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bref daté de Vienne, le 16 février 1313, Clément V donna à l'abbé et aux religieux l'absolution plénière des censures qu'ils avaient encourues et de l'irrégularité qui en avait été la conséquence 1.

Une croisade dirigée en 1309 contre la Syrie avait échoué dès son début par le naufrage de la flotte quittant les ports de la Basse-Italie. Des sommes considérables avaient été recueillies par Clément V dans le but de subvenir aux frais de l'entreprise. En 1307, l'abbé et les religieux du Bec, << mus de dévotion filiale, par pure bonne volonté et sans y être forcés, donnèrent au pape pour la croisade de la TerreSainte et l'accroissement de la foi catholique la somme de 15000 petits florins de Florence dont les deux tiers furent versés entre ses mains, et 5000 donnés plus tard 3». En 1312, l'abbaye donna à la cour pontificale 10 000 florins, «< tant pour subvenir aux besoins du siège apostolique que pour l'expédition de nos propres affaires; et sans les bons offices que nous a rendus Jean Labbé, ajoute le moine chroniqueur, nous en eussions payé 15 000. »

sic ligati nonnullos alios ad ecclesiastica beneficia praesentarunt, et quidam ex eis dicta beneficia prout ad ipsos pertinebat contulerunt, ipsique praesentati et alii qui beneficia receperunt, eadem illi sunt assecuti pacifice et quiete, etc. » Bibl. nat., lat. 13905, fo 48 vo.

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«Nos, salubri directi consilio, vobis et aliis supradictis super praemissis, et singulos ex vestro conventu praedicto, et alios supradictos et quemlibet eorumdem absolvimus ab excommunicationis sententia supradicta, et praefatas suspensionis et interdicti sententias relaxamus ac vobiscum et cum aliis saepedictis super irregularitate quam praedictis ligati sententiis vos et ipsi immiscendo vos praedictis divinis officiis, et recipiendo ordines et beneficia contraxistis, nec non et cum eisdem qui sic ligati beneficia sunt assecuti praedicta, quod ipsa praemissis nequaquam obstantibus libere valeant retinere, auctoritate apostolica dispensamus, et eis fructus, redditus et proventus minus juste perceptos ex illis remittimus et donamus, ac omnem irregularitatis et infamiae notam contractam propter hoc abolemus de gratia speciali. Nulli ergo hominum, etc. Datum Viennae, XIV. Kal. martii, pontificatus nostri anno septimo. » Bibl. nat., lat. fo 48 v°.

* Darras, Histoire de l'Eglise, XXX, 181.

3 Chronique du Bec, édition Porée, p. 135.

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Chronique du Bec, p. 135. Les passages suivants de l'Inventaire des titres du Bec, doivent se rapporter à ce personnage que la Chronique nomme Johannes Abbatis. « Vente à l'abbaye du Bec par Jean de l'Ab

Lors d'une levée de décimes faite par Philippe le Bel, les religieux payèrent 3 613 livres 2 sols 6 deniers pour leurs terres situées dans divers diocèses. Dans cette somme n'était point comprise la quote-part versée par les prieurés de l'Ordre 1. On sait que Clément V avait autorisé Philippe IV à lever des décimes pendant plusieurs années pour la guerre de Flandre ou pour une croisade 2.

L'affaire des commendes papales, un moment apaisée, allait reparaître vers 1320 avec un caractère plus aigu. Cette fois, c'était de bénéfices français qu'il s'agissait.

Le successeur de Clément V, Jean XXII, était natif de Cahors. Son origine était des plus humbles; mais sa vaste intelligence l'appelait aux plus hautes destinées. Jacques d'Euse, après avoir été page du roi de Sicile, était entré dans les ordres; nommé évêque de Fréjus, archevêque d'Avignon, puis cardinal, il fut élu par le conclave le 7 août 1316. Jean fit, comme son prédécesseur, aux cardinaux de sa parenté des dotations sur les prieurés réguliers. C'est ainsi qu'il pourvut son neveu Gaucelin d'Euse, créé cardinal en 13163, du prieuré de Saint-Gervais dépendant de Fécamp, et de celui de Gilly appartenant à l'abbaye de Saint-Pierre de Chartres. L'abbé de Fécamp, et Simon le Duc, moine de Saint-Pierre, pourvu par son abbé du prieuré de Gilly, appelèrent au pape, et le cardinal dut remettre ses bénéfices entre les mains de Jean XXII.

