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nimer la confiance et dissiper les nuages que des frayeurs paniques élevoient dans les esprits. En vain un prêtre demanda qu'il fût établi une marque distinctive pour les représentans, durant leur séjour à Paris. La question préalable, pour la troisième fois, depuis le commencement de la session, repoussa une motion indiscrette, aussi impolitique que contraire à l'égalité des citoyens, et la sécurité sembla prendre la place de la défiance. Mais lorsqu'après le rapport des commissaires chargés du choix d'un local, il eût été décidé qu'en attendant qu'il fût préparé, les séances se tiendroient dans la salle de l'Archevêché, et qu'il fallût enfin se résoudre à ce terrible départ, on vit encore se multiplier les demandes de passe ports, et les champions de l'aristocratie disparoître en foule aux approches de la capitale, comme les insectes et les oiseaux de la nuit aux premiers rayons du soleil. On remarqua avec regret dans la troupe des fuyards, quelques déserteurs de la cause populaire, l'éloquent mais foible Lally-Tolendal, qui défendit contre les parlemens la mémoire de son père et les droits de la liberté contre les ministres

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et les tyrans, mais qui entraîné par l'ascendant de l'amitié et sa prévention exclusive pour le systême de la balance des trois pouvoirs et les écarts d'une imagination exaltéę, oublia ses devoirs et les principes, et alla sur les bords du lac de Genève pleurer la gloire de ce sénat mort avant que de naître, de ce sćnat où ses talens devoient briller avec tant d'éclat ; et évoquer dans une brochure les mânes de Quintius Capitolinus qui délivra sa patrie des armes étrangères et des discordes. civiles, mais n'écrivit point de pamphlets séditieux et incendiaires, et ne chercha point. à soulever les tribus du peuple Romain contre l'assemblée des comices; et le fougueux Bergasse tout fier encore d'avoir porté les premiers coups au colosse du visiriat qui écrasoit la France: il combattit avec courage le tyran Brienne et le satrape le Noir; mais aveuglé par son orgueil, il prit son audace pour du génie et ne put souffrir que l'Assemblée Nationale rejetât un plan de constitution qu'il avoit sanctionné et un ordre judiciaire qu'il avoit créé : il résolut de la punir par son silence, et ne voulut en demeurer membre que pour protester chaque jour par son absence

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contre ses décrets et la décrier dans les provinces par des libelles, au lieu de l'éclairer dans la tribune par ses lumières. Les autres à peine connus aujourd'hui furent cacher dans leurs terres la honte de leur foiblesse et le vain dépit d'une vanité irritée. Plusieurs coururent chez l'étranger susciter des ennemis à Ja nation qui les avoit nommés ses représen tans; quelques-uns partirent pour le nouveau monde dans l'intention d'y conserver toute la pureté de leurs principes et d'établir sur les rives sauvages du Scioto cette bonne féodalité que l'on vouloit bannir de l'Europe.

L'Assemblée, toujours indulgente pour les individus, se contenta de pourvoir à ce que la chose publique ne reçût point de dommage d'une désertion trop nombreuse, et rendit le décret suivant :

e L'Assemblée Nationale décrète qu'il ne sera plus accordé de passe-ports que pour un tems bref et déterminé, et pour affaires urgentes. Quant aux passe-ports illimités pour cas de maladie, ils ne seront accordés à ceux qui les demandent qu'après qu'ils auront été remplacés par leurs suppléans.

Décrète également que les suppléans ne

seront nommés à l'avenir que par tous les citoyens féunis ou légalement représentés, en telle sorte néanmoins que ladite loi n'aura point d'effet rétroactif pour les suppléans déjà nommés.

» Décrète enfin que huit jours après la première séance de l'Assemblée Nationale à Paris, il sera fait un appel nominal de tous les membres et sursis jusqu'à ce jour à délibérer sur l'impression et envoi dans les provinces, des noms des députés absens ».

Décret mémorable qui, en établissant la forme dans laquelle les députés devoient être élus, achevoit d'effacer la tache de l'impolitique et inhumaine distinction des ordres, érigeoit en loi de l'état ce principe sacré, qu'il n'existe en France qu'un seul ordre, celui de citoyens françois, et que tous les députés sont également les députés de la nation, tirés de la nation par un district territorial de cette même nation.

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CHAPITRE X I.

Proclamation des droits de la nation françoise. Dénomination de roi des françois, substituée à celle de roi de France. Alarmes répandues parmi les citoyens. Départ de M. d'Orléans pour l'Angleterre.

TANDIS

ANDIS que l'Assemblée Nationale combattoit d'une main les ennemis de la liberté,

des

de l'autre elle en affermissoit les bases et élevoit l'édifice de la constitution. Après avoir reconnu les droits de l'homme, elle procla ma ceux du citoyen, et maintint l'harmonie nécessaire entre les représentans de la nation et leg gouvernement, en formant entr'eux rapports d'union et de confiance. Mais elle arrêta l'action trop puissante du monarque sur le corps législatif, en attribuant exclusivement à ses membres l'initiative en ma tière de loix, et prévint les dangereux effets de son influence sur l'ambition et l'avarice des particuliers, en lui refusant la faculté de créer ou de supprimer à volonté les offices. Elle opposa en même tems une barrière invincible à ses usurpations en rétablissant la

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