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temps et avait toujours juridiction sur les hommes de l'abbaye et sur ceux du bourg1.

Mais si l'abbaye avait obtenu gain de cause relativement à son droit d'officialité, il n'en était pas de même du droit de visite. Le 27 octobre 1303, le grand-archidiacre de Rouen, Guillaume de Flavacour, un parent de l'archevêque, écrivit à l'abbé Ymer pour lui annoncer qu'il ferait le lendemain la visite canonique; il lui mandait en même temps d'apposer son sceau sur la lettre en signe d'acquiescement 2. Ymer

reconnut la juridiction du prieur du Bec, « die sabbati post octavas Epiphaniae. Le prieur du Bec écrivit à l'official de Rouen pour le prier d'envoyer par devers luy prieur la cause de quelques personnes de la juridiction du Bec assignez devant l'official de Rouen. La lettre du prieur est de l'an 1280, die lunae post Exaltationem sanctae Crucis, L'official répondit au prieur, et lui mande qu'il luy renvoye les justiciables; la lettre de l'official est de la même année, die martis post Exaltationem S. Crucis. En 1291, plusieurs personnes citées devant l'official de Rouen furent aussi renvoyées par-devant leur juge, le prieur du Bec. » Recueil de D. Jouvelin, Bibl. nat., lat. 13905, f 90.

«Guillermus, permissione divina Rothomagensis archiepiscopus, dilecto et fideli officiali nostro Rothomagensi, salutem in Domino. Cum per inquestas factas de mandato nostro per dilectum et fidelem magistrum Petrum de Carnoto, subofficialem nostrum Rothomagensem, sufficienter nobis constet ad priorem claustralem monasterii de Becco Helloyni, ordinis S. Benedicti, Rothomagensis diaecesis, in homines dicti Becci seu villae jurisdictionem ecclesiasticam pertinere, et hactenus spectasse; mandamus tibi quatinus ipsum priorem et suos successores nomine dicti monasterii dicta juridictione uti et gaudere libere permittas, eosdem super dictam jurisdictionem nullatenus inquietans. In cujus rei testimonium sigillum nostrum praesentibus est appensum. Datum apud (Deivillam) die martis post Dominicam qua cantatur Isti sunt dies, anno Domini MCCC secundo. » Le prieur du Bec s'étant adressé aux vicaires généraux de Bernard de Farges, archevêque de Rouen, « tunc in remotis agentis », et s'étant plaint que l'official de Rouen. entreprenait sur des droits, exerçant la juridiction sur des sujets de la paroisse du Bec, les grands vicaires ordonnèrent à l'official de laisser jouir le prieur des droits qui luy avaient été confirmés par l'archevêque Guillaume de Flavacour en 1302 (v. st.). L'ordonnance des grands vicaires est de l'an 1310, die jovis post festum Omnium sanctorum. Les grands vicaires de Gilles de Montaigu, alors archevêque de Rouen, confirmèrent les sentences de Guillaume de l'an 1302 et celle des grands vicaires de Bernard, alors archevêque de Narbonne, en 1310. Cette confirmation est de l'an 1311, « die jovis post festum Conceptionis B. Mariae Virginis. » Recueil de D. Jouvelin, Bibl. nat., lat. 13905, fo 37 v°.

« Guillelmus de Flavacuria, Rothomagensis archidiaconus, religioso viro abbati de Becco Helluyni salutem in Domino. Hac instanti die

ne voulut point sceller la lettre de l'archidiacre qui, ne recevant pas la réponse qu'il attendait, n'osa pas se présenter immédiatement. Il le fit quelques jours plus tard; « mais n'ayant point été reçu comme il le souhaitoit, et ne s'étant point contenté d'une humble réception qu'on lui offrit comme à un amy, il prononça une sentence de suspense, d'interdit et d'excommunication contre l'abbé, le prieur, le chantre, le justicier, «< canonica monitione non praemissa, juris ordine in omnibus praetermisso. » Maître Jean Rémy, procureur des religieux, s'étant transporté à Rouen dans l'église cathédrale à l'issue de la grand'messe, « in loco juxta vestiarium », l'an 1303, le 3 novembre, appela, au nom des religieux, de la procédure de l'archidiacre au pape Boniface VIII 1. »

L'archidiacre ne s'était pas contenté de fulminer des censures contre les religieux; il avait voulu forcer le curé de Saint-André du Bec à déclarer à ses paroissiens qu'ils étaient (les religieux) suspens, interdits et excommuniés. Le curé ayant refusé, par la raison qu'il n'était point sous la juridiction du requérant, fut lui-même interdit et excommunié par le terrible archidiacre. Le 6 novembre, le curé appela au pape, et fit dénoncer son appel par le même procureur Jean Rémy, «< in aula reverendi patris Domini archiepiscopi, praesente archidiacono, circa horam tertiam 2. >>

