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bitants de la paroisse du Bec, sauf appel à l'official de Rouen; 2° qu'à l'exclusion de l'archidiacre de Rouen, le prieur faisait la visite de l'église et recevait les comptes des trésoriers; 3° qu'il possédait le droit de déport après le décès du vicaire perpétuel ou curé; qu'il accordait les dispenses de bans; 4o enfin, que le prieur nommait et approuvait les religieux pour entendre les confessions dans l'église de l'abbaye et dans celle de la paroisse 1.

Redoutant le crédit dont l'archevêque jouissait à la cour, les religieux n'osèrent pas pousser plus loin l'affaire, se réservant de la reprendre à 'meilleure occasion. Le 19 juillet 1717, Mgr Claude-Maur d'Aubigné vint en personne faire la visite canonique de l'église paroissiale: les religieux, représentés par leur procureur, firent dresser par-devant notaire une protestation qui fut remise à l'archevêque à huit heures du matin, avant qu'il eût procédé à sa visite. Il y était dit, « qu'au cas que contre plusieurs remontrances également fortes et respectueuses, il semble faire la visite paroissiale dudit lieu qu'ils prétendent exempte, ils entendent s'opposer formellement..... comme à un attentat fait aux droits et aux privilèges de cette église et abbaye fondés sur la concession de Guillaume, en son tems archevêque de Rouen.....; déclarent que leur abbé, le comte de Clermont, n'étant nommé que depuis deux ou trois jours, n'a pu ni savoir ni empêcher ladite entreprise du seigneur archevêque; et ils protestent de nullité contre tout ce qui pourroit être tenté 2 ». L'archevêque passa outre et fit la visite, puis il vint à l'église de l'abbaye, mais n'y fit aucun acte de juridiction ".

En 1720, sous Mgr de Bezons, de nouvelles difficultés surgirent; mais pour éviter une procédure « qui deviendrait de conséquence », l'archevêque consentit à s'en rapporter à la décision de « messieurs du conseil de S. A. S. Mer le comte de Clermont », au sujet des droits d'officialité, déport, visite, etc., pourvu que de son côté la communauté voulût se sou

Archives de la Seine-Inférieure, G. 1308. Archives de la Seine-Inférieure, G. 1308. 3 Mémoire pour servir, etc. Archives de l'Eurę.

mettre à leur décision. Les religieux, au nombre de trentedeux, capitulairement assemblés le 2 mai 1725 sous la présidence du prieur D. Joseph Le Paulmier, acceptèrent l'arbitrage et promirent de s'y soumettre « comme à un arrêt de cour souveraine 1. »

Comme c'était à prévoir, l'affaire fut jugée en faveur de l'archevêque, qui était alors Mgr de Tressan.

Une vingtaine d'années plus tard, on voit les religieux se plaindre que l'abbé Terrisse, grand archidiacre de Rouen, avait fait faire, en 1742, la visite de l'église paroissiale par le doyen de Bourgtheroulde; mais ces réclamations n'avaient plus d'écho. Dans un mémoire rédigé vers cette même époque par l'abbé Terrisse lui-même, on n'opposait même plus aux prétentions des religieux les preuves de droit, et le grand archidiacre se sentait assez maître de la situation pour dire à ses adversaires, avec un dédain assez peu contenu : <«< Les prieurs du Bec ont varié sur le titre qu'ils prenaient; les uns se qualifiaient officiaux, ou juges ordinaires de l'exemption du Bec, et en cette qualité ils exerçaient toute la juridiction épiscopale sur la paroisse ; d'autres ont pris la qualité d'archidiacres du Bec, ce qui ne dénoterait qu'une juridiction subordonnée; enfin, quelques-uns ont cru qu'ils étaient officiers et vicaires généraux-nés des archevêques. Quand M. d'Aubigny fit sa visite, le prieur lui dit qu'il était son official et son grand vicaire; il fit néanmoins la visite, et lui défendit de prendre à l'avenir une qualité qu'il ne lui avait point conférée ; et depuis ce temps les prieurs du Bec, après avoir perdu la jouissance de leur prétendu privilège, ont perdu jusqu'aux titres qui pouvaient encore en conserver quelques vestiges 2. »

Extrait du registre des délibérations capitulaires du Bec. Archives de la Seine-Inférieure, G. 1308.

