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prend la place de celle des loix; qu'il choisisse entre cette alternative. M. de Biron me répondit par des sentimens chevaleresques je m'y étois attendu. M. d'Orléans, instruit de ma résolution, promet de suivre mes conseils ; mais, dès le lendemain, je reçois dans l'Assemblée un billet de M. de Biron ce billet portoit le crêpe de la douleur, et m'annonçoit le départ du prince ».

En effet, M. de la Fayette, instruit du changement survenu dans les dispositions de M. d'Orléans, alla le trouver dans une maison particulière, et le pressa de remplir ses engagemens, avec le ton d'un héros irrité, plutôt qu'avec l'accent d'un citoyen qui auroit dû toujours être celui de l'élève, de l'ami, de l'émule de Wasingthon. L'Assemblée Nationale accorda un passe - port au prince, sur la demande de M. de Montmorin. Ce ministre annonçoit dans son message, qu'il disposoit les instructions nécessaires à la grande négociation dont M. d'Orléans étoit chargé. En vain, quelques jours après, M. de Menou voulut-il dénoncer son départ comme la cause d'une foule de bruits inju rieux à un grand nombre de représentans de

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la nation, désignés comme les agens de son ambition, et demander qu'il lui fût enjoint, comme député de Crépy, de venir rendre compte de sa conduite; l'Assemblée, convaincue que les princes ne doivent pas, vrai, échapper plus que d'autres à l'empire de la loi, mais ne voyant contre lui ni accusateur ni plainte, crut qu'il n'étoit pas de sa dignité de donner une attention sérieuse à des propos de société, fondés sur des libelles clandestins ou sur les interprétations de la malveillance, et passa sur cette demande à l'ordre du jour.

Cependant, malgré les lettres du ministre des affaires étrangères, le public s'obstina à ne voir dans la mission de M. d'Orléans, qu'une lettre-de-cachet d'une forme nouwelle, et la municipalité de Boulogne-surMer, persuadée qu'un tel personnage ne pouvoit quitter le royaume dans la crise actuelle des affaires, sans des motifs de la plus haute considération, crut qu'il étoit de son devoir, malgré les passe - ports dont il étoit muni, de suspendre son embarquement, et envoya trois députés pour prendre de nouveaux ordres de l'Assemblée Nationale

et du roi; ils en reçurent celui de ne mettre aucun obstacle à ce qu'il se rendît à sa destination. Il partit donc chargé d'une mission. dont l'objet fut toujours un mystère, et de soupçons outrageans; soupçons dont il fut lavé depuis par la malignité même de ses ennemis, qui, dans la monstrueuse procédure dirigée pour le perdre, lui fournirent l'occasion de manifester son innocence. Il doit néanmoins essuyer le reproche de foiblesse, s'il céda à la crainte de la cour et à l'ascendant du général; comme il mérite la palme du patriotisme, s'il sacrifia au bien de la paix les mouvemens d'une juste fierté, et les inté rêts de sa gloire.

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CHAPITRE XI I.

Première séance de l'Assemblée Nationale à Paris. Insurrection populaire disposée par une disette factice pour effrayer les représentans. Activité de la commune pour assurer l'ordre public. Meurtre du boulanger François. Loi martiale. Etablissement d'un comité des recherches à l'Hôtel-de-Ville. Supplice du meurtrier de François. Tribut de sensibilité donné par la cour et la municipalité, au malheureux sort de sa veuve. CE fut le lundi 19 Octobre, que les représentans de la nation françoise tinrent leur première séance à Paris dans une des salles de l'Archevêché. Cette journée, grace à la vigilance de la commune et au zèle de la garde 1 nationale, fut remarquable par sa tranquil lité, malgré les baînes et les passions particulières qui fermentoient encore. Le peuple se porta en foule, à la vérité, vers le lieu de l'Assemblée; mais ce fut pour contempler avec attendrissement ces pères de la patrie qui avoient conquis à travers tant de périls

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les droits de la nation, et lui avoient fait le magnifique présent de la liberté. Cependant, comme il ne connoissoit pas encore les défenseurs et les ennemis de la cause populaire, il se livroit avec réserve aux mouvemens de son cœur, dans la crainte de se méprendre, en adressant les vœux de la reconnoissance à ceux à qui il ne devoit qu'un silence respectueux.

Une députation de la commune de Paris vint présenter à l'Assemblée ses hommages et les assurances de sa profonde soumission à ses décrets. Elle avoit à sa tête le maire et le commandant général de la garde nationale, MM. Bailly et la Fayette, dont la gloire et les services sembloient rendre les discours plus solemnels et plus augustes. Après la réponse du président qui fut couverte d'applaudissemens universels, M. de Mirabeau demanda la parole pour faire voter de justes remercîmens à ces deux héros citoyens, et signaler ainsi la première séance de l'Assemblée dans la Capitale, par un acte public, capable d'affermir l'autorité légitime, d'augmenter la considération pour les chefs, et de réprimer ces amis imprudens où ces ennemis adroits

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