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son administration. « Instruit, dit-il, du génie et de la disposition des colons blancs » par une résidence de sept ans dans les Iles » sous le vent, et connoissant bien les fonde»ments et les motifs de leurs préjugés et de >> leurs opinions concernant les gens de couleur, je prévis de suite les troubles et les dangers que cette mauvaise mesure produi>> roit inévitablement; mais n'ayant pas le pouvoir d'en supprimer la communication, j'informai sur le-champ les ministres du roi » du mécontentement général, et de la fer» mentation violente qu'elle excitoit dans la » colonie. A mes propres observations j'ajoutai celles de plusieurs hommes prudens » et sans passions, que je crus devoir con» sulter dans une conjoncture si critique, et je finissois par exprimer mes craintes que » ce décret ne causât la mort inévitable de plusieurs milliers d'habitans. L'évènement » n'a que trop justifié mes prédictions! »>

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Sur l'invitation de l'assemblée provinciale du département septentrional, les diverses paroisses de la colonie procédèrent, sans hésiter, à l'élection de députés pour former une nouvelle assemblée coloniale. Ces députés, au nombre de cent soixante-seize, se réunirent à Léogane, et le 5 août se déclarèrent l'assemblée générale de la partie française de

Saint- Domingue. Ils firent peu de choses, mais ils montrèrent une grande union, beaucoup de modération dans leurs procédés, et ils convinrent de tenir leurs séances au CapFrançais, où ils s'ajournèrent pour cet effet, fixant le 25 du même mois pour l'ouverture

de leur session.

Cependant l'agitation de l'esprit public était si grande, que M. de Blanchelande trouva nécessaire non seulement de transmettre à l'assemblée provincale du Nord une copie de la lettre qu'il écrivoit aux ministres du roi, mais encore de l'accompagner d'une assurance solennelle, portant qu'il s'engageoit à suspendre l'exécution du fatal décret, quoi qu'il pút lui en arriver; mesure qui montroit trop clairement que son autorité dans la colonie touchoit à sa fin.

Justement alarmés de toutes ces opérations si hostiles envers eux, et craignant vraisemblablement une proscription générale, les mulâtres commencèrent, dans toute la colonie, à s'assembler en corps d'armée, et, par une triste fatalité, les blancs les laissèrent tranquillement se réunir. A la vérité, toutes les idées étoient dirigées vers la nouvelle assemblée coloniale; c'étoit de ses délibérations et de ses procédés qu'on attendoit avec confiance l'extinction de toutes les alarmes et

le redressement de tous les abus existants. M. Blanchelande avoue aussi qu'il nourrissoit les mêmes idées flatteuses et illusoires.

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Après une longue succession de violents ora» ges, j'espérois, écrit-il, voir renaître le » calme et la sérénité. La conduite modérée » et conciliatrice de la nouvelle assemblée, pendant son court séjour à Léogane; le ca» ractère de la plupart des membres, et la nécessité, si sensible pour tous, d'une union » mutuelle et d'une parfaite unanimité, en » cette grande circonstance : tout cela me por» toit à croire qu'enfin la colonie verroit la fin de ses misères, quand, hélas! l'orage, qui » était prêt à fondre, nous a tous frappés. »>

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* Ce fut le matin du 23 août qu'une alarme, qu'une consternation générale, se répandit dans toute la ville du Cap, d'après le bruit que tous les nègres esclaves de plusieurs paroisses voisines s'étoient révoltés, et portoient la mort et la désolation sur toute la grande et belle plaine adjacente au nord-est. Le gouverneur et la plupart des officiers militaires en activité se rassemblèrent, mais les rapports étoient si confus et si contradictoires, qu'on ne savoit à quoi s'en tenir, lorsqu'à la pointe du jour l'arrivée soudaine et successive de personnes remplies d'effroi, qui s'étoient

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échappées avec peine au massacre et venoient chercher protection à la ville, apportèrent la terrible confirmation de ces funestes nouvelles.

La rebellion éclata d'abord sur une plantation appelée Noé, dans la paroisse d'Acul, à neuf milles seulement de la ville. Douze ou quatorze chefs de bande tombèrent, au milieu de la nuit, sur une raffinerie ou maison à sucre, se saisirent d'un jeune homme, apprenti du raffineur, le traînèrent au bas de la maison habitée, et le coupèrent en morceaux avec leurs coutelas : ses cris ayant attiré les surveillants, ils les tuèrent aussi. Rien ne s'opposant plus alors à l'entrée des rebelles dans la maison, ils pénétrèrent à l'appartement du raffineur, et le massacrèrent dans son lit. Un jeune homme malade, dans une chambre voisine, reçut plusieurs coups de coutelas, et fut laissé pour mort; mais il luž resta assez de force pour se traîner jusqu'à la plantation la plus voisine, et y rapporta les horreurs dont il avoit été le témoin. Il dit que tous les blancs de l'habitation qu'il venoit de quitter, avoient été massacrés, excepté le chirurgien, que les rebelles avoient forcé de les suivre pour s'en servir au besoin. Alarmés de cette nouvelle, tous ceux qui l'entendirent cherchèrent leur salut dans la

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fuite. Je n'ai jamais pu savoir ce qu'étoit devenu le malheureux jeune homme.

Les révoltés, c'est-à-dire tous les esclaves de cette plantation, se portèrent à celle de M. Clément, dont les nègres se joignirent de suite à eux, et l'égorgèrent ainsi que son raffineur. L'assassin de M. Clément fut son postillon, auquel il avoit toujours témoigné les plus grandes bontés. Les autres blancs de l'habitation parvinrent à s'enfuir.

En même temps les nègres de la plantation de M. Flaville, laquelle étoit à quelques milles de là, se soulevèrent aussi, et massacrèrent cinq blancs, dont l'un, le procureur de l'habitation, avoit avec lui sa femme et trois demoiselles. Ces infortunées, implorant à genoux la pitié des sauvages, virent massacrer sous leurs yeux, l'une son mari, et les autres leur père. Quant à elles, les barbares les dévouèrent à un sort plus affreux; ils les traînèrent en esclavage!......

La naissance du jour ne servit qu'à éclairer tant d'horreurs. On vit alors que les nègres de toutes les habitations de la plaine avoient agi de concert, et qu'un massacre général des blancs avoit eu lieu dans toutes ses parties. A la vérité, ils avoient épargné la vie de quelques femmes, mais ce n'avoit été que pour assouvir les passions brutales de ces scélérats.

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