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ration semblable, en ajoutant toutefois qu'il lui était dû 4 livres tournois pour l'autelage, à titre de pension annuelle, et quatre setiers de blé pour la dime des closages appartenant aux religieux 1.

L'abbaye possédait à la Huanière une vavassorie que Jean de Gaillon, seigneur de Grosley, tenait « par foi et hommage ». Ce chevalier prétendait y avoir les droits de simple justice, de cour et d'usage et de treizièmes pour les ventes de terres; les religieux soutenaient le contraire, et réclamaient en plus une redevance de « diez troites de la value de diez sous de rente par la raison de ladite vavassorie ». Les deux parties, ne pouvant s'entendre, s'en remirent à l'arbitrage de Hue du Quesne, chevalier. Le dimanche 5 mai 1297, l'abbé du Bec et Roger de la Jariée, justicier et procureur des religieux, et Jean de Gaillon se réunirent au Plessis-Mahiel en présence de Hue du Quesne, lequel décida, après information, que le seigneur de Grosley aurait le droit de simple justice pour les ventes et pour toutes les choses. appartenant de droit ou par coutume au ban du moulin de Grosley dont il aura «< la moute seque et mollie », et les hommes de la vavassorie seront banniers de son dit moulin. D'autre part, les religieux auront les droits de cour et d'usage, les ventes et danger des terres ou des rentes qui seront vendues en ladite vavassorie; enfin, le seigneur de Grosley leur paiera chaque année, au terme de saint Jean-Baptiste, dans leur manoir du Plessis-Mahiel, dix truites de la valeur de 10 sols de rente, qui « seront paies et receues sans aucun barat ne dune part ne dune autre. » L'acte fut donné et

'Bibl. nat., lat. 12884, f 431.

Vers le milieu du XIe siècle. Simon de Grosley avait donné au prieuré de Beaumont-le-Roger l'église de la Huanière, avec le droit de pêcher dans son eau de Grosley, «< in aqua mea de Groleio », avec toute sorte d'engins, la veille de la célébration de son anniversaire, depuis la neuvième heure jusqu'au surlendemain à pareille heure. (Le Prévost, Mémoires et notes, t. II, p. 273.) La Huanière a été réunie à SainteOpportune-la-Campagne, canton de Beaumont-le-Roger (Eure).

3 On voit que dès le x siècle, les belles truites de la Risle étaient fort recherchées. Robert Cénal, évêque d'Avranches, ne manque pas de les mentionner dans son Gallica historia, p. 150 v°. Paris, Galiot du Pré, 1557, in-folio.

scellé des sceaux de Hue du Quesne et de Jean de Gaillon, le lundi 6 mai 1297'.

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Les guerres que Philippe le Bel fit presque sans interruption de 1291 à 1304 l'amenèrent à recourir à la création de taxes et d'impôts vexatoires, et même à l'altération des monnaies. Le clergé était soumis à un système spécial de contributions, les décimes 2; on a calculé que Philippe le Bel toucha vingt et une années de décimes en un règne de vingtneuf ans3. Il employa un autre moyen fiscal d'atteindre la propriété ecclésiastique en faisant payer une certaine somme pour tous les biens dont l'acquisition onéreuse ou gratuite ne remontait pas au delà de cinquante années. Ce fut Renaud le Erchin, clerc, délégué du roi aux finances du bailliage de Rouen, qui fut chargé, en 1296, de faire rentrer la contribution due par l'abbaye. D. Thibault nous en a conservé le détail.

Pour 40 sols tournois de rente sur la prévôté du Neubourg, donnés par Marguerite du Neubourg, les religieux payèrent 8 livres tournois au vicomte de Pont-de-l'Arche. Pour un setier de froment de rente dans la paroisse de Saint-Crespin de Barc, donné par Jean de Bigars, chevalier, seigneur de Conchez, sept vergées de terre dans la paroisse d'Appeville, du fief de Robert de Mortemer, chevalier, données par André Garnier, et 35 sols tournois de rente dans la paroisse de Saint-Léger, ils payèrent 7 livres 10 sols au vicomte de PontAudemer. Pour le moulin de Touvoye et une portion de bois

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Original en français, sceaux enlevés. Cette curieuse charte appartient à M. le Premier Président Boivin-Champeaux qui me l'a obligeamment communiquée au mois d'août 1881. Le Chronicon Beccense auctum de D. Thibault donne une très courte analyse de cette pièce. (Lat. 12884, fo 425).

'Sur les décimes, voir : Paul Viollet, Histoire des institutions politiques et administratives de la France, t. II, p. 402 et suiv.