* Défense de la juridiction de Mar l'archevêque de Rouen sur l'église et paroisse de Saint-André du Bec (par l'abbé Terrisse). Archives de la Seine-Inférieure, G. 1308. La dernière pièce importante que renferme la liasse 1308 sur cet interminable conflit est une Réponse de Mgr l'ar. chevêque de Rouen au Mémoire des religieux du Bec. Ce factum rédigé ou plutôt terminé le 24 février 1744, par l'abbé Cornet, secrétaire de Mgr de Saulx-Tavannes, montre que les bénédictins se soumettaient

malaisément au droit de l'archevêque il peut se résumer ainsi : M. d'Aubigné successeur de M. Colbert fit la visite de l'église du Bec, au mois de juillet 1718, et pendant tout son épiscopat, il a exercé une pleine juridiction sur la paroisse. M. de Bezons se pourvut auprès du conseil du comte de Clermont où l'affaire fut définitivement décidée en faveur de l'archevêque. Avec une possession aussi constante de la part des archevêques, on peut s'étonner que les religieux du Bec portent encore aujourd'hui des plaintes au conseil de son Altesse où l'affaire a été discutée et terminée il y a vingt-quatre ans. Au fond, l'archevêque a pour lui le droit commun, et sans examiner si les religieux ont eu une exemption, il suffit à l'archevêque de Rouen de prouver qu'ils n'ont plus la possession, et ce défaut de possession, suivant les canonistes, suffit pour anéantir les prétentions les mieux établies.

CHAPITRE XXI

Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont, quarante-quatrième abbé. Travaux d'embellissement dans l'église. La procession du Roumois. Le duc de Brancas se retire au Bec. Le Jansénisme à l'abbaye. Reconstruction de la maison abbatiale et des bâtiments conventuels. Caractère du comte de Clermont. Arrêt du Conseil sur l'aumône générale. D. Pierre Boudier, prieur du Bec. L'abbaye mise en économat. Ses revenus au XVIe siècle.

Au mois de juillet 1717, le roi, ou mieux le régent, nommait à la commende du Bec un prince du sang, Louis-Alexandre de Bourbon-Condé, comte de Clermont. On le tonsura pour la circonstance, pendant les fêtes de Noël, après que les cérémonies de son baptême eurent été suppléées. Il avait huit ans. Il prit, par procureur, possession de son abbaye. le 19 avril 17181.

Sainte-Beuve a tracé du jeune abbé un portrait peu flatteur, assurément; il a le mérite d'être fidèle. « M. le comte de Clermont était le frère cadet de M. le duc, qui fut quelque temps premier ministre, du comte de Charolais, si connu par ses férocités et ses frénésies; il était le frère aîné de ces trois sœurs mondaines, à l'allure libre et au parler franc, Mile de Charolais, Me de Clermont, Mlle de Sens, desquelles il n'aurait fallu ne rien savoir pour en faire des héroïnes de roman sentimental, comme l'essaya un jour Mme de Genlis pour Mile de Clermont. Né le 15 juin 1709, on le destina de bonne heure à l'état ecclésiastique, ou du moins à des bénéfices d'Eglise.

Mémoire pour servir, etc. Archives de l'Eure.

Dès l'âge de neuf ans, il vit successivement pleuvoir sur sa tête les revenus de l'abbaye du Bec-Hellouin, ceux de SaintClaude, ceux de Chaalis et de Marmoutier, auxquels s'ajoutèrent bientôt l'abbaye de Cercamp et celle de Buzay. Tout cela n'était qu'en attendant mieux. On ne dit pas quels furent ses précepteurs'. A son début dans le monde, il avait pour mentor le comte de Billy, un mentor commode, et plus tard, il le rendra au fils de M. de Billy en leçons de même nature et en exemples. L'inconvénient pour les personnages en vue, c'est que leurs puérilités, comme les moindres fredaines, s'affichent, et que tout leur est compté: on ne sait trop qui est aux aguets de la flatterie ou de la satire. Le comte de Clermont avait quatorze ans lorsqu'il perdit un singe favori pour lequel il commanda des lettres de faire part platement rimées, et il lui fit élever un mausolée où l'on mit aussi des épitaphes en vers2. »

Tel était ce nouvel abbé; sa nomination devait inspirer aux religieux de bien singulières réflexions. Il fallait pourtant s'y habituer; et comme l'abbé demeurait à Paris et que l'autorité disciplinaire demeurait tout entière aux mains du prieur, la régularité monastique n'en eut pas trop à souffrir. Nous allons voir la communauté du Bec poursuivre, avec une persévérance digne d'éloges, l'embellissement de son église, puis entreprendre une œuvre colossale, la reconstruction. complète des bâtiments conventuels.

En 1718, la communauté fit faire un ornement de moire d'argent avec orfrois en broderie d'or, consistant en cinq chapes, une chasuble, deux dalmatiques, avec le devant d'autel. On employa pour l'achat de cet ornement «<< le produit d'un grand pupitre de cuivre qu'on avoit retiré du milieu du

Les revenus du jeune commendataire avaient quelques destinations curieuses: « Il y a plusieurs pensions sur l'abbaye du Bec, savoir: 2000 livres pour M. Auteuil, écuyer de M. le duc; 1 200 livres pour M. l'abbé de Boursac; 1500 livres pour M. l'abbé de Fortia; 2000 livres pour M. l'abbé Guyon, précepteur de M. le comte de Clermont, et 600 livres pour un page tonsuré. » D. Beaunier, Recueil des évéchez, etc. II, 679.

Sainte-Beuve, Le comte de Clermont, p. 3 et 4.

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