Le prieuré de Notre-Dame du Pré ou de Bonne-Nouvelle, qui avait été donné en commende à Michel du Bec, étant

baye, escuyer, de vergée et demye de bois scise à Livet, 1316. · Vente faite à l'abbaye du Bec par Jean de l'Abbaye, escuyer, de tout le bois qu'il avait en la paroisse de Livet» (p. 522 et 523).

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Dareste, Histoire de France, 1865, II, 348.

a Gaucelin d'Euse, cardinal-prêtre du titre de Saint-Marcellin et de Saint-Pierre, chancelier de l'église romaine, évêque d'Albano, légat en France et en Angleterre, mourut en 1348.

Bibl. nat., lat. 13905, f 43.

Michel du Bec, fils de Jean du Bec-Crespin, chanoine de Paris, doyen de Saint-Quentin, créé par Clément V cardinal-prêtre du titre de SaintEtienne in monte Caelio, le 23 décembre 1312, mourut en 1316, ayant

venu à vaquer en 1316 par la mort de ce cardinal, Jean XXII s'empressa d'en faire cadeau au cardinal Gaucelin d'Euse, son neveu. Mais aussitôt les religieux du Bec, dont dépendait le prieuré, firent appel en cour d'Avignon. Il s'adressèrent en même temps au roi, le priant d'appuyer leur appel et de prendre leur cause en main.

Le 11 janvier 1321, Philippe V écrivit de Vincennes à son secrétaire, clericus, N. d'Archiac, de Archiaco, doyen de Saintes, pour le charger de remettre une lettre au souverain pontife; il recommande en même temps à son secrétaire d'assister de ses bons offices les religieux du Bec députés à Avignon, et de leur procurer accès auprès du pape 1.

Dans sa lettre à Jean XXII, le roi rappelait que l'abbaye du Bec et ses membres, ou prieurés, avaient été fondés et enrichis à des conditions déterminées, à savoir, qu'un certain nombre de religieux entretenus et nourris sur le fonds des donations devaient fidèlement prier pour le salut ou le repos éternel des bienfaiteurs; que le surplus des revenus devait être employé à distribuer des aumônes, à exercer l'hospitalité envers les pauvres ou les nobles qui se présentaient, soit à d'autres œuvres de charité 2. Les moines du Bec se sont de tout temps très dignement acquittés de ces obligations, malgré l'exiguité des ressources de certains.

fondé la chapelle de saint Michel dans l'église cathédrale de Paris, où l'on voit sur une colonne la figure de l'archange, et celle du cardinal sur une autre. (Moréri, Le grand Dictionnaire historique, 1732, II, 25.) Bibl. nat., lat. 13905, f 50 v°.

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* « Sane vestram paternam beatudinem volumus non latere religiosos viros nobis dilectos specialiter abbatem et conventum monasterii B. M. de Becco Helluini, Ordinis S. Benedicti, Rothomagensis diaecesis, a praedecessoribus nostris Francorum regibus aliisque nonnullis nobilibus ducatus Normanniae fundatos, in nostra speciali gardia existere tam in capite quam in membris, certas quoque in ipsa fundatione ipsorum fuisse conditiones adjectas, videlicet quod tam in capite quam in membris singulis, certus esse debeat fratrum numerus qui de bonis sibi pie donatis a fundatoribus sustentati, pro fundatorum animarum remedio successorumque incolumitate et pace apud summum patrem luminum devotis orationibus intercedant; residuum vero, si quod fuerit, in elemosinis et hospitalitate tam pauperum quam nobilium. ceterisque pietatis operibus erogent et committant. » Bibl. nat., lat. 13905, f 50 vo.

prieurés, si bien que l'un d'eux, celui de Bonne-Nouvelle, ayant été donné à certain cardinal, «< cuidam cardinali », les revenus ont été tellement pressurés que, sans des secours donnés par le trésor royal, les religieux auraient été dans l'impossibilité de payer leurs dettes et de continuer leurs œuvres de charité1. Le cardinal Michel étant mort, le cardinal Gaucelin, « notre cher et spécial ami », tente de prendre possession du prieuré du Pré dont il a été pourvu par le Saint-Siège. Mais, pour les raisons ci-dessus alléguées, le roi supplie le pape de ne pas permettre cette prise de possession, et de ne pas autoriser, dans la suite, de semblables entreprises si préjudiciables aux religieux 2.

