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forte raison, une chapelle construite dans le monastère luimême devait s'en trouver exempte 1.

Les chapitres généraux de l'ordre du Bec étaient, on l'a déjà vu, l'une des grandes préoccupations des abbés. Toutefois, durant les premières années de son administration, Gilbert de Saint-Étienne n'avait pu provoquer ces réunions, et il craignait que l'omission de ce devoir de sa charge ne causât dans les prieurés de France et surtout dans ceux d'Angleterre un affaiblissement de l'autorité abbatiale et un relâchement de la discipline monastique 2.

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Le 2 février 1313, il adressa une lettre-circulaire au procureur d'Okeburne, aux prieurs de Saint-Néot, de Stokes, de Goldcliff, de Cowick, de Steventone et de Willesford, ainsi qu'à leurs religieux, pour les convoquer d'urgence au chapitre général qui se tiendrait la veille de la fête de saint Jean-Baptiste de la même année. Chaque prieur devait apposer son sceau au pied de la lettre-circulaire qui serait retournée à l'abbé du Bec. Les prieurs d'Angleterre comparurent-ils

'Bibl. nat., lat. 12884, f. 455.

« Vestra nobis dilecta fraternitas non ignorat quod postquam nostri monasterii curam et regimen suscepimus, multis impedimentis arduis et gravibus impediti, capitulum nostrum generale, prout fieri consuevit, hactenus nequivimus celebrare. Nunc autem liberius, licet non penitus expediti, vehementer formidantes ne, pro eo quod vos tanti temporis spacio ad nostrum capitulum nullatenus accessistis, nec vestram nobis praesentiam exhibuistis, aliquod nostrae jurisdictionis et obedientiae nobis debitae contrarium generetur; ac etiam ne, propter causam praelibatam, aliqua honestati contraria in prioratibus vobis commissis sint exorta, quae nostra correctione et reformatione indigeant celeri et salubri officii nostri debitum exequentes, etc. » Bibl. nat., lat. 12884, fo 443.

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« Ad quod siquidem capitulum, ut praesentes sitis in eodem, de nostri conventus consilio et assensu unanimi, vos omnes priores supradictos tenore praesentium citamus et specialiter evocamus, vobis, in forma qua supra, mandantes et praecipientes ut ante recessum vestrum de omnibus bonis spiritalibus et temporalibus dictorum prioratuum, in praesentia sociorum vestrorum diligenter et quam certius poterit.computetis, et praedictum compotum et status dictorum prioratuum in scriptis patentibus redigatis, et dicta scripta sigillis vestris communibus sigillata vobiscum ad dictum capitulum afferatis. » Id., f 443.

Bibl. nat., lat. 12884, fo 443 v°, et lat.13905, fo 31 vo. D. Thibault ajoute: «Sigillum abbatis appensum his litteris habet impressam etfigiem S. Herluini gestantis pedum pastorale in habitu sacerdotali, cum

en personne? La chose est assez douteuse; et le prieur de Goldcliff parait seul avoir apporté, ou du moins envoyé au chapitre de 1313, l'état du temporel de son prieuré 1.

Les actes du chapitre de 1313 ne nous sont point parvenus; mais ceux de celui de 1323 se trouvent dans le Chronicon Beccense auctum et illustratum de D. Thibault. Le statut principal avait pour objet de remédier à un abus qui s'était fort généralisé. Certains prieurs, religieux obédienciers, ou officiers claustraux affermaient à des clercs ou à des laïques, soit à vie, soit pour un long temps, des terres, bois, vignes et autres possessions dont les revenus étaient annexés à leur office. D'autres fois, ils accordaient des pensions, affranchissaient des serfs, faisaient des présents à leurs serviteurs 3, le tout en opposition avec les constitutions du concile de Vienne approuvées par le pape Clément V, et les règles de l'ordre du Bec. Ces abus portaient scandale et causaient de graves dommages aux prieurés et aux offices claustraux. Il fut expressément défendu par le chapitre de 1323, à moins d'une autorisation spéciale de l'abbé, d'accorder aucune pension, d'affranchir aucun serf, d'affermer aucune terre, vigne, moulin ou autres biens, soit à vie, soit à ferme perpétuelle, ou pour plus de neuf années,

circumscriptione hac: S. HIERLVINVS PRIMVS ABBAS BECCI. Ex altera parte, sigillum nihil habet impressum. Erant appensa sigilla praedictorum priorum, sed temporis injuria exesa et fracta fuerunt; cernuntur tantum nomina prioratuum in funiculis pergameni ex quibus pendebant dicta sigilla. » Id., fo 443 vo.

