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s'élevaient à 8 000 livres; enfin il fallait ajouter le tiers du revenu du prieuré de Bonne-Nouvelle ou du Pré 1.

On dira, conformément au proverbe bien connu, que les moines du Bec étaient fort riches. Rien n'est plus vrai; mais on voudra bien admettre aussi qu'ils savaient faire un utile et noble usage de leur richesse.

Roger de la Rochefoucault et les religieux du Bec, p. 1, 3, 7 et 8). Au moment de la Révolution, les offices claustraux valaient la ferme, dime et seigneurie du Plessis-Mahiet, 4800 liv.; le fief d'EcorcheCaillou avec les rentes seigneuriales, 175 liv.; enfin une rente sur le petit séminaire d'Evreux à la charge du curé d'Epégard, 60 liv.

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1 Factum pour messire Roger de la Rochefoucault, p. 8.

CHAPITRE XVIII

Les écoles d'humanités, de philosophie et de théologie dans la Congrégation de Saint-Maur. Le programme des études. L'école de théologie du Bec et ses professeurs. Les historiens de l'abbaye. Ecrivains divers. La journée d'un bénédictin de SaintMaur.

En se proposant principalement de ramener à la ferveur régulière les monastères bénédictins qui adoptaient sa réforme, la Congrégation de Saint-Maur avait, en même temps, voulu donner une impulsion féconde à l'étude de la théologie, des lettres sacrées, des langues et de l'histoire ecclésiastique. Qui ne se souvient de la retentissante dispute qui s'éleva entre l'abbé de Rancé et Mabillon? L'austère réformateur de la Trappe ne comprenait pas qu'un moine s'occupât d'autre chose que de son salut personnel au moyen de la prière et du travail des mains. D. Mabillon qui personnifie si admirablement l'esprit de sa Congrégation, soutenait avec raison que l'étude, chrétiennement pratiquée, était utile non seulement au religieux pour nourrir son âme, mais encore à ses frères pour les édifier, aux fidèles demeurant dans le monde pour les fortifier, et même aux incrédules et aux impies pour les éclairer et les confondre1. L'expérience a confirmé le sentiment de Mabillon, et l'étude est toujours demeurée en honneur chez les bénédictins. Si, dans le nombre considérable des livres sortis de leur plume,

Sur la querelle entre Rancé et Mabillon, voir E. de Broglie, Mabillon et la Société de l'abbaye de Saint-Germain des Prés à la fin du XVIIe siècle, t. II, ch. vii.

durant les deux derniers siècles, il en est quelques-uns d'une orthodoxie douteuse, l'immense majorité de leurs travaux a rendu et rend encore à l'Église les plus signalés services, car ils ont singulièrement facilité au clergé l'étude de l'exégèse et de la patristique, et aux laïques les recherches d'his toire et d'érudition.

Dans le chapitre général qui fut tenu à Marmoutier au mois de septembre 1651, on décida l'établissement d'écoles de théologie et de philosophie dans les diverses provinces de l'ordre. Pour la Normandie, l'école de théologie fut instituée au Bec et le professeur désigné fut D. Agathange Collot 2. Des écoles de philosophie furent érigées dans les monastères de Saint-Martin de Séez et de la Trinité de Fécamp. Trois écoles d'humanités et de rhétorique étaient, en même temps, fondées à Saint-Jean d'Angély, à Tiron et à Notre-Dame de Pontlevoy. Pour ne pas multiplier outre mesure les occupations des religieux chargés des cours, il fut décidé qu'à l'avenir les prieurs ne pourraient exercer les fonctions de professeur. On prescrivait aux étudiants qui avaient achevé leurs cours de philosophie et de théologie d'aller dans un autre monastère de leur province, vaquer uniquement pendant une année aux exercices de la piété et de la vie monastique *.

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Les constitutions de la Congrégation de Saint-Maur, rédi

Il est bon d'observer que le nombre de ces écoles se multiplia rapidement; dès la seconde moitié du xvIe siècle, il y avait des écoles de théologie et de philosophie dans la plupart des grands monastères; on peut citer entre autres : Saint-Germain des Prés, Saint-Denis, Corbie, Saint-Faron de Meaux, Saint-Benoît-sur-Loire, Bourgueil, SaintEvroult, Saint-Etienne de Caen, Saint-Wandrille, Jumièges, le MontSaint-Michel.

* Dans un plan de l'abbaye du Bec dressé au XVIe siècle et conservé aux Archives nationales, la classe, le chauffoir et la salle pour se promener sont indiqués au sud du chapitre, sur l'un des côtés du cloître. Voir aussi la vue du Monasticon gallicanum, édit. Palmé, pl. 114.

Il existait une école d'humanités au prieuré de Bonne-Nouvelle de Rouen, où l'on institua une chaire spéciale de langues grecque et hébraïque. M. le chanoine Sauvage a raconté avec beaucoup de charme l'histoire de l'Ecole de Bonne-Nouvelle, Rouen, 1872.

