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aussi. Le pillage, les massacres, les flammes furent effroyables; les hommes, les femmes, les enfants assassinés, massacrés, éprouvèrent toutes les horreurs imaginables. On eut la barbarie de renfermer et de brûler dans une maison plus de trois cents personnes toutes vives. Les malheureux de tout sexe, de tout âge, qui cherchoient à se sauver en gagnant des vaisseaux qui partoient, ou à la nage, étoient fusillés même dans l'eau.

Il paroît que, dans le massacre, les nègres frappèrent indistinctement tous les partis, les blancs, les mulâtres; et les blancs se défendirent contre tous avec acharnement; néanmoins il paroît certain que la population blanche fut entièrement détruite et qu'il ne resta pas un seul blanc au Cap; on estime que, s'il s'est sauvé douze ou quinze cents personnes à bord, c'est plus qu'on n'osoit l'espérer.

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Le convoi sortit du Cap, le 23, pour l'Amérique, la majeure partie des bâtiments ayant très-peu de vivres, très-peu d'eau, et plusieurs sans être préparés à ce voyage, sans mâts ni voiles; ceux qui reçurent les malheureux qui se sauvèrent à bord, durent nécessairement manquer de subsistance.

La ville incendiée, détruite, ses habitants massacrés, on assure qu'il ne resta que le

gouvernement, une partie des casernes, l'arsenal et les maisons du Petit-Carénage plus d'église, plus de fontaines.

Le 23, proclamation des commissaires qui invitent et appellent tous les bons citoyens à se réunir autour d'eux, et à laisser partir les scélérats qui vont aller subir le juste châtiment de leurs crimes. Le convoi partit le jour même, et la ville fumoit encore !

CHAPITRE IX.

Emigrations. -Situation et force du parti républicain à Saint- Domingue, et dispositions des habitants. — Les commissaires français abolissent l'esclavage des nègres. - Armement destiné à l'invasion du pays.

Reddition de Jérémie et du Môle au cap Saint-Nicolas.-Tentative sur le cap Tiburon sans succès. Autres opérations de l'armée britannique jusqu'à l'arrivée du général Whyte. Prise du Port-au

Prince.

LA destruction de la belle ville du CapFrançais et le massacre de presque tous les habitants blancs, sont les tristes évènements qui ont terminé notre huitième chapitre.

On y a vu que M. Galhaud et ses partisans, au nombre desquels se trouvoient plusieurs familles respectables, venoient heureusement de s'embarquer sur les vaisseaux du port, au moment où les nègres révoltés entroient dans la ville. Heureux de fuir une contrée vouée à la destruction, ils dirigèrent leur course vers les Etats-Unis de l'Amérique septentrionale, où ils trouvèrent ce qu'un grand nombre de leurs concitoyens avoient trouvé avant eux, un abri contre les atteintes de la persécution, et un asile contre l'oppression et la pauvreté.

En effet, de toutes les parties de SaintDomingue, il s'étoit fait beaucoup d'émigrations depuis la révolte des nègres pour la province septentrionale. Plusieurs planteurs avoient fui avec leurs familles dans les îles voisines; quelques-uns s'étoient réfugiés à la Jamaïque, et l'on supposà qu'au moins dix mille s'étoient transportés, en divers temps, dans différentes parties du continent de l'Amérique. La plupart d'entre eux étoient des personnes tranquilles qui ne cherchoient que le pur nécessaire de la vie, la sûreté et la paix. Les principaux planteurs ayant d'autres objets en vue, s'étoient rendus dans la Grande - Bretagne. Mais enfin après que l'assemblée nationale eut cru devoir décla

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rer la guerre à la Grande-Bretagne, le ministère anglais commença à prêter l'oreille aux ouvertures que quelques planteurs de SaintDomingue leur récidivèrent à ce sujet. Dans l'été de 1793, M. C***, un de ces planteurs, reçut des dépêches du secrétaire d'état pour le général Williamson, lieutenant-gouverneur et commandant en chef de la Jamaïque. Elles exprimoient le bon plaisir du roi (laissant toutefois une grande latitude à la discrétion du gouverneur), qu'il fût envoyé pour recevoir les termes de capitulation des habitants des parties de Saint-Domingue qui sollicitoient la protection du gouvernement britannique; qu'en conséquence il étoit autorisé à détacher, des troupes qu'il avoit sous ses ordres à la Jamaïque, telle force qu'il croiroit suffisante pour prendre possession et garder toutes les places qui pourroient se rendre, jusqu'à ce qu'il arrivât des renforts d'Angleterre. M. C *** ayant ainsi remis les ordres et les instructions qui lui avoient été confiés, envoya de suite un agent à Jérémie (1), petit port et ville dans le district de la Grande-Anse, afin de préparer les habitants à la visite des Anglais, leurs nouveaux alliés.

Je sais que je traite un point fort délicat; (1) Il est entièrement situé dans la baie de Léogane.

mais si les personnes qui, par leurs instances et leurs prières, firent adopter le projet, voulurent tromper ou se trompèrent elles-mêmes grossièrement dans les conseils qu'elles donnèrent au gouvernement anglais en cette occasion, il est de mon devoir de rapporter la non réussite à sa véritable cause. L'historien qui, dans de pareils cas, soit par crainte, par faveur ou par affection, supprime la connoissance des faits, est presque aussi coupable que l'écrivain factieux ou vénal qui sacrifie les intérêts de la vérité et la dignité de l'histoire à l'esprit de parti.

On a vu que les commissaires républicains avoient amené de France avec eux six mille hommes de troupes choisies; qu'on y joigne la force nationale de la colonie, la milice du, pays, formant un corps de quatorze ou quinze mille blancs effectifs, la plus grande partie des nègres et des mulâtres libres, outre une bande d'hommes déterminés de toutes couleurs et de toutes conditions, principalement d'esclaves qui avoient quitté leurs maîtres et des nègres tirés des prisons le tout se montera à peu près à vingt-cinq mille hommes disciplinés, bien armés, et, ce qui est de la plus grande importance, tous acclimatés. Cependant, dispersée nécessairement par détachements dans les différentes

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