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de la liberté, qui voulant faire regarder l'acte le plus légal du pouvoir comme une violence aristocratique, nous réduiroient à souffrir la tyrannie des méchans pour n'avoir pas voulu reconnoître l'autorité des loix.

« Ne craignons pas, disoit-il, de marquer notre reconnoissance à nos collègues, et donnons cet exemple à un certain nombre d'hommes qui, imbus de notions faussement rẻpublicaines, deviennent jaloux de l'autorité au moment même où ils l'ont confiée, et lorsqu'à un terme fixé 'ils peuvent la reprendre; qui ne se rassurent jamais, ni par les précautions des loix, ni par les vertus des individus ; qui s'effrayent sans cesse des fantômes de leur imagination; qui ne savent pas qu'on s'honore soi-même en respectant les chefs qu'on a choisis; qui ne se doutent pas assez que le zèle de la liberté ne doit pas ressembler à la jalousie des places et des personnes; qui accueillent trop aisément tous les faux bruits, toutes les calomnies, tous les reproches. Et voilà cependant comment l'autorité la plus légitime est énervée, dégradée, avilie; comment l'exécution des loix rencontre mille obstacles; comment la dé

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fiance répand par-tout ses poisons; comment au lieu de présenter une société de citoyens qui élèvent ensemble l'édifice de la liberté, on ne ressembleroit plus qu'à des esclaves mutins qui viennent de rompre leurs fers, et qui s'en servent pour se battre et se déchirer mutuellement. Je crois donc, messieurs, que le sentiment d'équité qui nous porte à voter des remercîmens à nos deux collègues, est encore une invitation indirecte, mais efficace, une recommandation puissante à tous les bons citoyens de s'unir à nous pour faire respecter l'autorité légitime, pour la maintenir contre les clameurs de l'ignorance, de l'ingratitude ou de la sédition, pour faciliter les travaux des chefs, leur inspection nécessaire, l'obéissance aux loix, la règle, la discipline, la modération, toutes ces vertus de la liberté. Je pense enfin que cet acte de remercîment prouvera aux habitans de la Capitale que nous savons dans les magistrats qu'ils ont élus, honorer leurouvrage et les respecter dans leur choix. Nous unirons dans ces remercimens, les braves milices dont l'intrépide patriotisme a dompté le despotisme ministériel, les représentans de

la commune et les comités des districts dont

les travaux civiques ont rendu tant de services vraiment nationaux ».

On ne délibéra pas sur ce discours. Les remercîmens furent votés au milieu des acclamations, et le bruit des applaudissemens permit à peine d'entendre l'expression de la reconnoissance des deux vertueux citoyens, attendris des félicitations touchantes dont ils étoient l'objet.

Mais la situation critique des affaires mêloit des sentimens de crainte aux épanchemens de la joie publique. Le départ de M. d'Or léans, malgré les prédictions de ses ennemis, n'avoit pas rendu le calme à la Capitale. Le retour de la sécurité avoit fait pendant quel ques jours renaître l'abondance; et, ce qui est digne de remarque, c'est que les bou langers assuroient que depuis l'arrivée du roi, ils ne cuisoient qu'environ les deux tiers de ce qui se consommoient auparavant, et qu'ils en avoient encore de reste. Cette multiplication des pains fut un miracle opéré par la présence du roi; mais le prodige cessa bientôt, et le retour des alarmes y ramena la disette. Soit précaution de prudence, soit des

sein prémédité d'exciter dés troubles, un grand nombre de particuliers accaparoient les vivres, et obligeoient le malheureux à conquérir à force de patience le morceau de pain qu'il avoit gagné par ses sueurs. Les attroupemens recommencèrent à la porte des boulangers, et une faction invisible, mais toujours agissante, avoit préparé une insurrection pour le jour même de l'ouverture des séances de l'Assemblée Nationale à Paris; insurrection prévenue par les mesures vigoureuses de la municipalité, et qui avoit pour objet d'augmenter la famine en faisant baisser de douze à huit sols le prix de quatre livres de pain, sur le faux prétexte que le roi avoit promis cette diminution (a).

(a) C'est au pain particulièrement que s'attachent ceux qui veulent exciter des mouvemens à Paris. Le parisien est grand mangeur de pain; c'est - là qu'aboutissent tous ses vœux; il tremble toujours d'en manquer, et ne sait point comme en Angleterre, en Allemagne, et dans différentes parties du royaume, le suppléer par des racines, du maïs, des pommes de terre, du riz, de l'orge, du seiglé: il lui faut de la fine farine de froment et du pain très-blanc; autrement il s'emporte, crie famine èt s'abandonne aveuglément aux transports auxquels on veut le livrer,

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On commençoit d'un autre côté à concevoir des doutes sur le civisme et la droiture des ministres. Divers décrets de l'Assemblée Nationale sanctionnés par le roi n'avoient pas été légalement notifiés aux provinces; plusieurs n'avoient pas encore été publiés dans les différens siéges et n'y avoient pas même été envoyés, tandis qu'on y avoit répandu avec profusion les objections faites par le conseil contre ces mêmes décrets, au point que divers tribunaux, notamment en Alsace, affectoient de rendre des jugemens contraires aux arrêtés du 4 Août. Enfin il sembloit par les délais multipliés qu'ils apportoient à la promulgation des loix, vouloir se venger de n'avoir pu conserver sur leur sanction un pouvoir illimité. Ces considérations détermi nèrent l'Assemblée à mander le garde-dessceaux pour rendre compte de sa conduite.

M. Fréteau étoit alors président, M. Fréteau, que deux ans auparavant un gardedes-sceaux avoit jeté dans les fers pour avoir dit au roi la vérité que ce prince étoit venu demander au parlement, et qu'il lui devoit sans doute comme homme, comme magisrat, comme citoyen. Il reçut avec dignité

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