Bibl. nat., lat. 12884, fo 445. De même que D. Thibault, D. Jouvelin constate que l'état du prieuré de Goldeliff est le seul qu'il ait trouvé conservé dans le chartrier du Bec; pourtant il ajoute : « Il est à présumer que les autres prieurs firent de même et apportèrent aussi l'etat de leurs prieurés. » Lat. 13905, fo 32.

« Libertates servis dare.» Nous ne voyons pas d'autre manière de traduire ces trois mots. Cependant il ne peut s'agir ici que de l'affranchissement d'un ou de plusieurs services ou corvées dus par les vilains ou paysans. « Il existait encore des restes de servage sur le sol normand pendant xe siècle, mais on n'en rencontre plus aux suivants... Les termes serfs, taillable haut et bas et homme de corps sont tout à fait étrangers aux habitudes de la Normandie. » L. Delisle, Etudes sur la condition de la classe agricole, p. 18 et 19.

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« Liberationes statuere in prioratibus seu administrationibus sibi concessis. ».

en un mot d'aliéner, céder ou hypothéquer aucun bien appartenant à l'abbaye, sous peine de suspense ferendae sententiae. Dans le cas où un religieux ne se serait pas fait absoudre de cette suspense dans le délai d'un mois, il encourait ipso facto l'excommunication spécialement réservée aux abbés, sauf le cas de nécessité. Tous les prieurs de l'ordre devaient faire transcrire ce statut dans le Martyrologe et en donner lecture au chapitre, chaque année, la veille des Rameaux, en présence de tous les moines'.

Gilbert de Saint-Étienne put voir l'achèvement de sa basilique commencée sous l'abbé Pierre de la Cambe; toutefois, la dédicace n'eut lieu qu'en 1342. Il avait fondé en 1323, un service anniversaire pour le repos de son âme, au moyen d'une rente annuelle de 20 livres tournois à prendre sur la prévôté du Bec, et destinée à augmenter les pitances des religieux. Gilbert trépassa le 24 août 1327, et fut enterré derrière le chœur, devant l'autel de la chapelle de la SainteVierge qui venait d'être bâtie. Ce fut le premier abbé inhumé en dehors du chapitre. On lisait sur son tombeau les deux vers suivants :

O vos qui transitis, memores mortis, rogo, sitis:
Quod sum vos eritis; pro me rogitare velitis 3.

'Bibl. nat., lat. 12884, fo 448 vo.

Chronicon Beccense, p. 49. Avant d'être abbé, Gilbert de SaintEtienne était grangier du monastère, «granetarius Becci. » Id., p. 48. 3 Chronicon Beccense, p. 50.

CHAPITRE III

Geoffroy Faé, 20° abbé. Il est reçu chanoine d'Évreux. Les commendes papales. Protestation de dix-huit barons normands. Encore les commendes papales. La haute-justice du Bec. Les prieurs de Notre-Dame du Lay. Chapitre général des abbés bénédictins de Normandie. Geoffroy Faé élu évêque d'Évreux. Jean des Granges, 21° abbé. Décimes levées sur l'abbaye. Dédicace de l'église abbatiale en 1342. Fondations pieuses.

