Page images
PDF
EPUB

mée partit le lendemain, précédée de quatre pièces de campagne, de plusieurs brigades de maréchaussée et des archers de la marine, qui formoient un petit corps de cavalerie. Celles des villes voisines vinrent s'y joindre pendant la route. Lesneven, Landerneau, Landivisiau et Morlaix fournirent des détachemens qui firent monter l'armée à deux mille quatre cents hommes.

La nouvelle de ce qui venoit de se passer à Lanion, excita dans toute la province la même indignation qu'à Brest; elle fit craindre aux patriotes éclairés, que cette ville ne devint le foyer d'un incendie qui pourroit se propager au loin, et qu'il ne seroit pas facile d'éteindre. On fit pattir aussi-tôt de toutes parts, des médiateurs pour ramener la paix, et des troupes pour punir les coupables, s'ils tentoient de soutenir par les armes les excès auxquels l'erreur d'un moment, ou des intentions criminelles les avoient entraînés. Vingt-cinq mille hommes furent en marche en un instant, et s'avancèrent sur Lanion. M. Daniel craignit que l'apparition subite d'une telle armée dans un pays dépourvu de vivres, n'exposât et l'armée et le pays entier

1

aux horreurs de la famine; et quoique persuadé qu'il faut avoir une force imposante pour être dispensé d'en faire usage, il se pressa d'envoyer des couriers pour faire rétrograder les troupes. Malgré les avis alarmans qu'il recevoit de divers côtés, des dispositions militaires et des intentions hostiles des habitans de Lanion, il continua sa route, et arriva à la vue de cette ville, à dix heures du matin, le troisième jour de son départ de Brest. Il fit ranger ses soldats en bataille sur la hauteur, et après leur avoir recommandé l'esprit de clémence et les sentimens d'humanité qui sont dus à des hommes qui ne font aucune résistance et à des citoyens égarés, mais repentans, attendit à leur tête la réponse qui seroit faite aux conditions que devoient proposer les commissaires conciliateurs de Brest qui les avoient devancés ; elles se réduisoient à la restitution des grains arrêtés, à la punition légale des auteurs de la sédition et au paiement des frais de la campagne.

Après une demi-heure de conférence, on vint lui annoncer qu'elles étoient acceptées. Il s'avance aussi-tôt vers la ville à la tête de

sa troupe, et trouve en arrivant la municipa lité et les notables qui lui annoncent les engagemens qu'ils venoient de prendre, et implorent son indulgence pour les malheureux habitans. Il répond qu'il n'est pas venu leur apporter la guerre, mais pour faire exécuter les loix, et que, quelqu'atroce qu'eût été leur conduite envers les députés de Brest, son intention n'étoit pas d'user de repré

sailles.

On avoit renvoyé au lendemain la signature des articles arrêtés la veille, et tous les commissaires médiateurs des différentes villes avoient été invités, ainsi que le commandant de l'armée, à assister à la conclusion de ce traité. Mais on avoit manœuvré pendant la nuit, et les chefs des factieux osèrent engager la municipalité à refuser de remplir les promesses qu'elle avoit faites la veille. Le commandant indigné, se disposoit à se retirer, après avoir déclaré qu'il alloit employer les moyens violens qu'une mauvaise foi aussi insigne l'obligeoit de prendre pour faire rendre justice à ses commettans. Les commissaires annoncèrent pareillement que, si la ville de Lanion persistoit dans le refus de tenir ses

engagemens, ils alloient s'éloigner à l'instant même, et faire connoître à toute la France l'indignité d'une telle conduite. Les municipaux signèrent enfin, et firent arrêter de leur propre mouvement, plusieurs personnes accusées d'avoir excité l'insurrection populaire. M. Cadiou fut mis en état d'arrestation à l'arrivée de l'armée; beaucoup d'autres furent dénoncés à la justice. Des privilégiés furent accusés par les détenus, d'avoir répandu de l'argent, et distribué de l'eau-de-vie le jour que la vie des députés de Brest avoit été menacée. Plusieurs d'entr'eux prirent la fuite pour se soustraire à la rigueur des loix : leurs coaccusés y échappèrent également à la faveur de la foiblesse des tribunaux, de la complication des formes de la justice criminelle et de cette agitation générale, qui, dans les tems de troubles et de révolution fait vaciller dans les mains incertaines des juges le glaive de la justice. Cette expédition produisit cependant un effet salutaire, et en imposa aux mauvais citoyens très-nombreux dans ce canton, par la réunion des forces et des volontés des bons citoyens pour le succès de la cause commune. L'armée sé

journa six jours à Lanion, et la ville de Brest ayant ratifié le traité, les grains ayant été rendus, et le procès des coupables commencé, elle retourna en bon ordre, et y rentra aux acetations de tous les citoyens,

Fin du Tome troisième

« PreviousContinue »