Il ne paraît pas que la lettre du roi ait été mieux accueillie que la requête des dix-huit barons normands en 1308. Il est vrai que, sur l'opposition et appel des religieux, le cardinal Gaucelin d'Euse avait remis entre les mains du pape le prieuré du Pré; « mais l'abbé et les religieux du Bec furent excommuniez pour s'être opposés au cardinal, et le pape voulut que nonobstant toutes ces oppositions de la part des abbés et religieux de Fécam, de Chartres et du Bec, et la cession ou résignation du cardinal, Gaucelin possédast ces trois prieurés, avec deffense l'archevêque de Rouen et à son chapitre et aux autres. personnes de donner aucun prieuré, dignité, etc., à qui que ce fust, sans sa permission expresse. >> La bulle de Jean XXII était datée d'Avignon, le 6 mars 1328 3.

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Dans l'intervalle de l'appel des religieux et de leur excommunication, l'abbé du Bec avait envoyé à Bonne-Nouvelle, en qualité de prieur, Geoffroy Faé, qui fut élu le 29 août 1327

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«Sic alieno fuerunt aere oppressi quod vix futuris temporibus collum potuerint excutere de subjugo, nec solita potuissent continuare pietatis opera. nisi de non modica quantitate pecuniae regalis benignitas subveniri fecisset eisdem. » (Id., f° 50 v°). Le roi laisse entendre au pape que les seigneurs qui ont succédé aux premiers bienfaiteurs du Bec, en voyant ces revenus détournés à des usages tout autres que ceux auxquels ils étaient destinés, les revendiqueront et voudront en reprendre possession.

Bibl. nat., lat. 13905, f 50 vo et 51.

Bibl. nat., lat. 13905, fo 43 vo.

pour succéder à l'abbé Gilbert de Saint-Etienne. Geoffroy Faé fut remplacé, comme prieur de Bonne-Nouvelle, par Robert de Manneville, que l'on voit figurer, le 22 juin 1335, à l'élection de l'abbé Jean des Granges 1.

Les faits relatifs à l'exercice du droit de haute-justice se rencontrent assez rarement dans les annales de l'abbaye. Un cas de fabrication ou de mise en circulation de fausse monnaie lui fournit l'occasion de faire valoir son droit d'amende que lui avait dénié l'Echiquier tenu à la Saint-Michel 12772. Le récit de cette affaire forme un curieux tableau des mœurs judiciaires au commencement du xive siècle. « En 1321, le 3 décembre, Robert Le Frère, notaire, atteste que quatre sergens royaux vinrent au Bec pour obéir aux ordres du vicomte de Pont-Audemer, affin de tirer des prisons du prieur 3 Guillaume Le Vaignier et Colin du Bosc, accusés de fausse monoye, disant que le cas de fausse monoye étoit un cas dont la connaissance appartenoit au juge séculier; le prieur du Bec affirmant le contraire, que le crime ayant été commis dans l'étendue de la paroisse du Bee et les deux cleres y ayant été pris, cette cause lui appartenoit. Les sergens n'ayant point d'égard aux sommations que leur fit faire le prieur de ne pas passer outre, le prieur les excom

'Bibl. nat., lat. 13905, fo 35 v. En 1327, Robert de Manneville était prieur d'Envermeu. Selon l'auteur du Neustria pia (p. 615) Robert ne serait mort que le 24 avril 1380. C'est peu vraismblable.

Grands Rôles des Echiquiers de Normandie, I, 151. Le droit de l'abbaye avait néanmoins été reconnu dès l'année 1279, aux assises tenues à Pont-Audemer, le 26 juin. Voir : Chronique du Bec, édit. Porée, p. 125.

Le Recueil de D. Jouvelin renferme sur les prisons du Bec un curieux passage qui nous montre d'ailleurs le prieur exerçant les droits de haut-justicier au nom de son abbaye. « En 1450, un Radulfe Le Fevre, de D... (sic) qui avoit épousé trois femmes en face de l'Église et avoit promis mariage à deux filles, fut condamné par le prieur du Bec ad ponendam et tenendam scallam, ad habendam poenam ejusdem scallae cum mittra supra caput », trois vendredis de suite, et ensuite à être renfermé dans les prisons du Bec tant qu'il plairoit au prieur. »>< Bibl. nat.. lat 13905, f° 37 vo. Une pièce du mois de novembre 1289 concernant une affaire litigieuse, se termine ainsi : « Actum sub sigillo curiae prioris de Becco Helluini, judicis ordinarii ejusdem loci. » (Bibl. nat., lat. 12881, fo 420 vo).

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