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confiance, les emprunts étoient décriés, la triste ressource même des anticipations évanouie; cinquante millions versés dans lès marchés de l'Europe pour acheter la subsistance du citoyen, pesoient contre nous dans la balance du commerce, et nos ennemis communs jouissoient dans leur défaite du plaisir barbare d'attacher la défiance à toutes les opérations de l'Assemblée, en y fomen tant des divisions coupables, et de redoubler la crise où se trouvoit la France en portant chez l'étranger notre or et leurs calom

nies.

Pour comble de malheur, les métaux pré... cieux sembloient fuir du royaume, et chaque jour tarissoit la source des richesses publiques. Le roi, touché de tant de maux, envoya à la monnoie la plus grande partie de sa vaisselle et de celle de la reine, malgré les instances de l'Assemblée Nationale qui le supplia de révoquer cette résolution, ne pouvant regarder que comme sacrifices les plus pénibles pour elle et pour la nation, ceux qui seroient personnels à sa majesté. Les riches et les pauvres s'empressèrent d'imiter ce généreux exemple. Mais le discrédit toujours

augmentant, faisoit la guerre au numéraire, et notre argenterie à peine transformée en écus alloit circuler sur la place de Londres. Triste et inévitable effet de nos dissentions! Les mesures mêmes qui dans d'autres circonstances auroient assuré notre prospérité et augmenté la richesse nationale, sembloient ajouter à nos malheurs et creuser l'abîme au lieu de le combler (a). Cependant les listes

(a) Dans un tems peu éloigné, mais beaucoup plus favorable à la renaissance du crédit, parce 'qu'on ne pouvoit prévoit alors que deux époques, celle du travail de l'Assemblée Nationale pour la régénération de l'ordre dans les finances, et celle de la jouissance de ses résultats, un écrivain recommandable par ses connoissances profondes et ses grandes vues en finances, avoit proposé de faire un emprunt d'or et d'argenterie pour les conwvertir en espèces, et de former en même-tems un établissement temporaire de billets de crédit, reposant en partie sur le produit de l'emprunt, et qui Join de déplacer les capitaux et de nuire à l'industrie, auroit augmenté la richesse nationale, en transformant le seul superflu d'une masse d'argent inactive et stérile, en un numéraire de plusieurs centaines de millions. Ces billets auroient été à terme, et on y auroit joint cinq pour cent d'intérêt.

Cette ressource eût été bien préférable au malé

nombreuses et honorables des dons patriotiques, lues à l'ouverture de chaque séance, manifestoient le noble dévouement de tous. les citoyens. L'enfance sacrifioit ses jouets, la vieillesse les soulagemens si nécessaires pour arriver au terme de sa carrière ; la jeunesse et la beauté sa parure; l'opulence pré-, sentoit le tribut de ses richesses, l'indigence

heureux emprunt de trente millions, et à cette contribution patriotique, si onéreuse par elle-mêmo à une grande partie de la nation, et qui le devint, encore plus par l'absence totale du numéraire. Le sacrifice d'une simple fantaisie de luxe auroit hâté le rétablissement du crédit national, ranimé nos manufactures, le commerce et l'agriculture. Mais, pour avoir manqué le moment favorable, adopté de fausses mesures, négligé des précautions essentielles, on perdit le fruit d'une opération trop tar◄ dive. Les partis eurent le tems de se former, une division scandaleuse sépará le corps législatif, des scènes indécentes, multipliées à dessein, arrêtèrent la confiance; les attentats succédèrent aux attentats, et les alarmes aux alarmes; des bruits do contre-révolution, de guerre, de banqueroute ar tificieusement semés, glacèrent tous les cœurs, et l'existence du royaume dût être regardée comme un véritable prodige du patriotisme, et de l'amour des françois pour la liberté

celui de sa pauvreté. M. de Charost déposa cent mille francs sur l'autel de la patrie; et une pauvre femme dont vingt-quatre sols composoient toute la fortune, rencontrant les députés de son district qui alloient porter leur contribution à l'Assemblée Nationale, voulut aussi avoir part à cette œuvre civique, et les contraignit à force de prières et de larmes de prendre du moins la moitié de son petit trésor et de joindre le denier de la veuve à leurs magnifiques offrandes. Dans plusieurs maisons particulières on vit les domestiques se réunir, dans les manufactures les journaliers se cottiser et consacrer une portion de leur foible pécule pour venir au secours de l'Etat quelques-uns même ouvrirent pour cet objet une souscription chez un notaire: l'amour de la patrie ne connoissoit point de bornes. Mais chaque jour amenoit de nouveaux besoins; le deficit absorboit tout, le. vide étoit dans toutes les caisses, et il falloit quatre-vingt millions pour atteindre sans nouvelle secousse à la fin de l'année.

Dans cette terrible position l'Assemblée Nationale et M. Necker osèrent ne point désespérer de la chose publique. Le ministre

eur

eut le courage de présenter à de grands maux de grands et pénibles remèdes ; et l'Assemblée, celui de compter sur le patriotisme et les lumières de la nation, au milieu des alarmes de tout genre qui agitoient les esprits. Des réductions sur la dépense publique, diverses vues d'économie, les unes certaines, les autres indéterminées, des bonifications sur plusieurs branches des revenus de l'Etat, l'accroissement de l'impôt par une répartition plus égale et par la contribution des privilégiés, offroient de grands moyens de compenser les pertes que le trésor avoit éprouvées, et la certitude d'une restauration entière dans l'avenir. Mais pour atteindre à ces jours de prospérité, il falloit franchir un abîme immense : pour combler, M. Necker proposa une contribu tion extraordinaire en raison du revenu annuel, qui devoit être portée au quart de ce revenu libre de toute charge, de tout impôt, de toute rente, et reçu sur la simple déclaration des contribuables. Un délai de quinze à dix-huit mois étoit accordé pour le paiement de cette taxe assise sur une somme fixée de revenus, au-dessous de laquelle elle ne seroit plus qu'un sacrifice, et non un devoir.

Tome III.

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