3 Boutaric, La France sous Philippe le Bel, liv. X, ch. m. L'amortissement commence à apparaître dès la fin du x1° siècle ; il se généralise au xir et au XIe siècle. Voir : Paul Viollet, Hstoire des institutions politiques, etc., t. II, p. 406-409.

* Cette donation avait été faite en 1277. (Invent. des titres du Bec, p. 1335.)

Donation faite en 1259. (Invent. des titres du Bec, p. 554).

à Pont-Autou1; 60 sols de rente à la Roussière 2; 3 acres de bois dans la paroisse de Campaigne (Saint-Germain-la), vicomté d'Orbec, ils payèrent 30 livres tournois. Pour un pré de 3 acres sis dans le vicomté de Pont-de-l'Arche, ils payèrent 31 livres; ce qui formait une somme totale de 76 livres 10 sols. Le roi fut content. « Hanc autem financiam, sive solutionem, factam fisco regio rex ipse gratam et ratam habuit, ut res et possessiones praedictas abbas et conventus Becci habeant et teneant pacifice, et sine coactione vendendi vel extra manum suam ponendi, salvo jure alieno et regio. Actum Parisius sub sigillo regis, mense octobri, мccxcvi3».

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Nous trouvons la mention suivante dans l'Invent, des titres du Bec, p. 472: « Confirmation de Robert de Mortemer de l'acquisition faite par l'abbaye du Bec, de Jean de la Potterye, du moulin de Touvoye et du bois de la Roche, sis au Pont-Autou sur son fief, 1300. »— Les religieux possédaient une rente de 30 sols tournois sur le moulin de Touvoye, comme l'établit la pièce suivante: « Notum sit omnibus presentibus et futuris quod ego Johannes de Poteria, armiger, volo, concedo, et ex certa scientia auctoritate presentium confirmo, ut viri religiosi abbas et conventus beate marie de Becco helluini et eorum successores habeant teneant et possideant in puram et perpetuam elemosinam absque ulla mei vel heredum meorum contradictione seu impedimento, singulis annis triginta solidos turonensium annui redditus in molendino de Touvee, et sede dicti molendini, quicquid de dicto molendino contingat, sito in parrochia de Ponte Autonis, ad duos terminos, videlicet ad festum beati Johannis Baptiste quindecim solidos et ad festum sancti Andree quindecim solidos, libere, pacifice et quiete; quos dictos triginta solidos redditus dicti religiosi habuerunt, tenuerunt et possede-. runt ab antiquo tempore supra dicto molendino et sede ipsius tam ex dono Johanne de Fresnosa quondam uxoris Johannis de Fresnosa, et assignatione Rodulphi des Junquez facta de assensu Petronille quondam uxoris sue filie dicte Johanne, quam ex concessione et confirmatione Matthaei de Poteria antecessoris mei, sicut eorum carte testantur quas vidi, intellexi et plenissime approbavi; et poterunt dicti religiosi et eorum mandatum supra dicto molendino et sede ipsius. pro dicto redditu habendo, plenam justiciam exercere. In cujus rei testimonium presenti littere sigillum meum apposui. Testibus hiis et cetera. Actum die sabbati post Pentecostem, anno Domini m° cc septuagesimo tercio. » Cartulaire du Bec, feuillets appartenant à l'auteur. Ces feuillets renferment en outre la charte de Jeanne de Freneuse, « actum anno gracie mo cc° vicesimo »; et celle de Raoul des Junquez, « anno Domini mo cc° xx° tercio, mense aprilis. »

« Donnation faite à l'abbaye du Bec par IIenry, seigneur de Ferrières, de 3 livres de rente que ladite abbaye lui devait à cause de la terre de la Roussière, 1271. » Invent. des titres du Bec, p. 882.

Bibl. nat., lat. 12884, p. 424 et 424 vo.

