'est réservé dans son contrat de mariage la faculté D'ALIÉNER l'immeuble dotal a-t-elle le droit de T'hypothéquer? (Rés. nég.) C. civ., art. 1557.

DELAPORTE, C. DUTOUR.

Dans le contrat de mariage des sieur et dame Vital-Dutour, passé le 6 février 1806, il fut stipulé que la femme se mariait sous le régime dotal, et qu'elle se réservait la faculté d'aliéner ses immeubles dotaux avec l'autorisation de son mari et sans formalités de justice.

Durant le mariage, le sieur Vital-Dutour a souscrit des billets à ordre qui ont été cautionnés par sa femme. Ces billets n'ayant point été payés à leur échéance, les sieurs Delaporte, qui en étaient porteurs, obtiennent des jugements de condamnation tant contre le sieur Datour que contre sa

femme; et, en vertu de ces jugements, ils prennent inscription sur les immeubles dotaux de cette dernière. Bientôt après, ils font saisir réellement ces immeubles. La femme soutient qu'étant dotaux, ils sont inaliénables.

Le 21 juin 1825, jugement du tribunal civil de Mirande qui, attendu que l'aliénabilité des fonds dotaux a été permise par le contrat de mariage, déclare que ces fonds sont saisissables à raison des engagements contractés par la dame Dutour. Appel.

Le 13 avril 1826, arrêt de la cour royale d'Agen qui infirme la décision des premiers juges par les motifs suivants:

<< Attendu que deux circonstances de fait sont reconnues par toutes les parties: 1o Que certains des biens poursuivis font partie de la dot constituée à ladite dame dans son contrat de mariage du 6 fév. 1806; — 2o Que la faculté d'aliéner lesdits biens était réservée à la femme et au mari par le contrat, mais qu'il n'en a jamais été fait usage, ces immeubles se trouvant encore en leur possession; Attendu que le tribunal de première instance paraît avoir violé le principe en décidant que cette faculté de vendre, autorisée par l'art. 1557 du C. civ., donnait à la femme le pouvoir d'aliéner ses biens dotaux, et que, les obligations et les hypothèques consenties par elle en étant l'exécution, il a dû être permis ses créanciers de faire vendre eux-mêmes ces biens, d'autorité de justice, pour obtenir leur paiement. Il faut, au contraire, reconnaître que, si la femme peut s'obliger valablement, si même, d'après une opinion controversée, il lui est permis de consentir des hypothèques dont l'exécution pourrait être ramenée, après la dissolution du mariage, sur les biens jadis dotaux, elle ne peut, dans aucun cas, ôter aux biens constitués dotaux ce caractère de dotalité, tant que dure le mariage, et la soumettre à expropriation en faveur des créanciers qu'elle se doune. La conservation de la dot est d'intérêt public; elle se trouve faite pour le soutien des charges du mariage et dans l'intérêt des enfants qui peuvent en provenir. Son caractère est indélébile, et le nouveau droit, conforme à l'ancien, notamment à la loi Julia, au Code, De rei uxoriæ act., défend d'y porter atteinte par un engagement personnel quelconque. La faculté de vendre, résultant de l'art. 1557, et dont, au surplus, il n'a point été fait usage dans l'espèce, ne peut pas davantage altérer ce même caractère;

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