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CHAPITRE V

Les prieurés normands et français au XIII et au XIVe siècle. Canchy, Conflans. Pontoise. Le Pré. Meulan. Saint-Philbert. Saint-Lambert de Nassandres. Beaumont-le-Roger. Saint-Ymer. Envermeu. Beausault. Le Lay. Saint-Martin de la Garenne. Tillières. Bures.

En relatant les faits qui se rattachent à l'histoire des prieurés de l'ordre du Bec, pendant le x et le xive siècle, nous suivrons l'ordre de leur fondation, ainsi que nous l'avons fait dans un chapitre précédent.

L'année 1203 vit finir un grave procès qui s'était élevé entre le prieur de Canchy, au diocèse d'Amiens, et le prieurchanoine de Saint-Wulfran d'Abbeville au sujet de la dime de la Queste. Le prieur de Canchy établissait, à l'aide de nombreux témoignages, que cette dime avait été donnée aux religieux du Bec, et particulièrement à ceux de Canchy, par le vicomte Eustache, et confirmée par son fils Geoffroy auquel le village de la Queste appartenait par droit héréditaire. Innocent III nomma les abbés du Lieu-Dieu, de Notre-Dame de Séry et du Tréport arbitres de la cause, avec mission de la terminer, nonobstant tout appel. Les trois délégués apostoliques se saisirent de l'affaire, que le prieur d'Abbeville avait portée devant d'autres juges, défendirent de procéder plus avant, et rendirent leur sentence. Mais comme les détenteurs de la dime ne voulaient point acquiescer à ce premier jugement, on chargea Guillaume Sangars et un autre chapelain de Saint-Wulfran d'excommunier tous et chacun des détenteurs des dîmes en litige; puis P., abbé de Saint-Quentin, J., doyen et H., chantre de Beauvais, mandèrent, au

nom du siège apostolique, au doyen et au chantre d'Amiens, de mettre sans retard le prieur de Canchy en possession réelle de la dime de la Queste, en contraignant les détenteurs à cette restitution par les voies du droit canonique. Pour obtenir ce résultat, il fallut réitérer au doyen d'Abbeville et à celui de Long-Pré la menace d'excommunication si, dans un délai de huit jours, ils ne mettaient pas les religieux de Canchy en possession de tout le dîmage de la Queste 2.

1

Se sentant sur le point de mourir et voulant faire son testament, Pierre de Beauchien avait fait venir Eustache de Pont-Rémy et plusieurs autres personnes; en leur présence, il légua aux religieux de Canchy, de l'ordre du Bec, 30 livres parisis sur six journées, jornalia, de terre dans le champ dit le Treu Willebert, à Gammercamp (?); les religieux devaient jouir des six journées de terre jusqu'à ce qu'il plût à ses héritiers de leur verser les 30 livres. Pierre de Beauchien étant mort sous l'habit monastique et enterré dans l'église de Canchy, ses héritiers, Varin Paradis et Ada sa femme, constitués en présence d'Eustache, seigneur de Pont-Rémy, confirmèrent cette donation en y ajoutant le reste du champ, jusqu'à ce que la somme de 30 livres parisis fut intégralement payée aux religieux. Le même seigneur fut chargé de garantir les tenanciers contre son fils Enguerran et tous autres. Cet acte est de l'année 1239 3.

Enguerran, vicomte de Pont-Rémy, ratifia, au mois d'octobre 1241, la donation de Pierre de Beauchien; mais comme une contestation s'était élevée entre lui et les religieux au sujet d'un fossé, il le leur rendit, reconnaissant qu'il avait eu tort; en même temps, il confirma les droits des moines sur la dime de la Queste".

La première mention que nous ayons à faire du prieuré de Conflans, au XIIe siècle, concerne «< un accord fait en 1210,

Long-Pré-les-Corps-Saints, canton d'Ilallencourt (Somme).

Bibl. nat., lat. 12884, fo 273 vo et 276; lat. 13985, f° 98.

Bibl. nat., lat. 12884, fo 334 vo.

Fossatum s'entend aussi d'une portion de terrain entourée d'un

fossé.

Bibl. nat., lat. 12884, fo 337.

entre l'abbé et les chanoines de Saint-Mellon de Pontoise, et Guillaume d'Estouteville, prieur de Conflans, au sujet de quelques redevances »1. En 1215, Hugues de Hoilles (Houilles) donne quelques maisons et tènements aux religieux 2.

En 1211, Amauri de Courcelles avait fondé son anniversaire moyennant un muid de vin de rente aux religieux de Conflans. Plus tard, il fonda aux mêmes conditions celui de sa femme, Adelize de Montchevreuil. Au mois d'octobre 1244, Robert de Courcelles confirma les donations de son père. Ils blasonnaient à 3 fasces accompagnées de 9 losanges 3.

Le dimanche 25 septembre 1250, le prieuré de Conflans fut témoin d'une imposante solennité liturgique. L'archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, et Renaud de Corbeil, évêque de Paris, en présence de l'abbé du Bec et du prieur Guillaume de Brestot, transférèrent dans une châsse d'argent le corps de sainte Honorine que l'on conservait dans l'église du prieuré.

Au mois de juin 1276, Robert comte de Dreux et de Montfort, sire de Saint-Valéry et de Braines, donne une charte en français par laquelle il amortit quelques arpents de vignes donnés aux religieux de Conflans ".