Le conflit était arrivé à sa période aiguë. A l'abbé Ymer, qui venait de mourir, avait succédé Gilbert de Saint-Etienne, qui, malgré sa profession d'obéissance à l'archevêque, se sentait tenu par un autre serment à défendre jusqu'à la mort les droits et privilèges de son abbaye. Guillaume de Flavacour prétendait qu'en raison de sa charge de grand-archidiacre il avait le droit de visite, de correction, de soumislunae post festum S. Romani, volentes in domo vestra visitare et procurari, mandamus vobis quatinus in dicta die nobis victualia congruentia debite praeparetis, in signum mandati nostri a vobis recepti sigillum vestrum praesentibus apponentes. Datum anno Domini M CCC tertio, die dominica praecedenti, »> Bibl. nat., lat. 13905, fo 37 v.

Bibl. nat., lat. 13905, fo 38.

Bibl. nat., lat. 13905, fo 38.

Les religieux du Bec ne refusaient pas à l'archevêque le droit de

sion et de juridiction dans le monastère, et dans l'église paroissiale du Bec sur le curé, les clercs et les paroissiens; il exigeait qu'on lui donnât la procuration ou hébergement tant à l'abbaye qu'à la paroisse lors de ses visites. Les religieux rejetaient ces prétentions, soutenant que de temps immémorial ils avaient eux-mêmes joui des droits qu'on voulait exercer à leur détriment. Enfin, pour le bien de la paix, les deux parties convinrent, par un acte signé le 13 mars 1307, de soumettre le différend à l'arbitrage définitif du nouvel archevêque de Rouen, Bernard de Farges.

L'archevêque rendit sa sentence le 11 avril suivant. Il décida que l'archidiacre et ses successeurs n'auraient droit

visite et de correction; Eudes Rigaud en avait usé à diverses reprises et les abbés ne s'en étaient pas plaint; mais ils niaient que les archidiacres eussent, en vertu de leur charge, le droit de se substituer à l'archevêque, et d'exercer par eux-mêmes, jure ordinario, la visite, la correction et la juridiction.

1

« Actum sub sigillis abbatis et conventus Becci necnon archidiaconi praefati, die lunae ante Ramos Palmarum, anno MCCC sexto. » (Bibl. nat., lat. 12884, f° 437.) D. Thibault ajoute : « Nota quod sigillum Beccense hic appositum ex una parte exhibet imaginem B. Helluini primi abbatis Becci, et ex altera parte abbatis effigiem cum baculo sine mitra, cum hac inscriptione: GVILBERTUS ABBAS BECCI HELLVINI, atque in area sigilli, hinc inde circa effigiem abbatialem unum lilium a dextris, alterum a sinistris. » (Id., f° 437 vo.) Ce sceau est conforme à celui décrit par Douet d'Arcq pour l'année 1308. (Collection des sceaux, 1868, no 8527.) Il décrit ainsi qu'il suit le sceau du couvent du Bec appendu à une charte de 1221. « Fragment de sceau rond de 75 millim. La Vierge avec l'Enfant Jésus assise sur un banc en forme de reliquaire, couronnée, voilée, nimbée d'un nimbe de perles et tenant à la main droite un sceptre fleurdelisé. Elle est sous un ciel étoilé de cinq étoiles.

...ILLVM CONVENTUS SA.....CO

(Sanctae Mariae de Becco).

Contre-sceau: buste d'homme de face, senestré d'une crosse, représentant Herluin.

+ B. HERLVINVS PRIMVS ABBAS BECCI.

Une figure de ce même sceau se trouve dans D. Bourget (The History of the royal abbey of Bec, Appendix, p. 118, London 1779) Le sceau de l'abbé Robert de Clairbec, qui se trouve apposé à une charte de 1253, représente un abbé avec la crosse et un livre, accosté à droite d'une fleur de lis et à gauche d'une rose ou d'une étoile, le contre-sceau figure Herluin debout, tenant également une crosse et un livre, avec une étoile à sa gauche. On lit: HERLVINVS ABBAS B...

qu'à une seule procuration par an dans l'abbaye, pour lui, sa suite et pour le nombre de chevaux admis par le droit 1; la dépense serait supportée par l'abbé et les religieux 2. Le 15 du même mois, à la demande de l'abbé et couvent du Bec et aussi de l'archidiacre, le doyen et le chapitre de Rouen ratifièrent cette sentence et y souscrivirent 3. L'official de Paris fut même requis de vidimer la sentence arbitrale de l'archevêque et l'approbation du chapitre de Rouen : ce qu'il fit par une lettre donnée en 1311 *.