Un cardinal du titre de Saint-Laurent in Damaso, Nicolas de Nonancourt, originaire du diocèse d'Evreux', avait été nommé protecteur du Bec auprès de la cour romaine. En 1297, Boniface VIII lui assigna sur cette abbaye une pension viagère de 500 florins d'or 2. Cette taxe fut répartie par l'abbé Ymer sur les officiers claustraux et tous les prieurs conventuels français, comme le prouve la charte originale conservée aux Archives de l'Eure. L'abbé du Bec devait payer 80 livres; le grainetier 40; le chambrier 10; le pitancier 20; le sous-célérier 100 sols; le sacristain 100 sols; le jardinier 100 sols; l'hôtelier 25 sols; le chantre 25 sols; le justicier 25 sols; le prieur du Pré, 25 livres; d'Envermeu, 15; de Beaumont-le-Roger 20; de Conflans 15; de Meulan 10; du Lay 10; de Saint-Ymer 10; de Pontoise 100 sols; de SaintMartin de la Garenne 100 sols; de Saint-Philbert 100 sols; de Saint-Martin-au-Bosc 60 sols; de Canchy 60 sols; de Beausault 60 sols; de Bréval 60 sols; de Bouconvilliers 20 sols. Ces sommes devaient être payées chaque année <«< apud Beccum, in turonensibus nigris. » Ce mandement est ainsi daté: «< Actum in capitulo nostro, anno Domini MCC nonagesimo septimo, die lunae post festum purificationis Marie virginis. » Il fut envoyé à tous les prieurs français qui y apposèrent leur sceau pour marquer qu'ils s'y soumettaient. Le cardinal de Nonancourt ne jouit pas longtemps de sa pension, car il mourut en 1299.

'Sur Nicolas de Auxilio, cardinal de Nonancourt, voir notre opuscule Les Sépultures des évêques d'Evreux, p. 9, Caen 1891, in-8°.

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Bibl. nat., lat. 12884, fo 425.

Archives de l'Eure, H. 96. D. Bénigne Thibault ajoute : « Ex his Ymerii litteris ab ipso et prioratibus sigillatis, colliges quam religiose in prioratibus Becco subjectis vigeret conventualitas. Nam praeter sigilla priorum, sigilla etiam conventus erant apposita, et pendebant ex funiculis pergameni quorum quaedam adhuc restant pene exaesa, pleraque temporis tractu sublata, sed nomina priorum et conventuum leguntur in funiculis scripta: Sigillum conventus Becci; S. conventus de Prato; S. conventus de Evremodio; S. conventus de Bello monte Rogerii; S. conventus de Confluentio; S. conventus Mellenti; S. conventus de Layo; S. conventus S. Ymerii, etc. ». Bibl. nat., lat, 12884, fo 425. Les sceaux et les queues de parchemin ont aujourd'hui disparu de l'original des Archives de l'Eure.

A diverses reprises, les papes avaient armé les abbés de tous les pouvoirs nécessaires pour se faire craindre et obéir des religieux dyscoles. Dans une lettre datée d'Oviéto, le 23 octobre 1281, Martin IV enjoignait à l'abbé du Bec de poursuivre énergiquement la correction des moines récalcitrants, sans tenir compte de l'appel qu'ils pourraient interjeter auprès du Saint-Siège. L'appel était, en effet, l'arme favorite des moines en rupture d'obéissance. Le Recueil de D. Jacques Jouvelin nous a conservé un curieux document où l'on voit intervenir quinze prieurs conventuels de l'ordre du Bec pour supplier Boniface VIII de ne pas tenir compte de l'appel interjeté par deux religieux, Raoul de Champfleury et Gilbert de Tillières. Les prieurs déclarent qu'ils n'ont aucune part à la cabale de ces deux moines qui se plaignent, sans raison, de leur abbé ; ils affirment, en leur âme et conscience, qu'Ymer est un homme plein de religion, juste, pieux, modeste, miséricordieux, de mœurs pures, prudent et fort habile dans le gouvernement de son abbaye; que Raoul et Gilbert n'ont recouru à Sa Sainteté que pour éviter la correction et enfreindre plus aisément la discipline régulière; que Raoul, qui, pour de bonnes raisons, avait reçu l'ordre formel, en vertu de la sainte obéissance, de se rendre au prieuré de Saint-Ymer distant de plus de neuf lieues de l'abbaye, s'y était hautement refusé en plein chapitre, se montrant ainsi désobéissant, rebelle et contumace. Cette supplique, qui est de l'an 1295, portait au bas les sceaux des prieurs du Pré, d'Envermeu, de Saint-Martin-au-Bosc, de Pontoise, de Bouconvilliers, de Beausault, de Saint-Ymer, de Saint-Philbert, de Saint-Lambert, de Meulan, de Bréval, de Conflans, du Lay, de Canchy et de Beaumont-leRoger 2.

L'abbé Ymer fut, dit la Chronique, fort exact à tenir les chapitres généraux de son ordre. Il trouvait là un puissant moyen de corriger les abus et d'établir d'utiles réformes. Ce fut lui qui institua l'usage que, chaque année, les prieurs.

'Bibl. nat., lat. 12884, f° 410 vo. Bibl. nat., lat. 13905, f° 32 vo.

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