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l'abbé Sieyes, développé avec la clarté et la précision de M. Thouret, et décrété par l'Assemblée Nationale, effraya les bons esprits eux-mêmes par sa nouveauté et son audace. Les Noirs (a) ne cessoient de se récrier

[ ( a ) Les noms des partis divers formés parmi les députés pouvant offrir une énigme dont la solution deviendra nécessaire pour l'intelligence des écrits du tems, il n'est pas inutile d'en faire connoître l'origine.

L'emplacement de la salle où l'Assemblée s'établit à Paris, après avoir quitté celle de l'archevêché, étoit auparavant un manège ; c'est ce qui donna l'idée des dénominations d'enragés, que les aristocrates donnèrent aux patriotes; et de noirs, queles patriotes donnèrent aux aristocrates. La quantité de prêtres, d'évêques et autres personnes vêtues de noir qui remplissoient le côté droit de la salle, fit donner le nom de noirs (chevaux noirs), aux habitués de ce côté, nom très - analogue d'ailleurs à l'esprit de fureur qui animoit la plupart d'entr'eux. Ils essayèrent de riposter à leurs adversaires en les surnommant les bais. Mais ce nom ne prenant pas faveur, il s'attachèrent sur-tout à faire passer celui d'enragés. C'est ainsi qu'on nommoit à Paris des chevaux de louage dont on se servoit communément pour les voyages de Versailles, afin d'évites les frais de la poste royale. Dans la suite il s'éleva dans chaque parti un parti nouveau, dont les mem→

contre la multiplicité des rouages de cette monstrueuse machine et sur le bouleversement total de l'état. Ce prétendu boulever sement n'étoit cependant dans la réalité que le rétablissement de l'ordre et une conséquence immédiate du principe éternel de la souveraineté de la nation. Ce n'étoit en effet que le retour de l'autorité vers sa véritable source, la substitution des officiers du peuple aux officiers du roi, des départemens aux in tendans, des districts aux subdélégués, et de municipalités vraiment représentatives à des municipalités vénales, qui n'achetoient le droit de défendre les citoyens que pour avoir celui de les vexer impunément. Aussi ce nouvel ordre de choses s'établit-il avec une merveilleuse célérité. Les légères imper fections qui s'y trouvent, telles que la trop grande multiplication des districts et des municipalités, que les circonstances du moment obligèrent d'y laisser subsister, disparoîtront facilement au vœu des législatures suivantes..

bres se nommoient entr'eux les impartiaux et les modérés, mais que le public appela les ministériels. On les distingua en impartiaux blancs, et en impartiaux noirs.

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Les aristocrates avoient compté particu lièrement sur les antiques préjugés des pro vinces; ils étoient intimement persuadés qu'elles ne pourroient souffrir de se voir démembrées par la nouvelle division du royau⚫ me. Mais l'esprit public étouffa ces vaines et futiles considérations; et l'amour de la commune patrie, les petites affections à des cor◄ porations particulières. Cette grande et dif ficile opération qui paroissoit devoir être l'ouvrage de plusieurs années fut, grace au zèle infatigable de M, Gossin et à celui des députés qui accoururent en foule de toutes les parties du royaume achevée en moins de

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trois mois. Bientôt même l'Assemblée Natio- ! nale osa porter un coup plus hardi, et frap pant l'arbre féodal jusques dans ses dernières racines, fit disparoître à jamais ces noms : mêmes de provinces qui ne rappeloient que privilèges, inégalité, division, et cherchant les dénominations des divers départemens dans les mers qui les bordent, les fleuves qui les arrosent, les montagnes qui les traversent, redoubla le sentiment naturel qui attache chaque homme au lieu de sa naissance, en lui présentant sans cesse les mo

numens et les bienfaits de la nature particu→ liers au sol qui l'a vu naître; étendit les liens de la fraternité, en offrant par-tout et à tous l'idée de la terre leur nourrice commune; et leur montrant dans le gouvernement une administration paternelle, dont la protection salutaire embrassoit tous les citoyens de l'empire, sans distinction de personnes, d'états ou de provinces, les réunit enfin sous l'unique et honorable nom de François.

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CHAPITRE XIV.

Mouvemens excités à Alençon contre M. de Caraman. Sédition de Vernon au sujet des bleds: Couronne civique décernée à un jeune anglois. Difficultés de l'approvisionnement des magasins de la Marine de -Brest. Procédés révoltans de la ville de Lanion.

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ES ennemis de la révolution n'oublioient rien pour égarer l'opinion publique, pour sou lever les provinces contre Paris, et la France entière contre l'Assemblée Nationale. Mais le même esprit animoit Paris et les provinces. L'Assemblée recevoit chaque jour de toutes les parties du royaume, des témoignages de respect, de reconnoissance et d'une adhésion générale à ses décrets; et au milieu des désordres multipliés produits par les circons tances ou par l'implacable haine de l'aristocratie, elle trouva toujours dans le peuple même égaré, le sentiment de la soumission et de la confiance. On l'éprouva d'une manière sensible à Alençon. M. de Caraman y

avoit

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