Dans la sentence arbitrale rendue en 1307 par Bernard de Farges, il n'avait point été question du droit d'installer les abbés du Bec que revendiquait le grand archidiacre de Rouen. Cette nouvelle réclamation avait, sans doute, été inspirée par le dépit d'une victoire douteuse. Mais, pas plus sur ce point que sur les autres, l'abbé ni les religieux ne cédaient le terrain. Aussi, ne pouvant vaincre leur résistance, « propter potentiam ipsorum religiosorum », Guillaume de Flavacour s'adressa au pape en le priant de nommer un nouvel arbitre. L'évêque de Bayeux fut désigné pour juger cette nouvelle affaire en dernier ressort; toutefois, il devait soumettre au souverain pontife les pièces du procès et sa sentence avant de la promulguer. Le bref de Clément V est daté de Poitiers, le 2 février 1309 5.

Le concile de Latran tenu en 1179 (can, IV), après avoir déterminé le nombre de personnes qui peuvent accompagner les archevêques et évêques dans leurs visites ajoute : « Archidiaconus quinque aut septem, decani constituti sub ipsis duobus equis contenti existant. » Alexandre III avait défendu que les archidiacres visitassent plus d'une fois leurs églises chaque année, à moins qu'il ne survint quelque nouvelle nécessité. (Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline, V, 395.)

2

« Quod videlicet dictus archidiaconus pro omni jure quod habere se dicebat in monasterio et parochia Beccensi, unam procurationem semel in anno recipiet in monasterio, hoc est cum familia et equitaturis sibi a jure concessis, et successores ejus in posterum singulis annis semel expensam facient ad sumptus dictorum abbatis et conventus. » Bibl. nat., lat. 12884, fo 437 vo.

Bibl. nat., lat. 12884, f° 438 et lat. 13905, fo 38 vo.

Bibl. nat., lat. 12884, fo 441.

Bibl. nat., lat. 12884, f° 438 v', lat. 13905, f 38 vo, et 43. De leur côté, les religieux s'étaient plaint à Clément V des usurpations de l'archidiacre.

Les religieux ne manquèrent pas d'introduire dans la cause l'exemption du droit de visite et de correction par l'archidiacre, afin d'en obtenir la confirmation par le pape. Dans une lettre donnée le 21 mai 1309, l'abbé et le couvent donnèrent pleins pouvoirs à leur nouveau prieur, Guillaume de Saint-Ymer 1, pour défendre, avec chartes et titres à l'appui, les droits et privilèges de l'abbaye tant au sujet de la visite de la paroisse que de l'installation des nouveaux abbés 2.

Après avoir entendu les parties et leurs témoins et examiné les chartes de l'abbaye, l'évêque de Bayeux, agissant au nom du Saint-Père, confirma purement et simplement d'une manière irrévocable et définitive la sentence arbitrale de Bernard de Farges. L'archidiacre dut se soumettre cette fois encore, mais il le fit d'assez mauvaise grâce, récriminant sur ce que les religieux avaient toujours refusé de lui montrer leurs chartes qu'ils produisaient en ce jour. Le mercredi 10 décembre 1309, il scella une lettre par laquelle il adhérait à l'ordonnance de l'évêque de Bayeux et s'engageait solennellement, lui et ses successeurs, à ne jamais molester les religieux au sujet de la visite, de la correction et de la juridiction du monastère, ni sur la visite de l'église paroissiale, ni enfin sur l'installation des nouveaux abbés; il reconnut que tous ces droits appartenaient à l'abbé et couvent du Bec, et qu'à l'avenir il se contenterait une fois par année d'une procuration, non pas à lui due, mais amicalement accordée par les moines. Sa renonciation fut approuvée en 1310 par Arnaud de Chanteloup, cardinal prêtre du titre de SaintMarcel, doyen du chapitre de Rouen, et par les chanoines, en présence de Pierre Giraud, vicaire et mandataire dudit.

'Guillaume de Saint-Ymer, que l'on verra présider, en 1327, l'élection de Geoffroy Faé, mourut le 13 octobre 1330. On lisait sur sa dalle tumulaire, dans le chapitre : « Hic jacet frater Guillermus de Sancto Ymerio, quondam prior Becci, qui obiit anno Domini M°CCCo, XXX®, XIII octobris; cujus anima requiescat in pace. » Recueil de D. Jouvelin, Bibl. nat., lat. 13905, f 106.

Bib. nat., lat. 12884, fo 439.

3 Bibl. nat., lat. 12884, fo 439.

Bibl. nat., lat. 12884, f° 439 et 439 v°; lat. 13905, fo 38 vo.

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