D. Martène, Annales de la Congr. de Saint-Maur, Bibl. nat., lat. 12791, fo 272-273.

gées en 1627 et retouchées dans le chapitre général du 5 juin 17691, contiennent le règlement détaillé des études auxquelles étaient astreints les futurs religieux; on craignait que la légèreté de leur âge ne leur permit pas de faire des progrès suffisants dans les collèges publics. Dès la première année de la probation, les candidats devaient se livrer à l'étude des langues française, latine et même grecque et hébraïque, de la chronologie, de l'histoire et de la géographie. Ils étaient, en outre, astreints au travail des mains, aux lectures de piété, à l'interprétation du Nouveau Testament et de la règle de l'ordre, à l'étude des rubriques du bréviaire, du chant et des cérémonies liturgiques 2. Les étudiants n'étaient pas dispensés des exercices de la communauté, sauf à de rares exceptions. Ils avaient deux classes par jour d'une heure et demie chacune, le matin à sept heures et demie, le soir à une heure trois quarts; ils se réunissaient dans une salle commune pour préparer leurs leçons 3.

Le professeur de rhétorique, après un rapide examen des préceptes, devait en faire l'application dans l'étude de quelque Père de l'Église dont la latinité semblait plus recommandable, comme Lactance, saint Cyprien, saint Jérôme, ou de fragments de l'Écriture, tels que les cantiques de Moïse et les Prophètes. On pouvait aussi analyser quelques auteurs profanes « Cicero in suis Officiis et Orationibus; in Georgicis Virgilius, et Arte poetica Horatius: fas erit pariter orato

'Regula S. P. Benedicti et Constitutiones Congregationis sancti Mauri, Paris, 1770. Le chapitre général de 1766, préoccupé de faire refleurir les études dans la Congrégation, avait établi à Saint-Germain des Prés un bureau de littérature chargé de préparer un nouveau plan d'études. Le supérieur-général D. Boudier écrivit, le 17 janvier 1768, une lettre-circulaire dans laquelle il annonçait la composition et le fonctionnement du bureau de littérature, et l'esprit large qui devait présider à l'exécution de ce nouveau plan d'études qui allait être adopté par la Congrégation. Voir : A. Dantier, Rapport sur la correspondance inédite des Bénédictins de Saint-Maur. Paris, 1857, p. 127-130. Le règlement scolaire donné en 1769 ne fit que compléter et développer celui qui était en usage dans les écoles établies au XVIIe siècle.

• Constitutiones, etc., cap. xi. De prima candidatorum probatione,

p. 145.

3 Constitutiones, etc., cap. xvI. De studiis juniorum, sive ante sive post emissam professionem, p. 162.

rum nostrorum et aliorum auctorum gallica opera eis legenda tradere 1». Les élèves devaient se livrer plutôt à l'analyse des auteurs latins et français qu'à la composition de discours littéraires.

La rhétorique terminée on passait en philosophie, que l'on considérait surtout comme l'introduction à la théologie 2. Le cours de philosophie comprenait la logique, l'étude des mathématiques, de la géométrie et de la physique élémentaire. L'éthique était étudiée en théologie. Une bonne partie de l'année était consacrée à la métaphysique qui comprenait, dans le traité de Deo et animâ, l'étude des fondements de la religion chrétienne, de l'existence et de l'immutabilité de la loi naturelle, de la nécessité de la révélation, de la réalité des miracles et des prophéties. Les questions oiseuses devaient être soigneusement écartées.

Le cours de théologie embrassait l'Ecriture sainte, les Pères et l'apologétique. On commençait par les traités des Sacrements et de l'Église. La partie dogmatique terminée, on passait à la théologie morale; la méthode scolastique était seule admise, mais on devait écarter de la discussion les questions vaines, imaginées par certains théologiens de l'Ecole. Pour la moralité des actes humains, on devait s'en tenir à un système moyen, également éloigné des opinions trop sévères ou trop relâchées. Il va sans dire que la doctrine sur le pouvoir ecclésiastique était celle des quatre articles de la Déclaration de 1682 3.

Tous les samedis, des thèses étaient soutenues par quelques étudiants en présence de la communauté. Quand le visiteur venait, les jeunes théologiens étaient soumis à un examen, et leurs notes étaient remises par écrit au supérieur général et aux définiteurs de l'Ordre. On ne pouvait

Constitutiones, etc., cap. xvi. De Studiis juniorum, p. 163.
Constitutiones, etc., id.

3 « In moralibus autem plus æquo severas inter et laxiores opiniones medii semper incedant. Doctrinam Ecclesiae gallicanae de jurisdictione ecclesiastica, prout eam exposuit Clerus gallicanus in Comitiis anni 1682 tueantur, scholaresque suos edoceant. » Constitutiones, etc., cap. xvi, p. 166.

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