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reine s'empressèrent de donner des marques de leur sensibilité à la veuve du boulanger. M. de Liancourt se rendit chez elle de la part de leurs majestés, et lui remit une somme de deux mille écus qu'elles lui envoyoient pour l'aider à continuer son commerce et l'assurer de tout l'intérêt qu'elles prenoient à son malheur. La commune lui envoya aussi une députation pour lui offrir des secours et lui adresser des paroles de consolation. Mais cette infortunée, veuve à la fleur de son âge, presque mourante de désespoir et toute entière à sa douleur, demande pour toute grace qu'on rende les derniers devoirs aux tristes restes de celui qu'elle avoit perdu. Le district de Notre-Dame avoit déja pourvu à ce qu'on lui fit des obsèques honorables, et la commune de Paris nomma plusieurs de ses membres pour y assister.

CHAPITRE XI I I.

Tableau de la nouvelle division du royaume. Développement du systême de la représentation nationale. Organisation du corps législatif, des corps électoraux et de l'administration générale. Des assemblées pri maires. Des départemens, districts et municipalités. Conditions nécessaires pour l'activité des citoyens, pour leur éligibilité aux fonctions publiques. De l'inscription civique.

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U milieu des obstacles de tout genre qui sembloient naître à chaque instant, et de la nature des circonstances, et de la nature des choses, l'Assemblée Nationale, sans cesse embarrassée dans sa marche par la malveillance de ses ennemis et la nullité du pouvoir exécutif, s'avançoit avec un courage inébranlable dans sa noble et pénible carrière. C'étoit beaucoup sans doute d'avoir assuré permanence des législatures et déclaré les droits des hommes et ceux du peuple françois; mais c'étoit peu, relativement à ce

qu'il lui restoit à faire pour nous donner une constitution. Il étoit décrété que les loix seroient faites par les représentans de la nation. Pour les avoir ces représentans, il faut les élire; et par une conséquence du principe du gouvernement représentatif, le seul qui convienne à une grande nation qui veut être libre, il n'est pas moins essentiel que les diverses branches des pouvoirs subordonnés soient confiées à des citoyens librement élus par le peuple. Il étoit donc nécessaire d'établir une égalité proportionnelle de représen tation, d'abord entre les grandes sections de l'empire, ensuite entre les différentes parties de chacune de ces sections, de'prescrire pour les élections un ordre simple et immuable, de déterminer avec précision le rang que chaque classe d'administration tiendroit dans L'ordre des pouvoirs publics, de définir la nature et l'étendue de leur autorité, en un mot, des débris incohérens de l'ancienne monarchie, créer et organiser en entier un nou veau corps politique, et élever sur une base commune, le double édifice de la représen tation nationale et de l'administration provinciale et municipale. Telle étoit la tâche

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difficile imposée à nos légiflateurs, tâche effrayante par la nouveauté et la hardiesse du plan, l'immensité des détails et une foule de difficultés physiques et morales, que le génie`de la liberté pouvoit seul ne pas trouver invincibles.

La surface du royaume étoit depuis plusieurs siècles morcelée en tout sens, et d'autant de manières différentes, qu'il y avoit dans l'état de régimes ou de pouvoirs différens. On la divisoit en provinces, dans l'ordre politique; en gouvernemens, dans l'ordre militaire; en généralités, dans l'ordre administratif; dans l'ordre ecclésiastique, en diocèses; et dans l'ordre judiciaire, en bailliages ou sénéchaussées et en ressorts des parlemens. C'étoit bien pis encore dans l'ordre des contributions : ce seroit fatiguer inutilement l'attention, que de s'arrêter à cette inépuisable et fastidieuse nomenclature.

Ces antiques divisions, qu'aucune combinaison politique n'avoit déterminées et qui n'avoient aucune proportion entr'elles, ni sous le rapport de la population, ni souscelui de l'étendue du territoire, ne pouvoient servir de base à une opération dont l'objet E e iij

étoit non-seulement d'établir une représentation proportionnelle, mais de rapprocher l'administration des hommes et des choses, et d'y appeler le plus grand nombre possible de citoyens, afin de porter sur le champ au plus haut degré les lumières et l'esprit public, c'est-à-dire, la véritable force et la véritable puissance.

D'autres considérations aussi pressantes ne permettoient pas de conserver l'ancienne distribution du royaume en provinces. En effet, il paroissoit à craindre que des hommes pervers et ambitieux ne profitassent de l'effervescence générale et de la désorganisation momentanée de tous les pou. voirs, pour amener le démembrement et la dissolution de la monarchie, et entraîner les citoyens par des idées exagérées de liberté, dans un systême de république fédérative que la situation politique de l'Europe, la position géographique de la France et sur-tout le génie et les mœurs actuelles de la nation lui au roient presqu'infailliblement rendu funeste. D'ailleurs, après avoir aboli les prétentions et les priviléges, il n'étoit pas de la prudence d'en laisser subsister le germe dans l'état,

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