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M. Necker, à condition qu'inimédiatement après, la discussion seroit r'ouverte. Mais la majorité décida qu'il ne seroit pas lu dans ce moment. C'est ainsi que les Vénitiens recevant une lettre du pape, et craignant de la trouver contraire à leur desir, la déposèrent respectueusement sans la lire, dans un lieu d'où elle ne fut jamais tirée. La publicité donnée quelques jours après à ce mémoire lui mérita les suffrages de tous les bons citoyens. En effet, c'est un beau monument pour l'histoire, et qui honore l'époque brillante de la révolution, qu'un plaidoyer en faveur de la liberté publique, prononcé par un premier ministre, dans le conseil d'un monarque jusqu'alors absolu; c'est un beau mouvement et bien digne d'un roi restaurateur de la liberté françoise, que celui qui le porta à demander lui-même qu'on limitât une autorité dont l'excessive étendue seroit plus nuisible qu'atile à son peuple. Ce fut pour les vrais patriotes un gage bien précieux du bonheur de la France, car le joug de l'esclavage est brisé lorsque les princes se font hommes et les ministres citoyens.

Extrait du rapport fait au roi dans son conseil par le premier ministre des finances, et adressé à l'Assemblée Nationale.

La division de sentimens à l'égard de la sanction royale semble annoncer que la supériorité des suffrages à l'égard du veto indéfini entre les mains du roi est au moins fort incertaine.

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Cependant la chaleur contre un semblable résultat est telle, qu'une grande scission paroît à craindre si le veto absolu ne l'emporte que foiblement sur l'opinion contraire, et il en résulteroit peut-être une commotion dangereuse. La plus petite majorité dans une délibération nationale suffit avec raison pour faire loi; mais elle n'assure pas la tranquillité publique, lorsqu'elle décide des questions auxquelles tous les sentimens, tous les intérêts et toutes les passions s'associent. Au milieu des circonstances qui nous environnent, il faudroit peu de choses pour amener un trouble dont les funestes effets seroient incalculables.

Conduit par ces réflexions, j'ai été en

traîné à considérer s'il ne pouvoit pas exister un veto suspensif, propre à concilier les diverses opinions qui agitent l'Assemblée Nationale, et voici celui qui m'a paru pouvoir remplir ce but avec peu d'inconvéniens. Ne pourroit-on pas admettre que pendant deux législatures consécutives, le monarque au roit le droit de refuser son consentement aux déterminations qu'il regarderoit comme contraires au bien de l'Etat ; et qu'à la troisième législature, si de nouveaux représentans insistoient sur la même délibération

auroient force de loi ?

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elles

» Une telle disposition présente, sans doute, le terine où la sanction du souverain devien droit nécessaire. Mais est-il probable qu'une loi demandée par trois législatures différentes, für une loi à laquelle le gouvernement ne crût pas en conscience pouvoir donner son acquiescement? et paroîtroit-il déraisonnable qu'un vœu national exprimé d'une manière si manifeste dût être enfin satisfait ?

» Maintenant, que l'on considère si le veto absolu et indéfini n'a pas quelques inconvé niens, et si ces inconvéniens ne touchent pas essentiellement àl'autorité du souverain. C'est

une belle prérogative sans doute que d'avoir indéfiniment et absolument le droit de refuser une loi. Mais si ces deux conditions indéfiniment et absolument, empêchoient de faire usage d'un pareil droit, il n'en résulteroit qu'une apparence extérieure bonne à placer parmi les pompes du trône. Il est infiniment vraisemblable que le gouvernement crain droit de faire usage d'un veto absolu, et de priver ainsi la nation de toute espérance de voir ses vœux satisfaits. Les ministres que l'on a rendu responsables, les ministres dont la considération s'affoiblira nécessairement avec la diminution de leurs pouvoirs, vou. dront-ils s'exposer aux reproches des représentans de la nation, en mettant obstacle à l'adoption d'une loi délibérée dans l'Assemblée générale? Cependant, on n'en sauroit douter, le bien de l'Etat exigera plus d'une fois que le gouvernement éclairé par des lumières particulières, par des lumières dues à l'expérience de l'administration, suspende du moins pour un tems l'exécution des loix qui auront été délibérées avec rapidité, de celles qui seroient emportées par un mouvement passager de l'opinion publique, de celles

enfin qui n'auroient pas été méditées avec cette lenteur et cette maturité de réflexion dont les grandes affaires ont un besoin absolu.

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Que l'on fasse attention à tous les raisonnemens dont on se sert pour tranquilliser sur l'usage d'un veto indéfini, et l'on verra qu'ils sont tirés généralement, et de l'invraisemblance que le gouvernement osât jamais résister au vœu national, et de l'exposition de tous les moyens qu'on auroit pour l'obli ger à respecter ce vou. Mais ce rapport entre le souverain et la nation, ce rapport où la déférence de l'un seroit l'effet de la crainte,' et où la force de l'autre consisteroit dans Faction inconsidérée de tous ses moyens, un tel rapport est-il préférable à une règle positive qui ménageroit au souverain la faculté de s'opposer efficacement et sans convulsion aux loix qui lui paroîtroient contraires au bien public?

On peut demander encore s'il n'y auroit pas telle loi dont la sanction ne devroit jamais être accordée par le roi : supposition qui donneroit des regrets à la privation du veto absolu et indéfini. Je crois que la chance d'une pareille loi est très-invraisemblable.

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