A la demande du prieur Jean de Saint-Martin, le roi de France prit, en 1327, sous sa sauvegarde et protection les biens du prieuré o.

D. Jouvelin donne, à l'année 1407, le récit d'un scandale causé par deux moines du prieuré de Conflans. Le châtiment ne se fit pas attendre ; mais on voit, dans la procédure suivie, un nouvel exemple de ces fâcheux conflits de juridiction si fréquents au moyen âge. « Perceval de Larieu, prieur de Conflans, ayant surpris de nuit une jeune femme avec deux de ses religieux, Roger Martin et Jean de Paris, dans le dor

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toir, reprit les deux moines de leur faute. Les deux moines coupables recevant mal la correction de leur prieur, éteignirent la chandelle ou bougie que le prieur tenoit, et le battirent et le maltraitèrent. Le prieur avertit l'abbé du Bec de ce qui s'étoit passé et reçut ordre de l'abbé de mettre en prison les deux moines qui, interrogez juridiquement par le prieur, confessèrent ce qu'ils avoient fait. L'official de Paris ayant appris ce qui s'étoit passé à Conflans, y envoya quatre sergens pour se saisir des deux prisonniers et de Thomas de Brionne, aussi moine de Conflans, que l'official croyoit aussi être prisonnier comme les deux autres, ce qui n'étoit pas. Le prieur ayant refusé de livrer les trois moines, fut cité par l'official à dire pourquoi il refusoit d'exécuter ses ordres. Le prieur comparut devant l'official qui fit saisir le prieur et le mettre en prison, en luy déclarant qu'il n'en sortiroit point que les trois moines n'y fussent amenés. Le prieur, ayant promis de faire exécuter les ordres de l'official, écrivit à son souprieur d'envoyer à Paris les deux prisonniers, fut élargi, et eut la ville pour prison. Deux sergens allèrent pour cet effet à Conflans qui emmenèrent à Paris les deux prisonniers l'un après l'autre et qui furent menés dans les prisons de l'évèché. D. Thomas de Brionne s'étant aussi rendu à Paris, mais sans autre contrainte que l'ordre du souprieur, fut aussi logé dans les prisons de l'évêque. L'abbé du Bec s'étant plaint au Parlement de la violence et des entreprises de l'official de Paris, la cour ordonna que les prisonniers seroient tirés des prisons de l'officialité et conduits dans celles de la Conciergerie, se réservant de connaitre de cette affaire pour rendre justice à qui elle appartiendroit. Cette ordonnance du Parlement est du 22 décembre 1407. Le lendemain 23 décembre, le geolier de l'officialité ayant refusé de rendre les deux prisonniers, il y a de l'apparence que le troisième fut élargi jusqu'à ce qu'on luy eut payé la somme de 22 livres et quelques sols pour sa nourriture. Nicole de Biencourt et Pierre Bussière, conseillers et commissaires de la cour, réglèrent que le prieur de Conflans payeroit 10 livres par provision, jusqu'à ce que la cour, ayant examiné cette affaire, eut réglé qui devoit payer toute la somme. Cette seconde ordon

nance est de l'an 1407, le 5 janvier, c'est-à-dire 1408. C'est tout ce qu'on sçait de cette affaire 1. >>

Nous n'aurions que fort peu de choses à dire du prieuré de Saint-Pierre de Pontoise, de l'ordre du Bec, si le registre des visites d'Eudes Rigaud ne venait nous fournir un appoint notable. Nous y aurons pareillement recours pour les autres prieurés situés dans la province de Rouen.

Le 6 juillet 1249, première visite de l'archevêque. Cinq moines au prieuré; le prieur a charge d'âmes; les religieux n'ont point les statuts de Grégoire IX et ne font pas leurs coulpes en chapitre. Leur revenu est de 200 livres parisis, mais ils en doivent bien 400 2.

Lorsqu'il revient le 13 février 1251, il ne trouve que quatre moines qui jeûnent mal, et mangent parfois de la viande. Le prieur se promène à cheval, « cum summario »; ils ne doivent plus qu'environ 300 livres, mais le prieur ne rend pas de comptes 3.

Le 24 décembre 1254, Eudes Rigaud constate que les dettes ont augmenté de 100 livres, et le revenu aussi. L'église du prieuré de Saint-Pierre était en même temps paroissiale; il paraît que le curé est querelleur et brutal avec ses ouailles; il chante ses vêpres pendant que les moines chantent les leurs, d'où une confusion déplorable; si l'un des paroissiens lui fait une observation, le curé ôte ses ornements et laisse là la messe .

Le 6 mars 1256, nouvelle visite; rien de particulier. Le 28 août 1258, l'archevêque trouve cinq moines prètres au prieuré de Saint-Pierre. Ils invitent parfois des gens du dehors à des repas payants. Ordre est donné de cesser immédiatement ces réunions. Le prieur, qui était absent au moment de la visite, entretient un sien neveu aux frais du prieuré sans y être autorisé par l'abbé. Eudes prescrit de l'éloigner

2

Bibl nat., lat. 13905, fo 62.

Regestr. visit., édit. Bonnin, p. 42. On verra que les religieux mirent une vingtaine d'années à amortir leur dette.

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