Geoffroy Faé fut élu, comme son prédécesseur, par voie de compromis. Après que l'autorisation eut été accordée. par le roi Charles IV, l'élection fut fixée au 29 août 1327, et les religieux réunis en chapitre chargèrent le prieur claustral, Guillaume de Saint-Ymer, de désigner douze membres de l'ordre qui auraient tout pouvoir de donner un successeur à Gilbert de Saint-Étienne. Robert de Manneville, prieur d'Envermeu, Renaud de Méré (alias de Merceio), prieur de Saint-Ymer, Geoffroy Faé, prieur de BonneNouvelle, Pierre d'Arques, prieur de Beaumont-le-Roger, Thomas de Ros, prieur de Pontoise, Philippe de Goupillières, prieur de Canchy, Jean de Louviers, prieur de Saint-Martin de la Garenne, Roger de la Lande, prieur de

Dans deux actes de 1331, on rencontre Yves Faé, senior, et Richard Faé, moines du Bec. (Bibl. nat., lat. 12884, fo 457 vo.)

* Guillaume de Saint-Ymer, prieur claustra! du Bec, mourut le 13 octobre 1330, et fut enterré dans le côté nord du chapitre. On lisait autour de sa dalle tumulaire représentant son effigie: «Hic jacel frater Guillelmus de Sancto Ymerio, quondam prior Becci, qui decessit anno Domini MCCCXXX, XIII° octobris. Cujus anima requiescat in pace. Amen. » Bibl. nat., lat. 12884, f 452; lat. 13905, fo 106.

Geoffroy Faé était électeur, mais il ne pouvait se donner sa voix.

Saint-Philbert, Jean de Saint-Martin, prieur de Conflans, Guillaume de la Mare, grangier, Nicolas de Blonville, sacristain et Geoffroy Guerout élurent Geoffroy Faé. Ce fut Robert de Manneville qui fut chargé de proclamer l'élection en chapitre. Après de longues hésitations, le nouvel élu accepta la dignité abbatiale. Robert de Manneville fut immédiatement envoyé avec deux autres religieux vers l'archevêque de Rouen pour lui remettre le procès-verbal de l'élection et le prier de confirmer et de bénir le nouvel abbé. Au bas de la lettre était appendu le grand sceau du Bec 2.

En 1330, Geoffroy Faé fut reçu, par procureur, chanoine de l'église d'Évreux. Le doyen, Simon Chevestre, ayant reçu le serment de maître Richard Viard, procureur de l'abbé, l'installa dans le chœur du côté de l'évangile, et lui assigna dans le chapitre la première place après les dignités. Le nouveau chanoine dut payer 6 livres pour les droits dus au notaire du chapitre, aux chapelains, aux enfants de chœur et au marguillier. Celui-ci donna un délai de huit jours pour acquitter, en argent ou en nature, le droit de chape que les chanoines devaient au jour de leur installation 3.

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« Qui fratrem Gaufridum in abbatem concorditer et unanimiter elegerunt, virum utique providum et honestum, litterarum scientia, moribus et virtuosis actibus multipliciter commendandum, in spiritualibus et temporalibus quamplurimum circumspectum; qui in capitulo proclamatus est abbas a fratre Roberto de Magnavilla, vice sua et omnium praesentium vi potestatis illi traditae. Ille vero multum rogatus tandem consensit electioni suae in haec verba: Ad honorem Dei et gloriosae virginis Mariae, in cujus honore nostrum monasterium est fundatum, ac omnium sanctorum, electioni de me factae assentio. » Bibl. nat., lat. 12884, f° 451; lat. 13905, fo 35.

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Bibl. nat., lat. 12884, fo 451.

« Eodem anno (1330) Gaufridus Faé, abbas Becci, canonicus Ebroicensis. fuit receptus in canonicum et fratrem ecclesiae Ebroicensis per procuratorem, videlicet magistrum Ricardum Viard, procuratorem suum legitime fundatum, prout constare potest in uno scripto in libro collationum, mediantibus juramentis solitis in talibus et aliis solemnitatibus; et fuit positus in possessionem per dominum decanum..... et fuit instalatus in dextra parte chori dictae ecclesiae et locus sibi assignatus in capitulo in primo loco capituli post dignitates per magistrum Simonem Chevestre; et solvit sex libras pro juribus notarii capituli, capellanorum, puerorum chori et matricularii ecclesiae et dicti

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